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Comment l’argent fait le bonheur (2/4)
--> La richesse faite corps

Lu sur l'Humanité : "La richesse doit s’inscrire dans les corps pour achever sa métamorphose : les propriétés extérieures à la personne doivent être perçues comme des qualités de la personne elle-même. Tout en fondant une assurance de soi exceptionnelle, cette métamorphose, en modelant les corps et les comportements, crée des signes de reconnaissance entre pairs.

La position sociale s’inscrit dans les corps

La position sociale, en s’inscrivant dans les corps, induit une sorte de seconde nature. L’idéologie du sang bleu de la noblesse en était une manifestation, pas si fausse que cela puisque, à travers tous ses privilèges, cette caste avait pu acquérir des qualités rares et transmissibles par l’éducation, légitimées comme dons de naissance. L’idéologie du don est le produit de cette ignorance, souvent intéressée, de l’origine des qualités, et des défauts, d’agents sociaux qui sont en réalité le produit de leur histoire. En tranchant en faveur de l’inné contre l’acquis, du génétique contre le culturel, les notions de noblesse et de don insistent sur l’existence d’une essence spécifique, d’une personnalité originelle dont les vertus et les imperfections renverraient d’abord aux potentialités inscrites de manière naturelle dans l’individu dès sa conception.

Cette naturalisation des qualités sociales, leur attribution non plus à l’efficacité des apprentissages et à l’excellence du milieu familial, mais à l’hérédité d’une humanité à part, d’une autre essence, conduit à l’idéologie du sang bleu, thème raciste inversé qui fait des nobles (et aujourd’hui de l’aristocratie de l’argent) une espèce supérieure, de nature différente. Dans le champ politique, les positions de droite penchent du côté du génétique. Les délinquants sexuels présenteraient ainsi un héritage génétique spécifique. À l’opposé, la tradition de gauche attribue plus volontiers ce type de délinquance à de mauvaises conditions sociales, économiques, avec des problèmes de promiscuité et d’échec éducatif et scolaire.

Le « naturel » de ce qui est en réalité le produit d’une éducation, des facilités, ou des difficultés d’un milieu, est également convoqué dans les classes moyennes intellectuelles. On se doit d’être décontracté, pas guindé, pas coincé. On doit présenter un corps hédoniste et sans contrainte. La cravate est vécue comme un carcan insupportable. Les classes populaires, elles, alternent de manière contrastée entre la tenue de travail ou quelconque et celle, soignée, du dimanche.

Une ouvrière de Cellatex, une usine de la vallée de la Meuse, dans les Ardennes, ayant participé à une table ronde télévisée, en compagnie de cadres, de hauts fonctionnaires et de journalistes, a confié son désarroi à François Bon, qui l’a citée dans son récit Daewoo. « Moi, ce qui m’énerve, déclarait-elle, ce sont nos tronches. La différence, qu’on en porte autant sur soi-même, de ce qu’on est et de ce qu’on fait. On peut faire des efforts, courir les soldes, les démarques. Tu en reviendras au même : une manière des épaules, de tenir les mains ou le sac quand tu marches. »

Mais que le corps soit redressé et discipliné, comme dans les familles de la haute société, qu’il soit décontracté, comme dans les classes moyennes intellectuelles, ou qu’il exprime des conditions de vie et de travail difficiles en milieu populaire, chacun vivra cette présentation de soi et cette gestion du corps comme exprimant une réalisation de son essence. Les inculcations les plus arbitraires et les plus contraignantes finissent, lorsqu’elles sont efficacement menées, par être ressenties comme une exigence de la personne elle-même, dans son authenticité unique, qui peut devenir charme et pouvoir charismatique.

Les inégalités face aux soins du corps

Le corps porte les stigmates, positifs ou négatifs, de ses origines et de ses conditions de vie. Les mains ouvrières montrent les traces de leur travail. Celles des princesses manifestent aussi le travail, mais celui de la manucure. Les visages révèlent les conditions difficiles ou confortables de l’existence : les traits tirés et les rides précoces, pour les uns, les peaux toujours légèrement hâlées et lisses pour les autres.

Les caricaturistes dessinaient, autrefois, des capitalistes rondouillards, rebondis comme les sacs de dollars de l’oncle Picsou. Cette tradition se perd : croquer le riche d’aujourd’hui sous les traits d’un gros bedonnant serait un contresens. Au XIXe siècle, le patron était gras, repu, l’ouvrier, maigre, ne mangeait pas toujours à sa faim. L’élévation du niveau de vie s’est traduite d’abord par l’accès des familles les plus modestes à un régime alimentaire de plus en plus riche, tandis que les classes aisées prenaient conscience de la nécessité de surveiller leur alimentation : la diététique fit son apparition. Et les corpulences se sont inversées, au point que l’obésité, problème de santé majeur dans les pays riches aujourd’hui, y menace en priorité les pauvres, certes à l’abri de la faim, mais dans l’impossibilité monétaire et dans une certaine mesure culturelle de s’alimenter de manière à éviter ce mal moderne. Aux États-Unis, la population noire, statistiquement la plus pauvre, est la plus atteinte. En France, les jeunes générations commencent à être marquées, et notamment parmi les enfants de l’immigration qui connaissent des conditions de vie difficiles. Les diététiciens qui, sur les ondes, conseillent de manger cinq fruits et légumes différents chaque jour n’ont sans doute pas conscience qu’une telle alimentation est hors de prix pour les familles modestes.

Pendant ce temps, dans les grands restaurants, la nouvelle cuisine a pris le pouvoir : les immenses assiettes dégarnies sont la règle, qui met en scène une cuisine savante mais où la quantité est un critère négatif. Une alimentation devenue modérée pour une population qui, depuis longtemps, ignore la faim et a expérimenté les méfaits de la suralimentation.

Le corps est encore marqué par la présence ou l’absence de pratique sportive. La grande bourgeoisie n’en a pas l’exclusivité. Mais elle l’inscrit dès le plus jeune âge dans le mode de vie, et ses écoles, celle de Roches à Verneuil-sur-Avre pour exemple, lui donnent une grande place, allant jusqu’à lui réserver les après-midi. Avec des pratiques socialement marquées : le tennis, la voile, le cheval, le golf, l’alpinisme ne sont pas des disciplines particulièrement populaires. Les grands cercles parisiens disposent d’installations sportives, courts de tennis, piscines, salles de gymnastique ou d’escrime.

L’éducation du corps dès la petite enfance est l’affaire du milieu familial. Il s’agit d’apprendre à maîtriser son corps et à le présenter toujours de la manière la plus avantageuse. Se tenir droit est un principe qui ne se discute pas. L’apprentissage des manières de table et des danses de salon complète ce dressage du corps qui accède à l’élégance du geste et au plaisir de lui-même. Le corps est ainsi un autre capital, qui permet de convaincre les autres de l’excellence de la personne qui l’habite. Ldes mouvements et des postures autorise un rapport détendu aux autres et impose la reconnaissance d’une certaine supériorité.

L’habitat grand bourgeois est à la mesure des corps théâtralisés qui s’y meuvent. Généreux en espaces, permettant la mise en scène heureuse de corps faits pour la société, au sens d’assemblée, pour la représentation et les mondanités. La description de la villa louée pour le président Sarkozy et sa famille donne une idée de ces demeures faites pour recevoir, pour rencontrer et gérer les relations sociales. Les corps y sont choyés, disposant de salles de bains à profusion et d’une plage privée pour la baignade. Les soins que réclament ces « corps d’élite » sont exigeants. Le suivi médical de ces corps est à leur image : très soigné. Les franchises à l’ordre du jour pour les soins médicaux doivent faire sourire à Neuilly. Les riches habitants de cette commune, où est implanté le très chic et très cher Hôpital américain, ont l’habitude de faire ce qu’il faut pour être soignés dans de bonnes conditions, même si le remboursement n’est que partiel. On ne lésine pas sur les soins dentaires, même lorsqu’ils relèvent d’une préoccupation esthétique. À l’opposé, les dentures des plus démunis sont souvent en deuil. Paradoxalement, les corps les plus maltraités par le travail sont aussi les plus mal soignés.

Le paradoxe est le même en ce qui concerne les vacances. Elles sont un moment bien utile et nécessaire pour des corps fatigués et usés. Elles sont une parenthèse agréable et joyeuse pour des corps déjà choyés. Pourtant l’INSEE nous apprend que 21 millions de Français, un tiers de la population, n’ont pas pris de vacances, principalement pour des raisons financières. Or, par vacances, il faut entendre les déplacements d’agrément d’au moins quatre nuitées consécutives. Une définition modeste qui met en évidence là aussi de profondes inégalités.

Mais il en est une encore plus profonde, qui implique le rapport à la mort devant laquelle nous sommes loin d’être égaux.


Par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS.

Comment l’argent fait le bonheur (1/4)

Ecrit par libertad, à 14:48 dans la rubrique "Economie".



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