L'En Dehors

Texte en réponse à "BD : l'été en planches..."
Je précise que, mis à part L'Insomniaque, les éditeurs présentés ne sont, contrairement à ce qui est annoncé, pas libertaires pour un sou. Enfin, justement si, ils ne le sont que pour ça! Je parle surtout pour Futuropolis, dont l'existence actuelle révèle de la plus grande escroquerie de la bande dessinée contemporaine, leçon en terme de récupération. Futuropolis fut une des maisons d'édition les plus importantes dans la défense d'une bande dessinée d'auteur, de 1972 à 1994. Diverses entourloupes amènent les éditions Soleil, fleuron de la bande dessinée médiocre et réactionnaire, à racheter le label en 2005.

Articles sur le sujet ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Futuropolis
et ici : http://www.actuabd.com/article.php3?id_article=2053%22target=%22_blank.
Des points de vue critiques sur la question dans les livres Plates-bandes, de Jean-Christphe Menu et la revue l'Eprouvette (éditions L'Association).
Autre chose : les réflexions comme "L’été en planches (à voile)" "bandes dessinées récentes pour vos lectures d’été" et "Sous les pavés, la page", ces associations entre bande dessinée et infantilisme ludique participent pleinement à la nullité du regard critique et à la reproduction de sous-cultures. Quand ce pseudo goût pour les blagounettes rigolotes est couplé avec un appétit pour la critique, c'est pire que tout. Pour se marrer, il y a de très bonnes BD, je dis pas le contraire (et ça fonctionne en hiver). Par contre, il existe, depuis des décennies (entre autres grâce aux publications de Futuropolis), une bande dessinée mature, sérieuse, dans laquelle l'auteur se met en jeu, avec des styles variés, etc... (Remarquez qu'aucune Bd de la liste A voix Autre ne possède un dessin réaliste). Enfin, on peut dire via la bande dessinée, et pas seulement de l'aventure, des héros, des séries, etc. Et avec qualité (la bd la plus prisée des libertaires est l’épopée de Makno, par F. Hombourger, parce que l’histoire et l’éditeur sont anars, alors que cet objet est pitoyable -si le programme était d’utiliser la bd comme faire-valoir fun, c’est raté).
Pour rester sur le registre de la bande dessinée politique, une actualité à présenter serait, par exemple, l’adaptation de Souvenirs d'un révolté, de Marius Jacob, auto-éditée par Romain Louvel (http://assortiment2.free.fr/). Quelques auteurs importants : Chantal Montellier, Philippe Squarzoni, Ivan Brun, Lionel Tran ( actualité : il vient de publier, avec sa maison d’édition TerreNoire, une série de « Cartes postales à envoyer lorsqu’on ne part pas en vacances »…), Joe Sacco, Felipe H Cava (entre autres, une belle histoire sur fond guerre d’Espagne, Les Mémoires d’Amoros, avec Frederico del Barrio ; sur ce contexte cher aux libertaires, vient de sortir Chaînes, de Jorge Garcia et Fidel Martinez, nouvelles sur les femmes oubliées de cette guerre ), Alberto Breccia (!), Kamel Khélif, etc. Et leurs éditeurs.
Après, je ne crache pas sur toute Bd commerciale et, miracle libéral, de beaux livres critiques paraissent chez des éditeurs marchands : ainsi, V pour Vendetta, d'Alan Moore et David Lloyd, est une petite perle, certainement une des bd les plus nourrie d'anarchisme. Au-delà d'un récit d'anticipation, révolution, vengeance, avant-garde, contre-culture, violence individuelle, propagande, etc, sont brassées et confrontées à leurs limites avec une finesse qui fera facilement pâlir les gentils grévistes au grand cœur d’Etienne Davodeau.
Par contre, quand un produit marketing passe pour une avant-garde critique, et que tt le monde marche –les plus critiques les premiers, ô florissant marché du militant-, il n’y a pas à regarder loin pour connaître le pigeon de l’histoire. Le rock a très bien connu ça. En bande dessinée, des éditeurs comme L’Association, Les Requins Marteaux, Frémok, Six pieds sous terre, etc, ont proposé, au début des 90's, une autre bande dessinée, hors des normes classiques : manque de pot, ça a marché et 15 ans plus tard existent des rayons « bande dessinée indépendante » (véridique) dans toutes les fnacs. C’est aujourd’hui un secteur économique bien rentable, qui profite à de nouvelles structures -et auteurs- faites sur mesure (lesquelles ne sont, généralement, plus des associations mais de belles petites sarl qui surfent sur une esthétique et un ton « contre-culture »). Quelques exemples caricaturaux de collections qui jouent cette carte de la révolte branchouille : Lucha Libre (éditions Humanoïdes Associés, http://www.luchalibre.fr/) , Kstr (éditions Casterman, http://www.kstrbd.com/) –avec, toujours, comme pour Futuropolis-Soleil, une dissociation entre l’éditeur, référence d’une bande dessinée classique bien implantée, et le label, dans une esthétique punk-guerillero, étoiles rouges garanties…
Pour conclure sur la sélection ci-dessus, Actes Sud fait partie des rares "gros" éditeurs qui font du boulot. Paquet des nombreux "petits" qui n'inventent pas grand chose. Il suffit d'être un peu regardant : les livres défendus, mis à part celui de Posada, n'ont pas besoin de l'être : ils sont déjà dans toutes les fnacs et sur les étagères de bien des gens qui n'en ont rien à faire du Monde Libertaire et du moindre regard critique. Encore un train de retard ! Alors, peut-être la question se pose de savoir si c'est une bonne chose que les marchands promeuvent cette culture mais vous m'accorderez que ça sent un peu l'entourloupe. Sous la plage, les pavés sont en carton-pâte...