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EMPLÂTRE HUMANITAIRE SUR CASQUE COLONIAL : KOUCHNER LA-BONNE-CAUSE
Lu sur CQFD : "Personnalité politique souvent en tête des opinions favorables, Bernard Kouchner, le nouveau locataire du Quai d’Orsay, a démarré ses aventures en 1969, en pleine guerre du Biafra. Depuis, il a toujours su garder la pose et le faux-nez humanitaires.

EN 1969, LE TERRITOIRE BIAFRAIS, province sécessionniste du Nigeria, est au coeur de gigantesques gisements pétroliers. La situation de guerre civile donne des idées à Jacques Foccart, le stratège du général De Gaulle, qui soutient déjà matériellement les indépendantistes. Son but est simple : encourager la partition du Nigeria et ouvrir un boulevard au groupe pétrolier français Elf [1]. Mercenaires, fonds secrets, agitation diplomatique, toute la panoplie des réseaux de la Françafrique est déployée pour soutenir l’effort de guerre. Reste à bluffer l’opinion publique. Le colonel Maurice Robert, alors responsable Afrique du SDECE, s’est laissé aller à quelques confidences : « Ce que tout le monde ne sait pas [sic], c’est que le terme de “génocide” appliqué à cette affaire du Biafra a été lancé par les services [secrets]. Nous voulions un mot choc pour sensibiliser l’opinion. » [2]. C’est là que l’ancien étudiant communiste Bernard Kouchner, venu sur place à l’appel de la Croix-Rouge et du Secours médical français, va initier sa légende médiatique en créant le « Comité de lutte contre le génocide du Biafra », au sein duquel il enrôle nombre d’intellos. Les images des enfants biafrais faméliques bouleversent les téléspectateurs. Le Biafra devient cause nationale. L’aide afflue, à deux détails près : dans les cargaisons de la Croix-Rouge on trouve aussi des armes [3]. Un million de morts plus tard, le soutien militaire français aura prolongé de manière criminelle un conflit perdu d’avance. Le french doctor, quant à lui, devient un des pionniers de l’urgence humanitaire et participe l’année suivante à la fondation de Médecins sans frontières. « Il n’y a pas de bons et de mauvais morts » devient l’antienne imparable de la bonne conscience occidentale, sans que se pose jamais la question de « qui arme qui ? ».

(JPEG) 1994. L’État français est alors le soutien essentiel du Hutu Power qui massacre méthodiquement un million de Tutsi au Rwanda. Le 9 mai, en plein génocide, Rwabalinda, un haut responsable militaire du gouvernement intérimaire rwandais rencontre en France le chef de la Mission militaire de coopération. Au menu notamment : l’amélioration de l’image du régime génocidaire... Or, voilà ce que rapporte le général Dallaire, dirigeant de la force onusienne, à propos de la visite de Kouchner au Rwanda trois jours plus tard comme émissaire de l’Élysée : « Il m’a annoncé que le public français était en état de choc devant l’horreur du génocide au Rwanda et qu’il exigeait des actions concrètes. Je lui ai exposé ma position : pas question d’exporter des enfants [et de] s’en servir comme porte-enseigne pour quelques Français bien-pensants. J’ai détesté l’argument de Kouchner qui estimait que ce genre d’action serait une excellente publicité pour le gouvernement intérimaire. [...] Je n’aimais déjà pas l’idée de faire sortir du pays des enfants rwandais, mais se servir de ce geste pour montrer une meilleure image des extrémistes me donnait la nausée. » [4] L’opération capote, mais Kouchner revient à la charge, pose devant les caméras un orphelin dans les bras, et demande l’autorisation auprès de Dallaire de faire intervenir l’armée française à Kigali, ce qui mènerait vers la partition du pays. Nouveau refus du général onusien, mais l’idée est là : faire intervenir la France au nom de l’humanitaire, alors que 90 % des victimes tutsi sont déjà exterminées. L’opération Turquoise organisera finalement le retrait et la protection des forces du génocide. Aujourd’hui, Kouchner fustige « l’aveuglement criminel » de Mitterrand, comme si l’ancien Président était mal informé. Au sujet de l’implication française, il y va parfois au culot : « L’armée française n’a pas plus organisé le massacre qu’elle n’a participé directement au génocide » [5], alors qu’on connaît aujourd’hui le rôle logistique des militaires français dans la machine d’extermination [6].

Dans le privé, le « fils spirituel de l’Abbé Pierre » autoproclamé sait varier ses missions. En mars 2003, Kouchner monnaye son expertise à Total pour 25 000 euros. La firme est alors accusée d’avoir recours au travail forcé en Birmanie, mais le mercenaire du coeur la blanchit au terme d’une brève enquête médico-sociale, dont quatre jours sur place. Notre homme sait aussi trouver le temps de rendre quelques menus services aux dictateurs chouchous de la Françafrique, Omar Bongo et Denis Sassou N’Guesso, pour des « consultations » sur la création éventuelle d’une... Sécurité sociale. Au cas où l’envie de cesser le pillage de leur propre peuple les démangerait ? Mais le plus important, c’est que l’humanitaire à la sauce Kouchner, dans des moments-clés de l’histoire, peut être un élément déterminant pour une propagande d’État à des fins de guerres secrètes. Le gluant Alain Duhamel a récemment dépeint le nouveau ministre des Affaires étrangères comme un « animal politique complètement atypique », incarnant « une forme de générosité, d’engagement, d’intrépidité antitotalitaire profondément novatrice, [...] transgressant tous les usages diplomatiques pour la bonne cause. » [7] Toujours la cause ! La cause toujours !

Article publié dans CQFD n° 46, juin 2007.


[1] F-X.Verschave, La Françafrique, Stock, 1998, chap. 4, « Biafra pétrolo-humanitaire ».

[2] Ministre de l’Afrique, entretiens avec André Renault, Éd. Seuil, p.180.

[3] La Françafrique, op. cit. pp. 149-150.

[4] Roméo Dallaire, J’ai serré la main du diable, Libre expression, 2004.

[5] Ouvrage collectif, Rwanda : pour un dialogue des mémoires, Albin Michel, 2007.

[6] La nuit rwandaise, n°1, 2007, pp. 129-141 et 157-171.

[7] Libération, 23 mai 2007.

Ecrit par libertad, à 09:13 dans la rubrique "Actualité".



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