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L'En Dehors


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L’esprit de Mai en campagne
Lu sur Courant alternatif : "Décidément, les “événements” n’en finissent pas de les gratter. Mais qu’est-ce qui leur prend de polémiquer à propos de “temps anciens” auxquels ils n’ont pas participé et que le commun des sexagénaires n’évoque plus que sous l’emprise d’une vague nostalgie ? Ségolène Royal comme Nicolas Sarkozy y sont allés une fois de plus de leur couplet sur Mai 68, comme, avant eux et à chaque élection, Jacques Chirac, François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing et Georges Pompidou, ou comme, régulièrement, des ministres de droite ou de gauche lors des grands mouvements sociaux qui animent le pays depuis 1995. Quarante ans après, le spectre les hante encore.

Ségolène Royal ouvre le bal...

Nul ne pouvait pourtant la soupçonner de flirter avec une pensée contestataire, aussi anodine soit-elle. Son passage entre 1997 et 2000 à l’Education nationale comme déléguée à l’enseignement scolaire ne laissait aucun doute là-dessus : une loi sur l’autorité parentale qui reconcentrait nombre de compétences entre les mains de l’autorité judiciaire, donc de l’Etat, et réhabilitait le “rôle fondateur des parents” (1) ; des déclarations remarquées sur les vêtements de jeunes filles ; une opposition à la diffusion d’une publication de prévention du sida dans les écoles et collèges sous prétexte d’“incitation à la débauche” ; des certitudes proclamées sur la culpabilité de tel ou tel pédophile (2), tout cela indiquait un puritanisme de mauvais aloi, parfois criminel, mais pas encore une attaque frontale et globale contre cette “fameuse pensée de 68”.
C’est au fur et à mesure que la campagne officielle approchait que la candidate s’est située plus franchement aux antipodes de cette pensée (3).
D’abord, avec son “ordre juste” (dont elle ne précisait pas la nature : hiérarchique ? autogéré ? égalitaire ? naturel ?,divin ?), qui est un coupé-collé de l’encyclique Deus caritas de Benoît XVI, loin de toute réminiscence contestataire, même vague.
Ensuite avec sa volonté de remettre la famille “au centre de la société”, qui doit, elle aussi, plus à l’Eglise qu’à cette “révolution” qui fit subir à la famille triangulaire des assaut inégalés depuis !
Enfin, avec sa surenchère sur l’identité nationale, Marseillaise et drapeau en sautoir, quand Mai 68 se moquait bien du patriotisme et se voulait internationaliste.
Nous eûmes droit, en outre, à de multiples couplets puant l’ordre moral, point par point opposables à la “pensée de Mai 68” : l’argumentation, dans un premier temps, contre le mariage homosexuel (2) au nom de la défense de la famille traditionnelle – et non, comme le Fhar (Front homosexuel d’action révolutionnaire) des “temps anciens”, en vue de combattre et de ridiculiser le mariage en tant que tel ; le rétablissement de l’autorité contre l’“interdiction d’interdire”, l’encadrement disciplinaire et militaire des jeunes (4) contre Ivan Illich, la pédagogie institutionnelle ou la non-directivité ; les sorties répétées à propos du beau métier de militaire et de son admiration pour la DGSE, quand elle prend la défense de son frère impliqué directement dans le meurtre du militant de Greenpeace dans l’affaire du Rainbow Warrior en 1985, face à l’antimilitarisme viscéral de Mai 68, aux comités de soldats, aux mouvements d’insoumis et d’objecteurs ; l’appel, le 28 mars 2007, à un retour du service militaire ; la proposition de mise sous tutelle des allocations familiales des “familles dépassées par le comportement de leurs enfants”... (proposition identique à celle de Sarkozy et conforme aux tentatives réalisées dans des communes de la ceinture parisienne par des maires UMP)... Chaque justification de ces mesures, prises ou à prendre, était toujours assortie, implicitement ou explicitement, d’une allusion à cette “culture de 68” qu’il fallait “oublier” ou “dépasser”.
Cela n’avait pas échappé à Edith Cresson, une autre ennemie notoire de 68, qui avait déclaré rayonnante, au milieu de la campagne électorale : “Ségolène Royal, c'est la fin de mai 1968. La fin d'une époque sympathique mais avec ses dérives, ses bobos *attachés à leurs privilèges, méprisants pour le peuple et qui pensent avoir la science infuse.” Elle précisait que la candidate marquait la “fin de Mai 68 avec le retour de l’autorité dont on a besoin (5)”.

... Sarkozy s’y invite

l faut croire que Sarkozy n’entendait pas se laisser piquer un créneau qui permettait à la fois de caresser gentiment l’électorat lepéniste tout en rassurant ceux qui pestaient contre cette “génération 68” qui leur barrait la route en s’acharnant à garder le pouvoir avec les bons postes !
C’est au meeting de Bercy, le dimanche 29 avril, entre les deux tours, qu’il se réapproprie – et avec quelle hargne et violence ! – le thème fort prisé de la fin de 68. “Liquider une bonne fois pour toute l’héritage de Mai 68” : “ceux qui criaient CRS-SS prennent systématiquement le parti des voyous, des casseurs et des fraudeurs contre la police”, avait-il auparavant déclaré après les incidents de la gare du Nord.
Selon lui, l’héritage de 68 c’est : “le relativisme intellectuel et moral”, “la liquidation de l’école de Jules Ferry”, “l’introduction du cynisme dans la société et la politique”, et “l’abaissement du niveau moral de la politique”. Si le cynisme et l’abaissement moral, ce ne sont pas les diamants de Giscard, les scandales de la mairie de Paris, l’affaire Clearstream, celle des écoutes téléphoniques, du Rainbow Warrior, de la gestion sarko-balkano-pasqualienne des Hauts-de-Seine, les parachutes dorés et j’en passe des tonnes, nous les avons tous en mémoire, c’est quoi ? Où sont les soixante-huitards là-dedans ?
Enfin, gardons l’argument le plus inattendu pour la fin : “Voyez comme le culte de l’argent-roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portés par les valeurs de 68.” Il fallait le dire ! Faut-il rappeler que le 24 mai 1968, à la veille de la négociation de Grenelle, c’est bien la Bourse de la finance et non celle du travail que les émeutiers brûlèrent ?
Mais peu importe la vérité, les harangues électorales sont là pour galvaniser les troupes et lancer quelques clichés qui rejoindront d’autres âneries dans les livres d’histoire pour l’édification des enfants, telles celles sur le colonialisme dans les livres de l’école de Jules Ferry. Nul besoin d’être agrégé d’histoire pour se rendre compte que les arguments et les exemples cités par Sarkozy et ses complices n’ont rien à voir avec une quelconque vérité historique mais répondent à des objectifs propagandistes.
Pourtant, pour fausse que soit cette vision, elle n’en est pas moins révélatrice d’un trait de la “culture” et de l’univers sarkoziens. Le nouveau président traduit le “Jouissez dès maintenant sans temps mort et sans entrave”, censé représenter la pensée de 68, par “Gagnons vite de l’argent, profitons-en au maximum”... Ce qui indique à quel point sa conception de la jouissance et du plaisir est limitée au strict domaine du fric et du pouvoir !
Cet assaut contre 68 n’est évidemment nullement surprenant. La pensée sarkozienne, conforme en cela à celle de la droite, a toujours été opposée à ce que représentent et disent ces années. L’élément nouveau, c’est que cette fois elle accompagne et se greffe sur un courant intellectuel qui, de Max Gallo à Finkielkraut, de Houellebecq à Taguieff en passant par Régis Debray, Marcel Gauchet ou Alain Soral, supposés avoir été de gauche, voire soixante-huitards, œuvre depuis une quinzaine d’années à faire accepter le monde tel qu’il est, à combattre les “folies” comme les grèves de 1995, et finalement à déculpabiliser les critiques de la culture soixante-huitarde.
C’est cet appel d’air provenant d’intellectuels en vue qui a permis aux transfuges de la gauche, dont Kouchner est l’emblème, de passer sans dommage à la droite parlementaire. Et ceux qui s’en étonnent ou s’en offusquent n’ont jamais voulu voir que ces gens étaient, au mieux, de bien timides et tardifs soixante-huitards, par mode plus que par conviction (6).
Face à cette offensive sabre au clair, impossible pour la candidate du PS de faire de la surenchère dans la hargne et la falsification antisoixante-huitarde. Donc, Royal devant impérativement répondre et s’opposer à Sarkozy à quelques jours du second tour dut, sur ce sujet, prendre le contrepied de ce qu’elle affirmait quelques semaines auparavant, sous peine de voir les “messages se brouiller”,comme disent les “communiquants”.
Elle défendrait donc, cette fois, Mai 68... mais après moult précautions d’usage : “Moi je ne souhaite pas que la France parvienne à cet état de blocage pour précisément susciter comme en Mai 68 des révoltes, des revendications, des grèves qui ont tout bloqué tout simplement parce que le pouvoir refusait d’écouter et de redistribuer les richesses des trente glorieuses.”
“Il y a eu des excès”, rajoute-t-elle, mais pour aussitôt s’attribuer le mérite d’“avoir recadré les choses” par le passé : “J’AI fait une loi sur l’autorité parentale” (voir plus haut).
Précautions prises, madame “Moijeu” énumère les avancées de “son Mai 68” : les “accords de Grenelle”, la “section syndicale d’entreprise”, la “revalorisation des salaires”, la “reprise de la croissance”, le “droit des femmes à la contraception” (7).
Sur les accords de Grenelle (hausse de 25 % du smic et de 7 puis 10 % des salaires réels, baisse du temps de travail à 40 ou 44 heures, création de la section syndicale d’entreprise, assouplissement de l’âge de la retraite), rétablissons quelques vérités historiques. Ils sont signés le 27 mai 1968 après deux jours de négociations entre patronat, gouvernement et syndicats. Or Ségolène Royal, qui rappelle à juste titre, et incite Sarkozy à s’en souvenir, que Mai 68 c’est d’abord 11 (sic) millions de grévistes avant d’autres aspects plus “sociétaux” qu’elle prise moins, oublie de préciser que ces ouvriers qu’elle appelle au secours REFUSERENT les accords de Grenelle ! C’est le 27 mai 1968 que se déroule le fameux épisode, immortalisé par de nombreuses images et prises de son, où Georges Seguy se fait conspuer par les ouvriers de Renault Billancourt ! Ce ne furent que plusieurs semaines plus tard que, rentrée dans le rang après avoir voté et revoté, la classe ouvrière finira par “accepter” ces accords, et après de multiples retouches. Elle omet en outre de nous expliquer comment il aurait pu y avoir ces accords SANS l’état de blocage, ces révoltes et ces grèves qu’elle s’est en préambule empressée de condamner. Elle entre ainsi par la grande porte dans le cercle des faussaires de l’Histoire !
Le 68 que Ségolène tolère, c’est celui de la capitulation de la classe ouvrière appuyée par des syndicats qu’elle désirerait, pour l’avenir, beaucoup plus puissants qu’ils ne le sont, mais à condition d’être plus intégrés encore dans le système pour contrôler du mieux possible cette classe ouvrière, comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne.
C’est celui de la récupération par les forces institutionnelles... et, à ce propos, le choix du stade Charléty par Royal pour son dernier meeting, centré sur Mai 68, n’est pas le fait du hasard... Charléty, c’est 68 mais le début de la fin de 68, la récupération par les partis de gauche, la présence de Mendès France avec Mitterrand en coulisses, l’affirmation de Rocard, la fin des grèves qui se profile... C’est ce 68-là qui plaît à Ségolène Royal.
Ce Mai 68 toléré, voire loué, est tout aussi réducteur et partisan qu’est imaginaire celui de Nicolas, qui y voit l’origine du capitalisme financier et de l’esprit de spéculation ! Là encore, ces deux-là finissent par se rejoindre dans la volonté d’éradication de toute culture critique de la société capitaliste. Et si certaines mesures mises en œuvre par le nouveau président ont été approuvées par Royal qui y a vu un hold-up sur son propre programme, c’est bien que ce qui les sépare est tout juste affaire de “communication” et de “méthode”.

JPD

* Une des caractéristiques des bobos, c’est un certain attachement à la consommation alors qu’il nous semblait qu’en 1968 c’était la CRITIQUE de la société de consommation qui prévalait. Les bobos étaient à peine nés alors... Ils sont de la génération Mitterrand, superposable à la gauche caviar, en moins huppés sans doute, mais bourgeois tout de même.
(1) A l’époque, un grand nombre d’associations féministes critiquèrent vertement cette loi, accusant la ministre d’avoir été pénétrée par le “lobby masculiniste”. La critique s’est envolée dès que la plupart de ces associations décidèrent de soutenir la candidate.
(2) On consultera avec profit les textes de Act-up au début de la campagne ainsi que le dossier sur le suicide de l’enseignant Bernard Hanse suite au dérapage de Royal. Il suffit de taper Bernard Hanse sur internet et tout y est !
(3) Voir CA n° 163, “Voter Ségo contre Sarko ? Et puis quoi encore !”, novembre 2006.
(4) ...ou par toute “profession en uniforme qui incarnent la République”. Il faut être particulièrement tordu pour voir un rapprochement entre Mai 68 et des uniformes incarnant la république ! Il est vrai que certains ex-supposés “gauchos” estiment que le port de l’uniforme à l’école serait un moyen de lutter contre les inégalités sociales, confirmant ainsi que la confusion entre le déguisement et la réalité est une chose très partagée.
(5) A signaler que le directeur de cabinet de Royal, Christophe Chantepy, fut le conseiller technique d’Edith Cresson... un expert en succès électoraux !
(6) voir CA n° 158, “Les nouveaux réactionnaires au service d’une nouvelle alliance gauche-centre”, mai 2006.
(7) Notons que le droit des femmes à la contraception date de... 1967 de par la loi dite “Neuwirth” – du nom d’un député gaulliste – qui autorise la mise en vente libre de la pillule anticonceptionnelle, et que c’est Simone Veil et Giscard qui font voter la loi sur l’avortement en 1974.
Ecrit par libertad, à 22:45 dans la rubrique "Actualité".



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