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Normalisation, victimisation, eugénisme les outils modernes de la terreur
LA CRITIQUE DE L'IDÉOLOGIE technicienne au service du pouvoir n'est pas nouvelle. On fustige la technocratie, dont l'expert est une des figures de Pouvoir établie. Voyons ici, un aspect particulier qui est le rapport à la norme, à sa construction, et surtout comment un besoin légitime de sécurité (au sens de solidarité) est retourné par le Tyran comme un moyen d'oppression formidable.


L'ambivalence du rapport à la norme

Du régime de sécurité sociale des intermittents du spectacle au cadre légal de l'amiante, c'est dans la norme technique (calcul du salaire journalier de référence, méthodologie de comptage des fibres d'amiante présentes dans l'air), que les puissants dissimulent de plus en plus leurs « réformes ». Car au niveau des motivations publiques, c'est une morale qui est avancée (au sens religieux de règles révélées fonctionnant selon la double figure soumission/punition, bien plus que l'affirmation politique de principes d'action à débattre, décider puis partager ensemble.
« La drogue est un fléau » et qui veut poser la question autrement est un terroriste. « La mondialisation est une dynamique inéluctable » et la seule question serait de s'y adapter ou disparaître. Ces affirmations qui pullulent dans les discours politiques. de tout niveau (gouvernements, médias, syndicats, lobbies, etc.) ont pour dénominateur commun de suggérer des matrices supérieures préexistantes.
Dans cette perspective générale, on voit comment l'exigence de contrôle propre au Pouvoir trouve dans la norme technique un outil puissant, car légitimant son caractère discriminant derrière une illusion d'apolitisme et d'objectivité scientifique. Une raison parmi d'autres du développement de la normalisation, d'abord des produits (avec l'image satirique mais réelle des Guignols de l'Info moquant la Commission européenne statuant sur la taille normalisée des concombres), puis des services, puis de plus en plus des procédures. Ainsi, par exemple, des normes de la maintenance industrielle visent la manière d'élaborer un système de maintenance: ce n'est plus le résultat que l'on norme, c'est la réflexion initiale, la manière de penser.
L'ambiguïté du rapport à la norme tient à ce qu'elle serait aussi un garde-fou du faible contre le fort. C'est le cas de la normalisation suscitée par les associations de consommateurs qui, à un certain niveau d'analyse, agissent comme des opposants à la toute puissance de la machine étatique ou des producteurs de biens et services. La norme est alors présentée au consommateur comme une garantie; comme sa « sécurité ».
Pour remplir ce rôle de sécurité collective, la norme induit la certification, c'est-à-dire une institution apte et autorisée à dire: oui, tel élément est conforme. C'est un mode de. définition a priori, qui distingue la normalisation/certification des institutions judiciaires, qui, elles, qualifient une situation a posteriori, même si l'enjeu reste la conformité à une règle.

Normalisation/certification, outil de non-connaissance

Le passage d'une qualification a posteriori à une définition a priori, avec la sécurité pour motivation, le tout dans une logique ambivalente de Pouvoir combattu et réclamé à la fois, prépare le citoyen à la nature des discours politiques dénoncés plus haut, qui suggèrent des matrices supérieures préexistantes - morales conservatrices - qui seraient hors de tout questionnement. Deux exemples.
Le premier concerne les fiches de sécurité (FDS en langage technocratique) qui accompagnent les matières ou produits industriels. Le double mouvement consumériste et étatique a conduit à toute une réglementation précisant l'obligation générale des producteurs de garantir la sécurité des produits mis sur le marché. C'est ainsi un cortège de normes techniques qui indiquent quelles caractéristiques doit engendrer telle ou telle mention sur la FDS. Dans ce système, lesdites mentions sont appelées u phrases de sécurité », et on ne s'étonnera pas d'apprendre que les produits chimiques en génèrent beaucoup.
Mais les produits dits finis sont le résultat d'une succession de transformations/combinaisons de produits intermédiaires, qui conduisent à chaque étape à définir les nouvelles caractéristiques du produit résultant et les phrases de sécurité corrélatives de la FDS. Pour ce faire, il existe des logiciels dans lesquels on entre, en amont, les phrases de sécurité des produits ou matières rentrant dans la fabrication, et qui, en fonction de toute une série de paramètres techniques et réglementaires, déterminent les phrases de sécurité du produit résultant.
Or une anecdote professionnelle illustre le rôle que finissent par jouer ces logiciels pour les ingénieurs. Il s'agissait d'un produit dont, longtemps après sa commercialisation, certaines analyses fortuites tendaient à montrer qu'il contenait des fibres d'amiante, alors que rien ne figurait sur la FDS. Affolement. Réunions. Explications: l'une des matières, importée, rentrant dans la fabrication, contenait des fibres qui ne sont pas classées amiante dans la législation du pays d'origine, et sur la FDS duquel ne figurait donc aucune phrase de sécurité correspondante. Du coup, pas de phrase rentrée en amont dans le logiciel, pas plus à la sortie. Mais, surtout, l'ingénieur responsable de la fabrication d'expliquer que c'est normal et plus sûr de laisser au logiciel la rédaction des FDS plutôt qu'aux ingénieurs car ce serait la porte ouverte aux manipulations (sic). Il fallait alors comprendre qu'à aucun moment cette personne, intelligente, compétente techniquement, ne s'était mise en posture d'avoir à définir, ex nihilo, le produit qu'il allait vendre.
Si l'attitude est répétée à chaque étape, on construit un système technico-normatif où le produit arrive sans cesse avec sa propre définition, et où celle-ci n'est appréhendée que par les outils de ce même système, sans questionnement depuis un ailleurs. L'autre enseignement est que chaque État ayant son système technico-normatif légèrement différent, tout en assurant la libre circulation des produits, chaque saut d'un système à l'autre, via un composant, multiplie les occasions de hiatus entre la définition propre « révélée » (au sens religieux) et ce qu'une qualification a posteriori peut montrer en vrai.
Le deuxième exemple concerne la mise au point par une entreprise de communication, pour le Conseil général du Doubs, d'un audio-guide pour touriste automobile, qui se déclenche automatiquement à l'approche du site touristique pré-équipé d'une balise, pour débiter un laïus préenregistré. Des parcours sont ainsi suggérés, avec un environnement balisé pour que l'automobiliste ne reste pas plus d'une dizaine de minutes sans avoir son attention dirigée vers quelque chose de prédéfini.
Rien de bien différent d'un classique voyage organisé en car, dira-t-on. Certes! Mais d'une part le premier est individuel quand le second demeure collectif. D'autre part, derrière l'exemple, il faut voir le principe technique qui se développe tous azimuts avec les téléphones portables, et qui conduit tous les adorateurs de la Sainte Consommation à créer ces déclencheurs automatiques de boniments. Il faut enfin croiser tous ces éléments avec l'ahurissante incitation à se déplacer que tous les transporteurs font. Ahurissante, car selon leurs publicités, il faudrait aller quelque part simplement parce qu'on le peut, techniquement et financièrement. Ahurissante, aussi, parce que le moment du transport lui-même n'est pas pour autant un voyage. Il faut le réduire à tout prix (le fameux critère de trois heures, seuil de concurrence avec l'avion, qui a déterminé le développement du réseau TGV). Et il faut y vaincre l'ennui: magazines qui parlent de voyages ailleurs (!), télévision ou films à bord, location de DVD, etc. Pourquoi pas, donc, un système de balises permettant d'adresser directement sur le portable de chacun des présentations de ce que l'on peut voir par la fenêtre du train ou de l'autocar...
Dès lors, c'est l'environnement entier qui nous apparaîtra, prédéfini a priori, limitant notre capacité à le qualifier a posteriori, en fonction de l'intimité psychologique ou physique du moment. Sans compter bien sûr que cette prédéfmition de tout aura soigneusement été normée et certifiée par la machine mercantilo-étatique.

Surrection* du monde et simulacres

Des objets aux services et à l'environnement tout entier (humain comme naturel), dans le cadre professionnel comme dans nos loisirs, tout tendra à nous arriver avec sa propre définition a priori, sans que l'on n'ait besoin de qualifier a posteriori, ce qui exigerait au contraire d' acter d'abord de l'existence de l'Autre, puis de qualifier le rapport à cet Autre, par la connaissance, la reconnaissance et enfin pouvoir le nommer. Et l'on imagine bien qu'au-delà du besoin de qualifier, c'est même l'envie qui sera sans cesse découragée, voire condamnée. On se trouve ici face à un mode de connaissance par révélation, proprement religieux, qui peut expliquer en partie pourquoi notre époque, qui semblait s'être émancipée de la religion par la science, est en train d'y retourner massivement, au nom d'un discours qui dévoie habilement la technique et la science.
En quelque sorte, on nous organise un monde qui nous surgit en permanence à la gueule, comme dans les jeux vidéo de course automobile ou de missions de combat, dont l'attrait est aussi cette tension psychologique ou insécurité! - comparable à celle des films d'horreur ou à suspens.
Cette surrection du monde réel est à mettre en parallèle avec la réflexion de Jean Manuel Traimond sur l'informatique, l'Internet, et ce qu'il nomme les simulacres, c'est-à-dire toutes ces interfaces idéogrammiques (les « icônes », comme on dit), qui remplacent le code informatique, langage de la machine. Il souligne en effet: « La différence fondamentale entre un système à code source accessible et un système à code-source non accessible, géré par des simulacres, réside en ceci que le premier est Modifiable en ses fondements, le second n'est modifiable que dans ses variables. [...] Si l'on est de la caste qui sait maîtriser la technique, le premier vous laisse entièrement libre, le second vous encage [...1. La cage est jolie, plaisante, facile, stimulante, mais c'est une cage. [...] Un monde de simulacres est un monde autoritairement régi par les concepteurs des simulacres. Or, tant la complexité, que l'efficacité, que l'ubiquité des simulacres augmentent de jour en jour. Il n'est pas difficile d'en extrapoler un monde agi par des simulacres, dont la complexité sera devenue telle que l'énergie intellectuelle sera dépensée dans la maîtrise de la manipulation des simulacres, et non dans la mise en question des paramètres imposés par les concepteurs des simulacres. [...] Un monde dans lequel on naviguera, on ajustera sa bulle, duquel on pourra moduler certaines circonstances, mais sur la base duquel on n'aura plus prise. »
Or si l'on replace dans cette perspective les exemples précédents du système techniconormatif et plus encore des appareils à prédéfinir notre environnement, le pire est qu'il n'y a même pas la barrière d'un code-source difficile à ingurgiter, comme en informatique. Il suffit de connaître sa propre langue pour dire un paysage que l'on a sous les yeux. Abdiquer cette capacité à définir soi-même, c'est faire du Tyran le geôlier d'une cage que nous aurons largement contribué à construire. '
Notons pour finir sur ce point que l'Institut français du design décerne chaque année des prix dénommés « Janus »dans cinq champs: Janus de l'Industrie, de la Santé, de l'Étudiant, du Commerce et de la Cité. Pour expliquer son action, l'IFD avance une notion du design comme une exigence de sens et de simplicité de l'objet pour le client-entreprise, le client-utilisateur ou le client-citoyen (sic). Les critères d'attribution, exercés sur le processus d'élaboration du produit ou de l'étude, sont résumés en cinq « E » : Ergonomie, Esthétique, Économie, Éthique et Émotion (resic). Il faut évidemment y voir les entreprises et leurs produits ou « concepts » qui fondent leur simplicité sur des simulacres techniques ou psychologiques. Ceci pour rappeler que derrière cette surrection du monde et ces simulacres, il y a bien une fois encore le capitaliste.

Victimisation et soumission au Tyran

Laissons un moment le ventripotent fumeur de cigares (pour s'amuser d'une représentation historique du capitaliste), et repassons à son complice de toujours, l'État, pour aborder la question de la victimisation, c'est-à-dire cette évolution de la politique pénale qui prétend mettre la victime au centre de ses préoccupations.
Depuis les années 1980, toute la politique sociale a basculé dans une vision exclusivement répressive et pénale, avec un discours de l'État convoquant systématiquement la « victime » pour justifier tous les nouvelles législations et les moyens techniques associés, notamment la multiplication des fichiers informatiques. Ainsi, à l'occasion de la Loi sur la sécurité intérieure (LSI) en 2003, Nicolas Sarkozy justifiait l'extension du Fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), par le droit des victimes, « souvent les gens les plus modestes [à qui l'État] ne doit plus dénier le droit d'avoir peur s'ils ont peur sic]. Ces dispositifs sont d'abord motivés par deux préoccupations qui les transcendent toutes: celle de l'attention que nous portons aux victimes d'aujourd'hui et celle que nous devons avoir pour éviter les victimes demain. » Cette citation est édifiante.
Tout d'abord, qualifier un « droit d'avoir peur » est une conception des droits du citoyen assez renversante, au sens propre. Rappelons que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 parlait, elle, de droit de ne pas être inquiété pour telle et telle chose. Par là, le ministre de la Terreur (néologisme de circonstance) souligne que la sécurité, en société capitaliste, est en fait l'orchestration de la peur généralisée de tous visà-vis de tous, y compris de soi-même.
Ensuite, un état psychologique - la peur devrait relever d'un droit décrété par l'État. De telle sorte qu'au final, la victimisation apparaît bien comme la manifestation du Pouvoir sur l'individu qui, pour mériter une « attention » - accéder au statut de victime, censé être protecteur - doit d'abord faire allégeance à l'État en soumettant sa peur au pouvoir discrétionnaire de celui-ci.
Car enfin, de quel droit l'État parle-t-il et organise-t-il au nom des victimes? S'il devait y avoir une organisation sociale répondant aux seuls critères des victimes, elle devrait être fondée sur la vengeance privée. C'est primaire, mais cohérent; et pas utopique: les vendettas méditerranéennes, façon corse, sicilienne ou maniote, sont de véritables systèmes pénaux très codifiés et, dans une large mesure autogérés, si l'on considère que l'unité de base de cette autogestion est le clan patriarcal et non l'individu. Or à chaque fois, l'État s'est retrouvé dans l'affrontement direct avec ces vendettas comme systèmes pénaux autogérés (bien que non libertaires!). L'enjeu est vital pour l'État, qui doit confisquer la vengeance privée, par quelques subterfuges, pour nourrir et imposer son pouvoir.
La procédure pénale est à cet égard éclairante. Dans le procès pénal, en effet, celui qui a subi le préjudice (physique et/ou psychologique) doit d'abord alimenter„ par sa plainte, le dossier de l'accusation tenu par le Procureur, afin de faire reconnaître la culpabilité du prévenu. C'est alors seulement qu'il gagnera son statut de victime et que la question de son indemnisation pourra être examinée. D'où l'expression « constitution de partie civile », car l'indemnisation est une affaire civile entre membres d'une société, par opposition à l'aspect pénal qui est la manifestation du pouvoir de l'État sur la société dans son ensemble autant que sur chaque individu pris isolément. Pour s'assurer le contrôle absolu, l'État interdit donc que la question de la réparation puisse se poser directement entre fauteur de (infraction et celui qui en subit les conséquences.
D'un côté, donc, l'État exige l'abdication de la victime et se sert d'elle pour justifier de nouvelles atteintes aux libertés de tous (cf. le lien transcendant entre victimes d'aujourd'hui et de demain dans la citation). De l'autre, il réduit physiquement le « coupable », avec la prison, et investit le matou d'une vengeance qui n'est pas la sienne (c'est celle extorquée à la victime), mais sur la base de laquelle celuici pourra mettre en scène ses propres traumatismes pour broyer les détenus.

Eugénisme et normalisation certification de l'individu

Faisons maintenant un pas supplémentaire en croisant les deux problématiques précédentes, pour arriver à la question de la normalisation/certification a priori des individus, selon la logique d'un Pouvoir par nature totalitaire.
L'accélération exponentielle de la mainmise du capitalisme sur les modes d'existence et les imaginaires, depuis la Seconde Guerre mondiale, s'est accompagnée d'une accélération parallèle de la puissance de traitement des données avec l'informatique, ainsi que d'un formidable essor des sciences du vivant ou cognitives, et de leurs moyens d'investigation. Ces évolutions interdépendantes et convergentes ont fini par offrir sur un plateau à toutes sortes de tyrans, les outils d'une vision déterministe de l'être humain.
Déterminisme insidieux car il ne procède pas, comme le créationnisme traditionnel des religions révélées, d'un mythe originel, antérieur à l'être humain. En revanche, et par une inversion totale des représentations, les mécanismes de la vie deviennent des éléments presque extérieurs à l'être humain, pris dans un réseau de contingences dont on sait expliquer les liens, mais qui ne font que définir un contexte; -tandis que sont placés dans l'être humain les déclencheurs de ces mécanismes extérieurs en fonction du contexte. C'est tout le travail sur l'ADN, et tous les autres moyens de ce que l'on appelle désormais la biométrie, qui sont déterministes sur deux plans: ils sont censés déterminer l'unicité de chaque être, tout en étant les déterminants de mécanismes qui, eux, seraient universels, dans un contexte donné.
En pratique, tout ceci conduit à une classification et une normalisation des caractéristiques, et, dans une société étatique de contrôle, cette normalisation induit la certification, pour établir des conformités, et surtout des non conformités. Nous revoici, cette fois appliquée à l'être vivant lui-même, face à une logique a priori de caractérisation de l'Autre qui surgit avec sa propre définition, inaccessible aux questionnements.
C'est le projet eugéniste de la fin du XIXe et début du XXe siècle qui trouve là les bases d'un renouveau effrayant, après qu'on l'eut dit mort avec le nazisme dont il constituait un des aspects. Malheureusement, c'eut été placer le clivage dans la représentation et non le principe. Car le principe est bien celui qui a conduit à la naissance, au XIXe siècle, des formes modernes du capitalisme, de l'État totalitaire, et du projet eugéniste, tous trois interdépendants. Ils ont eu une première expression systémique avec les fascisme, nazisme ou stalinisme, trop grotesques et brutaux, notamment parce que trop dépendants des représentations traditionnelles du Pouvoir (comme le goût pour le décorum militaire). Le maoïsme et ses succédanés coréen (Kim Il-Sung puis Kim Jong-Il) ou cambodgien (Khmers rouges de Pol Pot), représentent sans doute une forme tristement aboutie de ce type de totalitarisme moderne.
Les « démocraties » représentatives postmodernes ont surmonté cet écueil, et ont su très habilement coupler tous les mécanismes décrits jusqu'ici pour faire intérioriser par une majorité la conviction de ces ordres prédéfinis, prénormés, précertifiés. Mais le principe totalitaire est bien là.
En matière policière, ce projet eugéniste triomphant repose sur le développement d'un fichage généralisé de la population, sur les plans génétique, biométrique et comportementaliste (avec la vidéosurveillance ou encore l'évolution de la psychiatrie réduisant l'humain à une machinerie neuronale, dont un thème à la mode est les enfants « hyperactifs » qu'on détruit chimiquement à la Ritaline®, ou encore le dépistage de la délinquance à la maternelle à travers des comportements jugés « agressifs »). Et nos tyrans de pousser alternativement les feux sous l'un ou l'autre en fonction de l'émotion que l'on peut susciter (délinquance sexuelle pour justifier le fichier d'ADN généralisé à toutes les infractions, lutte contre tout type de fraude pour la biométrie, et peur de soi-même par ignorance pour les comportements inquiétants). Sur ces bases s'applique ensuite une logique nommée technocratiquement « proactive » , ou anticipation des risques. Le travail du policier ne consiste plus à qualifier a posteriori une situation pour en reconstituer les circonstances, l'auteur, le mobile, etc. Désormais, au contraire, il s'agit, en fonction d'une analyse normée d'un résultat donné, d'aller rechercher dans les banques de données d'êtres humains, les éléments du profil prédéfini, normé et certifié comme engendrant ce résultat.
Et bien sûr, comme c'est l'appareil policier de l'État qui fait les bases, par rapport à une norme politico-économique donnée, ce sont toujours les mêmes catégories de la population qui sont surreprésentées dans les fichiers. De même, les référentiels techniconormatifs qui font fonctionner ce système à priori, impliquent plus souvent qu'à leur tour ces catégories-là. On finit par instiller l'idée de caractéristiques génétiques intrinsèques à telle ou telle délinquance.
Même en dehors de l'action policière, et pour revenir à l'exemple de l'amiante, un rapport publié en 2000 par l'INRS et l'INSERM, intitulé « Susceptibilités génétiques et expositions professionnelles »; cherchait, au-delà des facteurs environnementaux difficilement niables (l'utilisation de l'amiante sans protection dans de nombreux secteurs industriels), quels déterminants génétiques peuvent rendre sujet à l'asthme.
Commandées par un État toujours plus aux petits soins pour les gros syndicats patronaux, on voit bien l'objectif dévoyé que finit par avoir ce genre d'études: expliquer que les maladies liées à l'amiante ne sont pas vraiment la conséquence de l'exposition à la fibre dans une logique de profit méprisante de toute humanité, mais surtout un terreau génétique du travailleur qui, par une carence quelconque, révèlerait une anormalité. Si untel est atteint d'asthme ou de cancer de la plèvre, c'est parce qu'il était anormal, et l'amiante devient le juste discriminant entre les normaux et les dégénérés.
L'eugénisme est bien là, et tout est bon pour le financer et le justifier, jusqu'à la grand messe annuelle de la charité-business: le désormais incontournable Téléthon.

Surrection et insurrection

Nous pouvons maintenant revenir sur la définition de « sécurité » . À la suite d'autres, nous avons en effet retrouvé que la sécurité au sens du Pouvoir est en fait l'organisation de (isolement de chacun, sommé de remettre au Tyran son rapport à l'Autre, et recevant en retour le « droit d'avoir peur » , comme dit le Terroriste en chef, Sarkozy. Or on comprend que, par cette inversion propre au Pouvoir, il s'agit en fait de l'insécurité.
Remettons dès lors les choses à l'endroit, et rappelons inlassablement que la vraie sécurité, est un état d'esprit confiant ou un état tranquille qui résulte de (absence de danger, dont on voit bien qu'ils excluent la peur, et qu'ils ne peuvent être trouvés que dans la conscience d'une solidarité fondamentale entre les êtres. Une solidarité qui n'exclut pas les frottements ou les tensions, mais qui garantit une sécurité psychologique vis-à-vis de l'Autre.
Pour servir ce dévoiement de la vraie sécurité, le Pouvoir est en mesure aujourd'hui de nous imposer la prédétermination de l'Autre et de l'environnement, dans un mouvement de surrection terrorisant car menaçant chacun d'entre nous, à tout instant, d'être basculé dans une anormalité sociale à réprimer.
Contre cette surrection, le mot d'ordre de toujours : Insurrection !

Léa Gallopavo
milite au groupe Louise Michel de la Fédération anarchiste

*Surrection : du latin surrectio, de surgere « surgir », sourdre. Le fait de se soulever; Géol. : soulèvement lent et progressif d'une zone de l'écorce terrestre ( Le Petit Robert )

Le Monde libertaire hors série #31 du 21 décembre 2006 au 10 janvier 2007

Ecrit par libertad, à 11:33 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  delphine314
22-04-07
à 22:36

Lumière...

...pour comprendre....
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