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Lettre à celui qui voudrait remettre les bénéficiaires du RMI au travail.

lu sur hns-info : " Tu sais et je suis persuadé que tu le sais bien RMIste c’est pas ce qui te définit, on ne s’y réduit pas, chaque personne au RMI a son histoire personnelle qui fait qu’il en arrive là.

Bientot un an que j’y suis, et ce qui me frappe, c’est qu’il existe en réalité une mince frontière, très mince parfois, entre les modalités de prises en charge des RMIstes et celles du handicap.
Il y avait cet article très intéressant (mais je n’ai plus la source) qui expliquait qu’en Angleterre par exemple, on considéreraient la plupart des personnes qui sont au RMI chez nous, en France, comme "inemployables". On ne chercherait même pas à les insérer.
Je ne veux pas faire de généralisations hâtives : je le répète, il y autant de RMIstes que d’histoires personnelles, souvent tristes, souvent souffrantes. Mais quand tu vis avec ce statut (et c’est vraiment un statut : ce que l’institution dit de toi), tu sens bien que tu es à la frontière de ce qu’on pourrait appeler la norme sociale (laquelle n’est pas définie a priori, mais existe quand même, même si elle est toujours mouvante : c’est la raison pour laquelle la norme est plus insidieuse que la Loi, parce que la Loi avance au grand jour, comme la parole du Père, et la norme s’y articule, tandis que la norme est une construction collective, secrète, implicite, frappée du sceau de l’inconscient, et nous avons désormais à vivre dans un pays ou la Loi n’établit plus les normes, mais où la norme au contraire tend à fonder les lois).

Il y avait cette grande étude dirigée par Pierre Bourdieu sur la misère en France, vous vous souvenez peut-être. Quand je lisais ça, je ne m’imaginais pas qu’un jour je pourrais faire l’objet d’un chapitre de ce livre, si par hasard on le réactualisait (et il faudrait le faire, parce que le monde a changé depuis les années 80, et on peut pas dire que ça se soit arrangé).
Étrangement, je ne me sens pas exclu ni marginal, ça ce sont les autres qui le disent, c’est toujours le discours de l’autre, d’un autre dont on ne sait trop qui il est, qui se présente toujours comme le porte-parole du discours normatif, lequel est partout et nulle part. Mais quand tu essaies de changer de logement par exemple, ou quand tu te présentes pour un emploi, là tu comprends ce que le mot "RMI" véhicule de fantasmes et de peurs.
Ce qui n’est pas tout à fait sans fondements d’ailleurs. Je serais curieux de savoir combien, parmi les RMIstes diplômés (et il y en a de plus en plus) ou du moins fortement cultivés, seraient classés par la psychiatrie comme border-line (voire psychotiques paranoiaques).

Après, l’autre réalité du RMI (réalité écrasante) c’est la masse des personnes qui de toutes façons sont condamnées du fait de leur naissance au plus extrême dénuement social et culturel. Pour avoir travaillé 5 ans dans l’illettrisme, je peux t’assurer que ces gens là sont tout à fait inemployables compte-tenu des exigences du travail aujourd’hui.

Des profiteurs ??

Qui profite d’une somme de 585 euros par mois ? (c’est ce que je touche allocation logement + RMI).. Sans mon père qui m’aide (à 37 ans tu imagines..), je serais tout simplement à la rue...
Par exemple, si je voulais vraiment vivre (ou survivre) avec cette somme, je devrais faire une croix sur la musique, ma voiture, internet, mes soins (psychanalyse etc..), le téléphone...
Après il te reste quoi : la télévision. ou la folie.
A tout prendre je préfère la folie.

Et encore je vis dans une région où les loyers sont modérés, par rapport aux grandes villes.

Alors imagine ce que c’est à Paris par exemple..

Par exemple, je ne fais qu’un repas par jour. Je m’en accommode, ça permet de garder la ligne et un corps de rêve. mais bon.. des fois tu aimerais bien quelque chose en plus des pâtes dans ton assiette.
Si tu achètes un livre, même d’occasion, tu te ronges le sang pendant la lecture, au prétexte qu’il aurait mieux valu garder cette somme pour le loyer, et qu’au bout du compte, ce livre, c’est un luxe.

Et je te le dis : j’ai la chance d’être aidé, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

J’ai décrit ailleurs l’aménagement de la vie au RMI comme l’installation d’un petit hôpital psychiatrique personnel (les gens intéressés pourront se reporter notamment aux travaux du grand psychiatre Jean Oury).
Ce n’est pas de la provocation, c’est juste ma manière de dire que pour un certain nombre de personnes au RMI, l’horizon d’une socialisation par le travail salarié est fort brumeux. Par moment, il me semble même inaccessible.

Pour ce qui est du travail, je dois faire largement mes 35 heures pour m’occuper du label, du monde de la musique, de mes propres oeuvres, etc.. Bien que chaque jour, quand je regarde où j’en suis et le peu d’avenir, une irrépressible envie de tout plaquer me prend.

J’ai eu la chance (je dis cela a posteriori) de vivre en circuit fermé avec un certain nombre de gens dans ma situation (et réputés alcooliques) lors d’une psychiatrisation. En discutant, tu écoutes à chaque fois des parcours de gens qui ont essayé, qui ont bossé, mais qui ne peuvent plus (souvent suite à des traumatismes). Il y avait là un routard, un ex-cardiologue, un père de famille, une ex-restauratrice. Des gens adorables, déchiquetés par la vie. La thérapie tournait essentiellement autour des bains chauds : on y passait des heures, délicieuses, caressés par les tournoiements de l’eau du jacuzi. En sortant - je me suis en réalité fait gentiment expulsé au bout d’une semaine et demie -, j’ai dit au psychiatre en chef : « dehors, il n’y aura pas de jacuzi ».

Qu’est-ce qu’on fait de tous ces gens là ?

Alors bien sûr ils ne sont pas assez tarés pour être internés. Et d’ailleurs, on n’"interne" plus. Il n’y a plus assez de lits dans les centres de soins psychiatriques, on préfère renvoyer les gens chez eux avec une boîte d’antidep. Ils sont, pour la plupart, ce qu’un agent de l’ANPE avait qualifié d’ "instables", en lisant mon cv.

Actuellement, l’opinion française et les politiques, qui jusqu’à présent les laissaient relativement tranquilles, commencent à ré-envisager un traitement plus dur vis-à-vis des RMIstes, lesquels sont désormais considérés majoritairement comme des "profiteurs".
Les travailleurs sociaux s’inquiètent beaucoup de cette nouvelle donne. On élabore donc des projets de loi, surtout à droite (y compris Bayrou ce matin dans son pré-programme présidentiel) visant à les remettre au travail de force : avec des petits boulots , je cite :

« (...) la remise au travail des RMIstes. « Ce n’est pas une punition, dit Bayrou, mais il y a un lourd malaise autour du social [...] Tout revenu minimum doit donner lieu à une activité dans la société. » Et le président de l’UDF de citer les sorties d’école, le débroussaillage des forêts menacées d’incendie, l’aide aux personnes âgées dans les lieux publics... Une « immense mobilisation civique » devrait suffire, selon lui, à remettre les exclus sur de bons rails. (Libération du 31/08/2005) »
Pas une punition d’accord.. Bayrou n’est pas Sarkozy, ni le Medef... mais je crois qu’il se met le doigt dans l’œil en imaginant qu’une immense mobilisation sociale suffise à remettre tout le monde sur les rails : et quels rails ??

Je crois qu’on se pose encore et toujours la mauvaise question.
On se demande : « comment sortir les gens du RMI ? » alors qu’il faudrait se demander : « pourquoi ces gens sont-ils au RMI ? »

Mais cette question là, personne ne se la pose (à part dans certains cercles de réflexion qui ne semblent pas avoir l’oreille des politiques et des médias).

Et si on ne se la pose pas, c’est parce que les réponses feraient apparaître que le modèle social actuel n’est tout simplement pas adapté à tous les individus qui composent la société. Ce n’est certes pas nouveau. Mais c’est flagrant. Est-ce si difficile à concevoir ?
Est-ce si difficile de concevoir que le monde du travail salarié, de la consommation etc.. suppose un certain type d’individu, qui tient le coup, qui a les forces pour s’y réaliser, tandis qu’il ne s’accorde pas aux spécificités d’individus border-line ou illettrés par exemple ?

Et pourquoi donc voudriez-vous que ces personnes en difficulté accèdent et réussissent soudainement dans des activités dont personne ne veut (le bâtiment par exemple, les travaux publics, la restauration) ?

Je crois que les politiques et une grande partie de l’opinion publique se voilent la face concernant l’étendue des dégâts inhérents aux modalités de la vie sociale contemporaine dans ce pays. Ce n’est pas propre à la France, certes, c’est probablement pire en Angleterre.

Or se voiler la face, faire l’autruche, oublier, c’est exactement ce qui est requis pour s’insérer socialement.
J’exagère à peine.
Même si je ne suis pas d’accord avec toutes leurs conclusions, lisez tout de même le dernier livre de Charles Melman (un psychanalyste), L’Homme sans gravité, (Gallimard) ou encore le désormais classique de Alain Ehrenberg, La Fatigue d’être soi, (Odile Jacob).

Ce qui se révèle avec l’expansion de la pauvreté dans ce pays, ce n’est pas que la propension à la paresse s’accroisse, c’est plutôt l’incapacité de la société à faire une place à celui qui n’est pas en mesure de s’inscrire dans le modèle qu’elle promeut. Après des décennies de discours apitoyés sur l’exclusion, au cours desquels l’opinion publique, dans sa majorité, avait appris à tolérer les personnes en situation d’échec social, considérant que personne n’était à l’abri d’un tel destin, voilà qu’on assiste aujourd’hui au retour du bâton, un bâton aveugle, qui frappe sans distinction. Le bâton plutôt que la parole et l’écoute : faut-il qu’on ait peur d’écouter ce que l’autre aurait à nous dire ? faut-il qu’on le souhaite et qu’on le désire ce bâton pour ne pas entendre ce qu’on devine malgré tout ?

Je voudrais vous raconter un petite histoire...
Hier j’ai pris en stop un jeune gars en treillis militaire qui revenait du Technival (grande rave techno pour ceux qui l’ignorent) près d’ Orléans, le truc organisé par sarkozy à l’usage des raveurs ; ça faisait deux jours qu’il attendait sur une aire d’autoroute en plein milieu du Cantal. Il était vraiment mal barré. On a causé du Technival. Il me dit : c’était organisé sur une base militaire. Y’avait des flics partout, des mecs en civil déguisés en teufeurs, avec des appareils photos. Ils te prennent en photo, ils récupèrent tous les numéros de plaque d’immatriculation, et ça nourrit leur bases de données. Du coup, c’est un moyen simple et peu onéreux de ficher toute une population "à risque".

Il te dit ça comme ça. Sans révolte. L’essentiel, c’était qu’on a pu faire la fête pendant trois jours et consommer toutes sortes de drogues hallucinantes. Et comme il dit : « d’un autre côté, on se sent plus encadré, plus en sécurité ». Je le regardais avec son pantalon taggé, ses tatouages, ses piercing. Que peuvent donc signifier ces symboles : le fun, la sécurité, le fichage ? Bon.

Alors oui.
ça marche comme ça. On se drogue, on prend des antidep etc... (la France reste un des plus gros pays consommateur), et on la boucle.
Je fais un raccourci mais c’est un peu ça.
C’est exactement faire le jeu du pouvoir non ?
Nourrir le discours normatif ?
Qu’en dirait Michel Foucault s’il était encore de ce monde ?

Et si tu enlèves ces drogues, ces médocs, ces gavages divers et variés (les décibels du Technival, les programmes télé) penses-tu que le modèle social tiendrait plus de deux jours ? ça exploserait dans tous les sens.
parce qu’alors on ne pourrait plus oublier la douleur et la souffrance d’être né. On ne pourrait plus faire comme si. Il y a des gens au RMI, je ne dis pas tous les RMIstes, je dis un certain nombre, s’ils en sont là où ils en sont, c’est justement parce qu’ils ne savent plus oublier, parce qu’ils ont, comme le dit Jean Oury, oublié d’oublier. Celui qui s’en sort a beau jeu de proposer des solutions, des aménagements, des conduites vertueuses, des thérapies anti-stress : ce qui fonctionne pour lui, pourquoi donc faudrait-il que ça fonctionne pour tous les autres ?

Je vais faire mon prophète de pacotille là : mais je te dis qu’un jour, il faudra bien en tenir compte et le comprendre, et faire avec. Parce qu’il y a de plus en plus de gens qui pètent des cables, qui ne peuvent plus.

Ma psychanalyste me disait l’autre jour combien elle était inquiète de voir le nombre de personnes qui se présentaient à son cabinet cet été, « des personnes qui ne reviendrons pas », ajoutait-elle, et dont la visite était suscitée par « la peur ».

Ceux qui s’en sortent oublient, ou du moins arrivent à gérer leur souffrance, à équilibrer les choses. Tant mieux pour eux. Mais qu’il se méfient de ceux qui sont incapables de passer outre leur souffrance d’être né. Parce que le RMI, le pétage de cable, l’écroulement des signifiants, ça peut arriver à n’importe qui, aujourd’hui, demain.



Mis en ligne le dimanche 11 septembre 2005, par dana hilliot
Ecrit par , à 07:32 dans la rubrique "Social".

Commentaires :

  Rakshasa
12-04-07
à 09:46

Misère, misère, on va pleurer dans les chaumières...

Juste un retour sur la conclusion et pas plus parce que ce genre de texte misérabiliste ne m'intéresse pas, dans le sens où cela procède de la vision partielle dressée en généralités. Et puis, je suis depuis 8 ans au rmi, et des passages me semblent réellement mensongers ( le pauvre rmiste avec sa pauvre assiette de nouille, et son pauvre livre qui le fait soufrir... aïe! ça ne vous fait pas mal vous ?).
Donc: "Parce que le RMI, le pétage de cable, l’écroulement des signifiants, ça peut arriver à n’importe qui, aujourd’hui, demain."
Vous aurez remarqué que l'auteur affirme, en semblant le déplorer, que le mot "RMI" véhicule fantasmes et peurs, en début de texte. Par contre, accoler "RMI" avec "pétage de cable", "écroulement des signifiants", comme quelque chose qui "peut arriver à n'importe qui, aujourd'hui, demain", ça, ce n'est évidemment pas alimenter les fantasmes et les peurs sur le RMI.
Misère du misérabilisme ou comment appauvrir encore plus les pauvres...

PS: l'auteur devrait lire de toute urgence le "Manifeste des chômeurs heureux" ou le "Manifeste contre le travail" et surtout quitter le militantisme ou revenir à ces analyses après plus d'un an de rmi parce que ce n'est pas suffisant.
Allons, que Diable, la Nouille ! Apporte donc à boire et autres nourritures de l'esprit et réjouis-toi de ton temps ! Et surtout dans la lutte, jamais aux camarades ne mens !
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
12-04-07
à 20:25

Moi j'ai arrêté de lire quand le monsieur parle de ses frais de psychanalyse.
Il est urgent qu'il retrouve un travail pour pouvoir se payer toutes ses petites névroses !
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