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A y regarder de plus prêt, le meeting « unitaire » tenu par Marie Georges BUFFET le 23 janvier 2007 à Paris laisse songeur, non pas, parce qu’ elle s’est attribuée le titre, très envié à l’extrême gauche, de « candidate unitaire », mais par l’attitude aujourd’hui du Parti Communiste en tant qu’organisation.
Il n’est pas question ici d’accabler le PCF, suffisamment mal en point, mais d’essayer de comprendre pourquoi il en est là et, par extension, nous, où nous en sommes.
Certes, le PCF est tout à fait lucide, du moins sur ce point, et sait que sur son seul label et logo il ne regroupera plus grand monde… Il lui faut donc élargir, ce qu’il tente de faire, malgré une rude concurrence sur un terrain qu’il a depuis bien longtemps déserté. Qui va à la chasse perd sa place !
UN PAS A ETE FRANCHI
Même dans le cadre de ce qui fut l’Union de la Gauche, le PCF est toujours resté lui-même, même s’il a avalé, et fait avaler, pas mal de couleuvres Rappelons nous des trépignements médiatiques de Georges MARCHAIS qui faisait la joie des émissions politiques de l’époque…
Quand le PCF s’exprimait c’était en son nom qu’il parlait… Il assumait, ce qui n’était pas du tout facile, ce qu’il était. Je veux dire par là que sa ligne politique, qui valait ce qu’elle valait, là n’est pas la question, avait une cohérence, se suffisait à elle-même comme élément d’explication de sa vision du monde et de sa « transformation ». Il était, ou du moins se voulait être « acteur autonome » du fait même de l’originalité de ses références théoriques et de son analyse qui, pour lui, étaient la vision juste de la société et de l’Histoire.
Armé, ou croyant être armé, du « socialisme scientifique »( ?) il avait une vision homogène de ce qu’il était en tant qu’organisation, parti, au regard de sa « théorie ». On pouvait d’ailleurs se déterminer clairement par rapport à ses options, on était d’accord ou pas d’accord, mais c’était clair.
Aujourd’hui nous sommes dans un tout autre schéma.
« CACHEZ CE MARTEAU ET CETTE FAUCILLE QUE JE NE SAURAIS VOIR !»
Une opération clairement organisée par le PCF, malgré ses dénégations qui ne trompent personne, tel que le meeting du 23 janvier… et ceux qui suivent et vont suivre, a voulu donner les apparences de tout autre chose. Aujourd’hui, mis à part l’appareil bureaucratique en situation de survie, le PCF n’est plus le PCF tel qu’il a été jusqu’à aujourd’hui. . Je parle là de l’organisation politique, de l’option politique qu’il représentait.
Comment un parti, tel que le PCF, si jaloux de son identité, exhibitionniste jusqu’à l’obsession, peut-il se « diluer » dans un mouvement qu’il ne maîtrise pas, au point de vouloir s’identifier à lui? Comment peut-il croire qu’il représente un mouvement qui est largement en décalage avec ce qu’il a été, de ce qu’il est et des perspectives qu’il peut offrir ?
Bien sûr il nous explique qu’il a « changé », « évolué », certes, mais il y a plus que ça,… quelque chose qui lui fait véritablement perdre son identité. Il se dépouille précipitamment, sans donner l’impression de le faire, de tous ses oripeaux idéologiques qui lui collent à la peau et qu’il trouve à la fois encombrants mais difficile à abandonner. Cruel dilemme !
Il n’est pas un « sous marin », sa présence est trop évidente. Il n’est pas non plus l’incarnation de ce mouvement, tout le monde le sait. D’ailleurs, et beaucoup de militants à la base, et à sa base, l’ont compris, la manœuvre est tellement grossière, que ce n’est même plus une « manœuvre », c’est un capitulation devant l’impossibilité d’être ce que l’on a été et l’impossibilité d’être autre chose, et surtout pas le mouvement qu’il se dit représenter. On n’est plus dans les années 50-60.
C’est toute la difficulté d’être du PCF qui s’exprime ici de manière dramatique et dérisoire. Situation cornélienne.
Serait ce une tactique pour « avancer masqué » ? Même pas !… la ficelle serait trop grosse pour accréditer une telle hypothèse. Il s’agit d’une véritable dérive, un effondrement identitaire, une capitulation théorique, une perte d’identité, une faillite stratégique,… tout cela présenté comme une mutation positive. L’illusion jouera –t-elle ? j’en doute.
LE PCF A-T-IL ENCORE DES REFERENCES ?
On est en droit de se le demander. Car si oui, lesquelles ? J’entends par « références », des concepts et analyses opérationnels, pas de vagues propos sur la liberté, la solidarité et autre lieux communs utilisés par les politiciens de tous poils.
Le PCF a-t-il une analyse originale de la situation et de la stratégie à mettre en place en vue du changement ? Sur le fond, certainement pas…Il colle parfaitement à la logique électorale, au mythe du programme électoral qui « porté-par-un-grand-mouvement-populaire-peut-amorcer-le-changement »… plus personne n’y croit, même celles et ceux qui par habitude vont voter pour lui.
Ne posons pas la question qui tue : « Que reste-t-il de la stratégie d’Union de la Gauche au nom de laquelle le PCF s’est totalement effondré et dans laquelle il a trompé, pendant des années, des milliers de militant-e-s ? ».
Posons des questions plus fondamentales mais tout aussi meurtrières, telles que :
Que reste-t-il de la théorie du parti communiste « avant garde de la classe ouvrière » ?
Qu’appelle-t-il aujourd’hui une « dynamique révolutionnaire », une « situation révolutionnaire », un « processus révolutionnaire » ?
Que pense-t-il aujourd’hui du « rôle révolutionnaire de la classe ouvrière» ?
Quelle analyse du capitalisme en terme de décadence et de son dépassement fait-il ?
Toutes ces questions qui ont fondé le PCF sont aujourd’hui sans réponse et ce n’est certainement pas sa pratique qui peut donner des éléments de réponse.
Ce que l’on appelle au PCF les « orthodoxes », c'est-à-dire celles et ceux qui veulent en rester aux « fondamentaux de la théorie », ont d’une certaine manière pas tout à fait tort… du moins sur la méthode. En effet, ils se demandent à juste titre ce que vaut aujourd’hui cette « errance politique », ce que signifie l’abandon, sans explication, de tous ses référents qui constituaient son identité, logique politique dans laquelle le PCF est engagé, dans laquelle il perd son identité, cet abandon de principes fondateurs remplacés par… rien.
Quel sens a cet abandon par lambeaux entiers des éléments essentiels de sa théorie qui faisait ce qu’il était, ou croyait être : un parti révolutionnaire armé d’une théorie scientifique d’explication et de transformation sociale ? Ces « orthodoxes » ne s’y retrouvent plus. Le plancher théorique sur lequel ils reposaient, et reposait leur parti, s’effondre. Pour eux, l’opportunisme politique a bradé ce qui faisait leur identité. Il n’ont certainement pas raison sur le fond, mais sur le principe ça tient… encore faudrait-il, bien sûr, qu’ils se réinterrogent sur « ce à quoi ils ont toujours cru et qui est abandonné »… chose qu’ils sont incapables de faire et que le PCF n’a jamais voulu/pu faire, en tout cas n’a jamais fait.
Le changement de stratégie n’est pas gênant, ce qui l’est c’est de ne tirer aucun bilan sérieux des « erreurs passées » et de ne pas être clair sur la nouvelle stratégie… s’il y en a véritablement une !
A toutes ces questions le PCF est bien incapable de répondre, mais pire, il n’a même pas l’idée de se les poser… Ne parlons pas du militant de base, infra politique et maintenu artificiellement en surexcitation dans des meetings messianiques où la passion l’emporte largement sur la réflexion, où la transe l’emporte sur la conscience… il suffit de lire et d’entendre les louanges quasiment religieuses des participant-e-s à ce/s meeting/s.
Ce manque de conscience, de courage, de lucidité est un puissant diluant de la confiance que l’on peut mettre dans une organisation politique. Le PCF est entrain d’en faire, stoïquement, et tout en le cachant, la douloureuse expérience.
LA PAILLE ET LA POUTRE
L’évolution du PCF en dit long, pas seulement sur lui, mais de manière plus générale sur la relativité des certitudes théoriques et surtout sur le sens des organisations qui les portent.
Ne nous gaussons pas trop vite de cette dérive théorique et idéologique du PCF, elle n’est que le révélateur d’un phénomène beaucoup plus général, celui de la perte de repères, du sectarisme (même si le mot est un peu fort) d’attitudes que l’on retrouve chez nombre de militants et leurs organisations… Si ce qui se passe au PCF aujourd’hui n’est que l’ultime, et peut-être le fatal, avatar de l’aventure d’un parti qui avait ouvert d’immenses espoirs, et seulement des espoirs… il n’est pas le seul concerné.
Si nous nous regardons toutes et tous, militant-e-s associatifs, altermondialistes, antilibéraux, progressistes et autres « istes »… qu’avons-nous à offrir à celles et ceux à qui nous nous adressons… sinon des espoirs… autrement dit, en l’absence de toute praxis,… des illusions. ? Que valent nos « références » que certains brandissent comme le « saint sacrement ». A quoi nous servent-ils en dehors du « plaisir » qu’ils nous procurent de les citer, de nous donner l’illusion de la rigueur et d’une morbide et exaspérante stabilité de notre pensée. ?…
J’exagère ? Mais qu’avons-nous fait depuis dix ans, depuis vingt ans, depuis un demi siècle et même plus… au regard de ce que nous sommes, de là où nous allons… et des conquêtes sociales que nous avions cru définitives ? Les luttes qui ont été menées étaient justes, mais pourquoi aujourd’hui nous en sommes là : les acquis saccagés et plus aucune perspective sérieuse… ?
L’impuissance politique de celles et ceux qui veulent un « nouveau monde » combinée à leur incapacité à faire le bilan de plus d’un siècle d’erreurs stratégiques, au lieu de les inciter à « tout remettre sur la tables » pour faire un bilan des pertes et profits en terme d’analyse, les fige au contraire dans des attitudes qui, en dépit des discours se révèlent être conservatrices.
L’illusion devient le carburant de notre « combat » et la rédemption de notre impuissance.
Patrick MIGNARD