Le véritable débat politique n’existe pas. Est-ce à dire qu’il a un jour existé ? D’une certaine manière oui.
Pourquoi ? Parce que le système marchand avait un sens, faisait illusion, promettait des « lendemains radieux ». Il pouvait s’acheter, au sens le plus trivial du terme, l’équilibre qu’il est aujourd’hui entrain de perdre.
C’est maintes fois, au cours du 20e siècle que l’on a enterré, à tort, le système marchand… A toutes les crises du 20e siècle on a annoncé sa fin… Et il est toujours debout, apparemment plus en forme que jamais.
Pourtant, sans vouloir faire des prédictions, qui sont, en général, toutes fausses car fondées simplement sur des impressions et surtout des désirs, on peut constater aujourd’hui que la « magie » du système joue de moins en moins.
L’âge venant, la décrépitude faisant son œuvre, il est de plus en plus souvent et de plus en plus intensément obligé de se farder.
LE COMMENCEMENT DE LA FIN… IN CAUDA VENENUM
Dans un monde où dominaient des puissances coloniales qui possédaient les capitaux, les technologies, la force de travail qualifiée, les marchés, les contradictions du système étaient masquées par les avantages économiques et sociaux qu’il pouvait accorder… Jouant habilement sur la répression et le compromis, débauchant les organisations politiques et syndicales, les pliant à ses intérêts, le système a su maintenir une paix propice à sa pérennisation… Dans aucun pays développé il n’a était mis bas.
Cette époque est finie. A défaut de « penseurs sérieux », comme il a pu, et su, en produire en son temps, le système ne peut produire aujourd’hui que des saltimbanques, spécialistes de la médiatisation et de la mise en spectacle des situations et problèmes auxquels il se heurte et pour lesquels il n’a aucune solution. Ceci tient au fait que ce système arrive au bout de sa logique, comme tous les systèmes dans l’Histoire sont arrivés au bout de la leur.
Le lien social qui assurait contre « vents et marées » sa solidité est entrain de se déliter. Comment ? En étant incapable de fournir un emploi, seule condition d’existence dans le système… L’exclusion structurelle et massive en est la plus parfaite illustration.
L’environnement est menacé par le développement illimité du capital aussi bien dans son utilisation sans limite des ressources naturelles que dans l’émission de substances polluantes.
Or, ces deux grandes contradictions, le système marchand est incapable de les dépasser. Il n’en a évidemment ni les moyens, ni la volonté politique… ce qui remettrait en question son existence.
La situation ne peut aller qu’en se dégradant. Certes, le système va donner des gages, des garanties, mais qui vont être de moins en moins opérantes et vont faire de moins en moins illusion, jusqu’à ….
LE SPECTACLE COMME INSTRUMENT DE LA DEDRAMATISATION
Le spectacle peut jouer aussi bien dans le sens de la dramatisation que dans celui de la dédramatisation. En ce sens il est parfaitement manipulatoire.
Tout pouvoir se donne en spectacle, l’astuce, c’est qu’il faut, tout en les excluant, qu’il donne l’impression aux individus qu’il n’est que leur propre reflet, et dans un système qui se dit démocratique, c’est relativement facile… ainsi il se reconnaîtront dans le pouvoir et auront d’autant moins de raison de le contester.
Quand la politique n’a plus de solution pour donner un sens au système qu’elle représente, elle cherche un dérivatif, quelque chose qui donne l’impression que « l’on va faire quelque chose, et qu’il peut-être fait quelque chose ». Quel est ce « quelque chose »… ça n’est jamais dit, juste suggéré. Et il faut que le citoyen se dise : « C’est pas grand-chose, mais il vaut mieux ça que rien »… et le tour est joué.
Un bon spectacle est celui dans lequel « on entre »… comme dans un bon film. Entrer dans le spectacle c’est entrer dans du virtuel, « décoller » de la réalité sociale dans laquelle on est, on vit. Quand le spectacle est juste un divertissement, ceci ne prête pas trop à conséquence. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit de faire « décoller » le citoyen de la réalité sociale dans laquelle il vit. Or c’est à cela que les politiciens s’emploient.
Ce n’est pas un hasard s’ils font tous appel à des « spécialistes de la communication »… autant dire de la manipulation. La communication est devenue un instrument du processus d’asservissement dans lequel la victime est en partie anesthésiée, consentante et parfois en redemande. Elle est sacrée actrice de sa propre aliénation dans un décor qui répond parfaitement à ses angoisses, ses espoirs, ses fantasmes… Un peu à l’image des Mystères joués sur les parvis des Eglises au Moyen Age pour soumettre le peuple en le convainquant de l’existence du Paradis et de l’Enfer.
L’art de la mise en scène politique est de faire apparaître le spectacle comme un élément de la décision politique à laquelle tout le monde ne peut qu’adhérer.
Qui peut nier que l’on soit en démocratie, comme au Moyen Age qui pouvait nier l’existence de Dieu ?
Ces saltimbanques ne se distinguent entre eux que par les fonctions qu’ils occupent sur la scène : politiciens, artistes et sportifs de Cour, pseudo scientifiques, experts en tout genre, politologues zélés, et animateurs de spectacles politico médiatiques… faut-il citer des noms ?
Ces gens là sont à la politique ce que les poupées gonflables sont à l’amour.
DIALOGUER ? MAIS AVEC QUI ET SUR QUOI ?
Qui peut discuter sérieusement avec des clowns ?
Qui peut négocier avec des gens qui n’ont plus rien à négocier ?
Car le problème se pose aujourd’hui en ces termes. Les défenseurs et gestionnaires du système marchand arrivent au bout des concessions qu’ils peuvent faire. Leurs marges de manœuvres, pour sauver, non seulement le système, mais même les apparences, sont réduites au minimum… contrairement à il y a seulement une trentaine d’années.
L’essentiel est donc mis, non plus dans les concessions, mais dans les apparences. Le système ne peut plus « convaincre » avec des faits mais avec des mots. Il ne peut plus faire rêver sur des faits concrets, mais sur des hypothèses, voire des croyances. Il érige en « évidences » des choses qui lui sont manifestement impossibles à réaliser : réduire la pauvreté, l’exclusion,, améliorer la qualité de vie, des soins, des retraites, du travail, de l’environnement. Les promesses qu’il avait fait pendant des décennies sont aujourd’hui caduques, les acquis qu’il avait concédé sont repris…
Seule l’illusion peut sauver les apparences, et il a pour cela deux extraordinaires atouts :
- un formidable appareil de propagande, les médias, qui formate les cerveaux, abruti les consciences et marginalise la pensée critique ;
- une extraordinaire passivité de la conscience collective qui tel un somnambule suit passivement ses directives politiques et n’a, du moins pour le moment, aucune stratégie de changement sérieux.
Les paillettes et l’apparat tiennent donc lieu de décor au spectacle politique qui a la prétention extravagante de jouer une pièce dont le titre est, ou serait, « La démocratie ».
Il n’y a plus d’interlocuteur. Toutes les formes de protestations (manifestations, pétitions, grèves, votes,…) sont ridiculement obsolètes et dans tous les cas ignorées.
La pièce de l’Histoire ne peut plus se jouer dans cette salle de spectacle laborieusement aménagée par le système, l’ambiance y est étouffante et enfumée et les acteurs jouent faux. L’avenir est ailleurs, dehors !
Patrick MIGNARD
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NEGOCIER ?... MAIS NEGOCIER QUOI ? »
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AUX LIMITES DU SYSTEME MARCHAND »
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à 12:35