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L'En Dehors


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L'abolition du travail forcé : le pari de la liberté
--> L'allocation universelle, notes pour un manifeste
Lu ici : L'allocation universelle n'est pas la panacée, elle ne résoudra bien évidemment pas tous les problèmes à elle seule, elle n'est pas le remède universel. Il importe d'émettre des priorités. Le problème n'est pas la création de richesses, mais sa redistribution, et le lien social. Le but n'est pas de gagner assez pour vivre mieux, mais de vivre mieux avec toujours moins d'argent nécessaire. Cela passe par une remise en question de l'ensemble du mode organisationnel de nos sociétés et en premier lieu de la production, de la surconsommation, du gaspillage et de la destruction de l'environnement. C'est par l'émulation des idées, la confrontation des points de vue, c'est finalement par des paroles et des actes que l'homme peut faire des choix. Proposer la fin de la domination et de la guerre par le partage, c'est prendre le risque de se faire traiter d'utopiste. Et pourtant, quand on voit les résultats de la gestion dite réaliste, ou pragmatique, des gouvernements en place, ne donne-t-elle pas à penser que ceux là mêmes qui nous gouvernent ne sont pas plus au fait des réalités qu'un aliéné dans un asile, sauf qu'à la différence des fous, ils sont dangereux?


===============
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays. (Article 22)

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. (Article 25, al.1)

Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée et proclamée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations-Unies.


I.DÉFINITIONS



Droit au travail ET droit au revenu

Dominique Strauss-Kahn, ex-ministre français de l'Economie et des Finances, disait récemment dans une émission télévisée sur le travail: "Le débat sur le travail est archi-connu". Peut-on décemment l'affirmer dans une société d'où l'espace public a disparu entraînant dans son sillage la dissolution du lien social et la perte de repères objectifs? Dans une société qui lutte contre le chômage, qui persiste à placer le travail en son centre et à résumer la finalité de l'individu à son employabilité? Dans une société où ne pas avoir un travail salarié ou perdre son emploi se révèle être le plus souvent une faute sanctionnée par l'impossibilité d'une vie digne? Dès lors que le citoyen est réduit au rôle de travailleur-consommateur, l'incapacité d'un gouvernement à lui assurer le droit de produire et de consommer équivaut à l'incapacité à lui garantir ses droits fondamentaux. L'économie s'étant emparée des mots et les ayant façonnés à sa guise, il devient difficile de se faire assurément comprendre, il nous faut donc être attentifs aux mots que nous employons et les définir préalablement pour éviter trop de malentendus.



Le travail

Le travail est production -par les esclaves, les serfs, les travailleurs libres- des conditions matérielles de la vie, en vue de sa consommation. Avec la technologie et les impératifs économiques, les nécessités vitales sont désormais en grande partie assurées par des machines, dont le mode de production nous est inconnu, si bien que ce que nous consommons n'est que l'ultime conséquence d'un processus que nous ne comprenons pas. Le travail s'est transformé essentiellement en production de services, de biens immatériels.



Le travail salarié

Dans le langage courant, quand on dit travail, on entend emploi, l'expression le "monde du travail" est explicite: être en dehors de ce monde, c'est être exclu. Le travail devenu rapport de domination politique et économique, a une fonction sociale évidente: l'institutionnalisation, la normalisation, la standardisation.



Le travail n'est pas l'emploi

Si le travail n'est pas un bien mais une ressource, plus la population augmente, plus la ressource augmente, mais pas l'emploi. Si l'emploi est rare, le travail, lui, est abondant. Une machine qui remplace un homme supprime un emploi -et donc un salaire- mais pas le travail à effectuer. Malgré sa contribution au mieux-être collectif, la machine n'en est pas rétribuée pour autant.



Le travail n'est pas l'activité

L'activité est la faculté d'agir, de produire un effet. Le travail se différencie de l'activité par son mode d'organisation hiérarchisé. L'ensemble des activités d'une société n'est pas et ne saurait se résumer à la totalité de ses emplois, même si ces derniers sont valorisés en tant qu'activités "qui comptent", qui concourent à la production des richesses, répertoriées comme telles par les économistes, c'est à dire entrant dans le calcul du PNB. Nous assistons à une extension du salariat, par la monétarisation croissante des relations sociales, qui passe par la reconnaissance par le marché et/ou l'Etat d'activités considérées jusqu'à présent comme non utiles ou non rentables (travail de proximité, aide à domicile,...). La transformation des activités en travail salarié peut être illimitée.

Le désir d'immortalité de l'homme des lumières passe désormais par le monde, c'est sur le mode du fabriquer que la République est fondée. Quant à la Raison, elle est avant tout d'Etat.


Le droit au travail

Le droit au travail, ne serait-il pas aussi le droit au non-travail? Il semblerait que la réponse soit négative. Avec et depuis la Révolution française, le droit au travail signifie surtout l'obligation de travailler sous peine d'exclusion sociale. La Modernité s'est construite sur la base de la démocratie définie par la citoyenneté politique et la loi républicaine, et du marché caractérisé par la réciprocité des échanges et la loi de l'intérêt. La démocratie a pour cadre l'Etat-Nation et pour sujet la société, le marché respectivement le salariat universel et l'individu. Les tensions entre égalitarisme et individualisme, entre socialisme et libéralisme, reflètent la singularité de chacun de ces modèles -dont les contradictions semblent indépassables- pourtant complémentaires, coexistant dans les faits. La bourgeoisie a fait du travail -par la possibilité pour chacun de se valoriser, de se distinguer- la base du contrat social légitimant sa domination. L'éthique du travail a été la valeur qu'a partagé la classe dominante avec la classe ouvrière. La liberté entendue de part et d'autre comme le droit donné à ceux qui n'ont rien d'user librement d'un bien inaliénable, leur force de travail, de laquelle aucune expropriation ne pourrait venir à bout, si ce n'est la mort elle-même. Mais si le travail est un droit, il ne peut être que l'obligation d'un État envers ses citoyens de leur fournir un travail et de leur faire accéder à ce droit si telle est leur volonté. Un droit n'est pas sensé être une contrainte ni se transformer en devoir, et en aucun cas se retourner en exclusion sociale dès lors qu'il n'est pas revendiqué.



Le plein-emploi et la société salariale

Ce qui a été nommé après coup les "Trente Glorieuses" est une période déterminée par une conduite politique volontariste et organisatrice de l'économie: l'Etat-Providence. Si les décennies d'après guerre n'ont connu qu'un chômage "frictionnel", c'est qu'elles sont caractérisées par le modèle dit du plein-emploi , qui définit la société salariale, c'est à dire le modèle d'un emploi pour tous avec les protections sociales qui lui sont liées. Dans les faits, il y a aujourd'hui beaucoup plus d'individus adultes salariés qu'à l'époque et plus de chômage également, c'est la répartition des emplois qui s'est transformée. La société a évolué dans le sens de l'individualisation, des mécanismes sociaux notamment, conjointement à l'éclatement du regroupement familial et à l'entrée massive des femmes sur le marché du travail. Il y avait alors un emploi pour à peu près chaque "chef de famille", la redistribution des richesses et les protections sociales passaient par lui, assurant le revenu de la famille, du groupe, du ménage. Le problème à l'heure actuelle est que nombreux sont les regroupements familiaux/ménages qui connaissent plusieurs emplois en leur sein, alors même que plus nombreux aussi sont ceux qui n'en ont plus aucun. L'exclusion se pense en termes d'individus non salariés, car tous potentiellement employables, et non plus en termes de familles ou groupes. C'est donc au niveau de la distribution des emplois que se trouve le noeud du problème. Le plein-emploi n'a jamais existé -mais tel qu'il a existé, il n'existera plus.



Justice sociale et acquis sociaux

Dans le cadre de l'Etat-Providence, c'est le travailleur qui définit l'homme et c'est par le travail salarié que se redistribuent les richesses, par lui que se fonde la justice sociale. Entre intérêt et gratuité, c'est au nom de l'égalité citoyenne que s'effectue la redistribution étatique, suivant la loi de l'intérêt et de la contractualité. Comme une sorte de don obligatoire, la solidarité sociale se fait depuis un demi-siècle, presque à l'insu du travailleur, selon le principe du donnant-donnant. C'est la société salariale qui assurait la consommation et la promotion, c'est à l'intérieur de ce cadre -où la vie de chacun se répartit en trois cycles: formation, travail, retraite- que les travailleurs ont lutté pour obtenir de meilleures conditions de travail et que ces acquis sont aujourd'hui remis en cause, non par le seul fait d'une offensive impitoyable des employeurs en vue d'une rentabilisation accrue, mais également par la transformation du mode de production capitaliste lui-même.



Temps de travail (production) et temps de loisir (consommation)

La société de consommation définit le temps hors travail comme temps du loisir: plus l'individu vend cher sa force de travail, plus il pourra acheter. L'effort sacrifié au travail est justifié par la consommation permise en retour: une liberté à la hauteur de son pouvoir d'achat, le salaire comme l'ensemble des désirs autorisés.

Or le temps de travail se désagrège, il devient précarité structurelle. Le travail sur appel en est l'exemple le plus éclatant: une mobilisation totale du temps du travailleur pour une courte durée de travail effectif, ce qui se traduit par l'insécurité et l'attente par rapport à son salaire, ainsi que par l'impossibilité d'anticiper sur l'usage de son temps libre. En France, des modifications interviennent également dans les périodes précédant et succédant au travail: si les jeunes ont tendance à rentrer de plus en plus tard dans le monde du travail, les licenciements avant l'âge de la retraite et les pré-retraites augmentent tout autant, alors même que la durée moyenne de la vie s'allonge, ce qui pose, outre le problème de la répartition du travail salarié à l'échelle de la semaine, du mois, de l'année, de la vie, celui du financement des retraites, assuré jusque là par le travail des actifs. Temps de travail et temps hors travail sont indissociables, en précarisant l'un, on précarise l'autre.



Le contrat de travail

Transformation d'une relation de subordination -entre un employeur privé ou public et celui qui n'a que sa force de travail à vendre- en un cadre légal, permettant à l'un de posséder l'autre pour un temps plus ou moins long. Le contrat de travail connaît de nouvelles formes en s'affranchissant du cadre salarial "traditionnel", une diversification des statuts allant du chômage à l'emploi, en passant par les CDD (contrat à durée déterminée), le temps partiel, les missions intérimaires, les CES (contrat emploi-solidarité), les contre-prestations, les stages,...



Le revenu minimum (RMI, RMR, Minimex,...)

Compromis entre un chômeur et un membre de la bureaucratie tutélaire, il reflète assez fidèlement la fiction contractualiste généralisée prévalant entre l'Etat et les citoyens. Le RMI français (revenu minimum d'insertion) est exemplaire: le chômeur signe un contrat dans lequel il s'engage à tout faire pour se réinsérer, ce faisant il reconnaît implicitement assumer seul l'entière responsabilité de sa situation. Ce contrat est un engagement moral qui n'a pas de valeur administrative et ne pourrait guère en avoir, vu que le bénéficiaire du RMI ne reçoit aucun moyen pour se réinsérer, seulement de quoi ne pas mourir de faim: moins de 3 000 FF, prix de la soumission, alors même que l'INSEE a fixé le seuil de pauvreté à 3 800 FF. Conçu au départ comme un outil de transition vers l'économie de marché, le RMI est devenu dans les faits un secteur autonome duquel il est difficile de sortir. En ce qui concerne ses défaillances "techniques", elles sont principalement de deux ordres: si le bénéficiaire du RMI arrive à s'assurer de ressources complémentaires, alors, de son revenu minimum l'équivalent en est retranché, et le RMI est en principe révocable.



L'allocation universelle

L'allocation universelle, ou revenu de citoyenneté, a pour principe un revenu inconditionnel, individuel, universel et inaliénable, découplé du travail. Elle implique la dissociation entre travail et revenu, justice sociale et salariat.


II. CRITIQUE DU TRAVAIL SALARIÉ



Plusieurs constats peuvent être faits. Tout d'abord que le travail est une fonction -et non une force-, qu'il donne droit à un salaire -relativement indépendant du travail réellement effectué-, à un statut et à des droits sociaux.

Deuxièmement, que le travail salarié est la rationalisation du temps socialement imposé auquel il s'agit de donner une valeur marchande.

Ensuite, que de moins en moins de travailleurs sont nécessaires à la production de richesses matérielles, en grande partie du fait des progrès techno-scientifiques et de l'automation.

Que néanmoins la société du labeur entend que toute personne ayant l'âge et la capacité, physique et mentale, de travailler, le fasse.

Que ce faisant, c'est à la richesse qu'on demande de créer du travail.

Constatant enfin, que l'équilibre entre rémunération et contribution est un phénomène récent, à l'échelle de notre civilisation, et qu'il dépend de facteurs tels que, le degré de liberté admis par une société, les capacités et la situation des individus dans l'espace-temps, les conditions socio-historiques, la force d'opposition et de revendication citoyenne, et la valeur attribuée -forcément subjective- aux différentes activités pratiquées.

Ne sommes-nous pas amenés à penser le travail salarié en tant que transformation d'une nécessité vitale en un mode de reproduction capitaliste? Dire mode de reproduction, c'est anticiper des réponses, c'est émettre un point de vue: mettre en évidence le salariat comme instrument au service du pouvoir économique et comme moyen au profit de l'autorité politique. C'est y voir un modèle social universel, un système organisationnel, un mode de différenciation entre les hommes, et une discipline. C'est y voir un pacte, scellé entre l'ordre et la rentabilité. C'est finalement y voir une idéologie et c'est subjectif.

Le salariat n'est pas éternel, il n'est pas un fait anthropologique mais une donnée culturelle et appartient à un temps historiquement dépassable. Seul bien commun que la société se reconnaisse, son altération risque d'entraîner pas moins qu'un second désenchantement .


III. LES ACTEURS ET LEURS SOLUTIONS



Alors, qu'en est-il de ce débat? Il y a ceux qui ne posent pas les bonnes questions. Il y a ceux qui posent les bonnes questions et qui apportent les mauvaises réponses.



Les gouvernements

Partout en Europe, les gouvernements tentent de remédier au "fléau" qu'est le chômage en se donnant l'emploi pour priorité, tout en cherchant à se déresponsabiliser en déclarant conjointement leur bonne volonté et leur impuissance face à une mondialisation toute-puissante. Il s'agit d'un côté, d'aides d'urgence -utilisées comme soupape de sécurité et appliquées au compte-gouttes- pour parer au plus pressé, parallèlement à une intensification du contrôle social, et de l'autre, de pallier aux "dysfonctionnements" économiques par de nouvelles lois, l'incitation à l'embauche et la subvention. Si le but des entreprises n'est pas de créer des emplois, pas davantage le rôle de l'Etat ne doit être celui de se substituer aux employeurs. Ce type de mesures -subventions d'associations, aides aux entreprises, allégement des charges patronales- n'est que aménagement de la survie, un aveu de non-choix et de non-volonté face aux possibles d'aujourd'hui. Créer des emplois sans poser la question de leur nature pour donner les mêmes droits sociaux qu'aux travailleurs à ceux qui n'ont ni droits ni travail semble bien plus compliqué que séparer droits et travail.

Il s'agit également pour les classes dominantes de nier les aspects les plus intolérables de cette pauvreté devenue visible au coeur d'un processus de création de richesses toujours plus soutenu mais dont les fruits sont toujours moins partagés. Il s'agit enfin de s'interdire toute réflexion sur la nature même du travail, tout en tentant désespérément de ranimer le mirage d'une société de plein-emploi par le biais de la création de nouveaux besoins et de la croissance retrouvée.

La gestion étatique de ce que l'on nomme les dysfonctionnements économiques est le seul rôle laissé à la politique et elle exige la dépolitisation de la population. La politique n'a ni projet ni morale, elle n'a aucune visée émancipatoire. La politique se résume désormais à une technique, celle de la domination et de la maîtrise.



Les syndicats

Les travaillistes modernes envisagent les hommes comme des producteurs, le travail comme une fin en soi et la justice sociale comme un dû aux travailleurs. C'est parce qu'il existe des producteurs qu'il faut créer des produits et non pas parce qu'il y a des besoins qu'il existe des producteurs. Aujourd'hui que le travail prend des formes fort différentes de celui des générations de l'après-guerre (jusque dans les années 80), le travailleur ne se comprend plus au travers d'une identité collective, la concurrence a remplacé le sentiment d'appartenance à la classe, et l'individualisme, la conscience d'être le plus grand nombre. Tant qu'il y avait du travail pour tous, le travail était considéré comme aliénation, la fin du travail -en tant que lutte de l'homme pour sa survie matérielle, nécessité vitale- comme une libération. Pour l'heure, ne pouvant échapper à une remise en question de leur bien-fondé et de leur utilité, beaucoup de syndicalistes s'accordent à demander les 32 heures de travail hebdomadaires et la création d'emplois supplémentaires. Si le travail continue à être défendu à tout prix c'est qu'il est leur raison d'être et leur seule légitimité, mais également qu'il reste considéré comme le point de départ à toute action révolutionnaire.

Fondé à Chicago en 1905 par des syndicalistes, des socialistes de gauche, des anarchistes et d'autres révolutionnaires d'extraction prolétarienne et d'origine européenne (l'émigration aux Etats-Unis est alors à son sommet), le syndicat révolutionnaire Industrial Workers of the World (I.W.W.) rassemble les ouvrières du textile, les bûcherons, les ouvriers non qualifiés.


Les salariés

Au salarié, on demande toujours davantage: davantage d'investissement, de créativité, de responsabilité, mais sans lui donner les moyens de les exercer réellement. Le (chantage au) licenciement pour ceux qui ne sont pas assez ou plus assez compétitifs, une mise en concurrence dans l'entreprise, dans la branche, dans le pays et entre les pays, la flexibilité mais pas la sécurité. Employabilité, disponibilité, flexibilité, mobilité, sont les nouveaux termes par lesquels sont appréhendés le rapport au travail salarié, clamant ouvertement la réification de l'homme dans le travail et en dehors de lui.



Le libéralisme

C'est au moment où le libéralisme n'existe plus dans les faits qu'il atteint son apogée comme idéologie. Plus on démantèle l'Etat social et on s'en remet à la régulation des échanges par le marché, plus il faut réglementer le rapport entre travail et capital, et plus la bureaucratie prend de l'ampleur. Le marché se sait condamné à l'anarchie s'il est laissé à lui-même, ainsi la législation -européenne comme internationale- sert à "sauver le libéralisme contre lui-même" (J.-M. Ferry). Il n'y a plus que les crédules pour voir dans la main invisible autre chose que la main invisible des États et de leurs organisations, dont l'OMC (organisation mondiale du commerce), maintenant publiquement prise à partie, a acquis récemment une célébrité certaine.



Le capital

Le capital n'a jamais eu d'autre but réel que l'augmentation de son volume. Que quelques actionnaires philanthropes et une poignée d'entrepreneurs la main sur le coeur aient une vision humaniste de leur relation au sein de la communauté et donc une pratique organisationnelle paternaliste ne change en rien cette donnée fondamentale: le capital n'a pas de buts sociaux. C'est encore plus visible dans cette ère dite néolibérale: alors que la productivité ne cesse d'augmenter grâce au développement techno-scientifique et à l'affranchissement des contraintes administratives, le capital profite encore d'une situation politique favorable pour multiplier son volume: enregistrer des bénéfices faramineux tout en licenciant pour qu'ils soient plus faramineux encore l'année suivante. Mais qui est responsable? Qui sont les salauds? Ce n'est pas l'épargnant: on ne peut pas reprocher à un homme de posséder de l'argent ni de le placer. Ce n'est pas non plus le golden boy , adolescent attardé qu'on emploie légalement dans un jeu qui le dépasse. Il y certes une responsabilité politique, celle de laisser se perpétuer l'iniquité croissante et de ne pas vouloir une redistribution des richesses, -le capital lui, a sa logique, sa dynamique propre.

Le "Monopoly" est dépassé. Dans ce jeu, l'investissement est concret (terrains, maisons, hôtels). Aujourd'hui, les marchés financiers investissent de plus en plus dans l'immatériel: on n'achète plus une part, on prend une option sur la valeur de cette part. De manière générale, le placement financier tend à remplacer l'entreprise, au sens de monter une affaire et réinvestir les bénéfices de cette affaire dans une autre. L' entreprise, la création d'activités, est toujours indispensable aux marchés financiers, alors les derniers entrepreneurs deviennent des aventuriers, des héros, et se sachant en voie de disparition demandent l'aide de l'Etat là où les charges sociales sont élevées et le capital-risque quasi-inexistant. Si le capital n'a pas de solution, il détient les moyens de la production des richesses (moyens financiers, économiques, monétaires, techniques, culturels, sportifs, médiatiques, humanitaires, relationnels, scientifiques, militaires) et détermine les rapports de production. Ce faisant, il est la solution.



La société civile

Il n'y a pas de société civile distincte. Parallèlement à la politisation de l'économie, on a assisté au fil du temps à l'étatisation de la société, où chacun est sommé d'oeuvrer dans le sens de "l'intérêt public". La société civile est englobée par l'Etat, c'est à dire une technocratie de gestionnaires qui a pour moyen et pour fin la régulation, la sauvegarde des "grands équilibres" et l'entretien des représentations socialement admises et valorisées. L'Etat est partout sous la forme du social, que ce soit dans les musées ou dans les banlieues. L'expansion administrative et institutionnelle de l'encadrement social passe par la mise en place de toute une série de services, techniques et administratifs, assistance sociale, culture, instruction, animation, gestion des loisirs, relations publiques,... Cela s'illustre par la dépendance totale de la plupart des associations vis a vis de l'Etat et trahit par là même la fonction marchande qui est la leur et qu'elles récusent bien souvent par ailleurs. Consciemment ou non, elles sont conformes à la Raison d'Etat et par là même participent d'une façon essentielle à la gestion normative du temps et à la planification des comportements.

Il y a tout autant étatisation de la vie intellectuelle, avec l'augmentation du salariat public et parapublic, qu'il y a instrumentalisation du savoir et des universités par le marché. Les institutions corporatistes qui se disent être ou représenter la société civile demandent toujours plus d'Etat, elles sont un peu comme la démocratie: des mouvements de la société sans lutte de classes ni changement révolutionnaire.

L'individu socialisé n'est pas un sujet politique. Sa soumission à la loi valorise et légitime cette dernière en retour et réalise un contrat social qui n'existe pas en soi, c'est la servitude volontaire à la norme comme source du droit et du lien social.



Les chômeurs, les exclus

Individus qui n'ont pas ou plus d'emploi et qui en échange d'une indemnité fournie par l'Etat -bras nourricier qui permet leur triste survie- promettent d'occuper leur temps à chercher une activité rémunérée activement. Masse encore informe, en extension, qui pourrait bien se révéler être la nouvelle classe de demain. Un certain nombre d'entre eux a commencé à s'organiser, à devenir visible, même si cela est difficile: atomisation, perte des repères et d'identité, sentiment d'impuissance et d'inutilité, culpabilisation, vexations et humiliations dans la vie quotidienne,... Nombreuses sont les raisons qui peuvent mener à la résignation, à la révolte ou au désespoir. Exclus du monde du travail et du monde consommatoire, et ceci ne résulte ni du choix ni de la lucidité. Pire, l'exclusion sociale, une citoyenneté de seconde zone qui s'ajoute à la précarité matérielle. Et finalement exclus du droit à la parole, c'est là que le concept de démocratie devient intenable, car il s'agit de dire l'indicible, dénoncer le silence et le silence à propos du silence, qui nie l'humanité même de l'homme.



La charité institutionnelle

Des assistants sociaux qui ont pour mission de s'ériger à la fois en moralisateur -chargés d'aider les chômeurs dans leur quête d'un nouvel emploi en vue de leur ré-insertion- et en Grand Inquisiteur, n'hésitant pas à les sanctionner si nécessaire. Recevoir une aide ce n'est pas gratuit, ça se mérite, il faut faire preuve de bonne volonté . D'un côté, les bons pauvres, ceux qui demandent l'aumône avec pudeur et humilité, les pauvres honteux, ceux qui peuvent se prévaloir d'un handicap quelconque, et en général, tous ceux qui refusent leur situation de non-travail et se montrent coopératifs face aux administrations publiques. De l'autre côté, les mauvais pauvres, les orgueilleux, les insolents, et en général, tous ceux qui n'acceptent pas d'être les bouc-émissaires de l'inégalité structurelle d'un système qui se prétend égalitaire.



En fait de débat, il n'émerge qu'une confrontation superficielle entre acteurs institutionnels qui ont en commun le statu quo pour nécessité. Un débat biaisé dès le départ, dans ses fondements. Plus grave encore: nulle place pour le citoyen. Les besoins sont avivés et les moyens multipliés par le développement techno-scientifique, mais nulle part n'est posée la question de la fin. Quels buts se fixe notre société? Devant l'absence de réponses satisfaisantes légitimant l'organisation actuelle de la vie, quelques uns pensent avoir le droit légitime d'en concevoir une autre. En énonçant le principe d'une l'allocation universelle, ils s'élèvent pour demander un véritable débat, une réflexion globale, dont le point de départ est la démystification du travail. Est-il besoin de répéter une fois encore, avec quelle puissance nos habitudes, nos comportements, nos croyances, notre manière de voir, est fonction d'une logique qui n'est ni la vérité, ni le réel, qu'elle appartient à notre temps comme à notre histoire, et que par là même, elle n'existe pas en soi..


IV. LE TRAVAIL COMME LIEN SOCIAL



Si le travail salarié n'a jamais été le seul moyen de l'intégration des individus à un être-ensemble, sa critique publique frôle encore l'hérésie. Du fait de la survalorisation du travail en tant que créateur du lien social, voire son essence même, la compréhension du monde et des hommes en société faisait de lui, sinon une fin en soi, le medium privilégié. Ce n'est pas le travail qui crée le lien social, c'est le salariat qui produit des rapports sociaux à l'intérieur et autour desquels se tissent des relations sociales. Si le travail ne crée pas le lien social, il n'est évidemment pas raisonnable de créer de faux emplois pour maintenir la cohésion sociale, car la seule chose que cela maintient, pour peu de temps encore, c'est une fiction. Un peu de bon sens serait nécessaire: on travaille rarement par plaisir, presque toujours par nécessité.

L'emploi venant à manquer, le partage du travail devient une revendication légitime sauf quand il équivaut à ne pas remettre en cause l'organisation sociale actuelle. Le partage du travail implique assurément une vision suradministrée de la société car partager le travail ne veut pas dire partager l'emploi. Envisager un partage véritable du travail implique de se poser la question du quoi produire, et pour qui. Si chacun doit contribuer à l'effort collectif, comment dire si l'individu participe suffisamment, et sur quels critères? Nous retrouvons la question du comment calculer la productivité individuelle, comment mesurer la puissance individuelle d'un élément sur le tout, comment mesurer la richesse sociale produite? Quelles sont les tâches nécessaires et celles qui sont superflues? Quels critères à l'utile? Le partage du travail ne se décrète pas comme on décrète la baisse du temps de travail. Les principes de contributivité et de réciprocité le permettant, nécessitent l'égalité entre les individus et la liberté de choix pour devenir efficients: donner la liberté à la volonté.

Quant à la baisse du temps de travail, elle revient à partager l'emploi, c'est-à-dire le chômage, et en aucun cas à redistribuer les richesses. Elle n'a plus aucune utilité en soi, si ce n'est surseoir à la remise en question du bien-fondé du travail salarié.


V. LA PROPOSITION : L'ALLOCATION UNIVERSELLE



Pourquoi l'allocation universelle ?

Instaurer l'allocation universelle, ce n'est pas tenter de corriger les effets du néolibéralisme ou de sauver le capitalisme une nouvelle fois, c'est remettre en cause sa logique et chercher un mode d'organisation sociale autre. S'il y a des raisons à l'absence d'emploi pour tous, nous ne trouvons aucune justification économique, financière, technique ou morale à l'absence d'un revenu permettant à tous de vivre dignement. L'allocation est individuelle, inaliénable, universelle et inconditionnelle. Elle fait abstraction de la situation économique et sociale, comme des autres ressources des ayant-droits. En tant que citoyen, l'individu se reconnaît dans ce droit qui lui est donné et lui-même se doit de contribuer à ce que ce droit soit respecté par et pour tous.



Vivre ou survivre avec l'allocation universelle ?

Certains parlent de substituer l'allocation universelle à toutes celles préexistantes (aides, bourses, retraites,...) en même temps que de réduire le salaire minimum, le SMIC, les conventions collectives, à néant. Cela n'est pas acceptable pour deux raisons: ce salaire minimum étant déjà extrêmement bas (puisque c'est le minimum), les travailleurs étrangers n'ayant pas acquis la citoyenneté -et donc l'allocation universelle- seraient les esclaves de demain. La deuxième raison concerne les futurs bénéficiaires de l'allocation universelle et le montant de cette dernière, point de friction majeur entre tenants d'une allocation universelle libérale et tenants d'une allocation universelle sociale. Si une allocation universelle doit exister, il faut aussi que son montant soit décent, c'est-à-dire suffisamment élevé pour permettre à chacun de bien vivre, si elle est son seul moyen de subsistance. Donner à chacun la liberté d'user de son temps, de choisir son mode d'insertion dans la vie sociale, de créer et de se créer, avec la sécurité d'un revenu garanti à la fin de chaque mois. Faire en sorte que le travail salarié prenne la place qui peut lui revenir: une activité parmi d'autres.



Pour qui ?

Qui dit inconditionnalité dit l'assurance d'un degré certain de liberté et donc de choix. Car que signifie émettre des conditions si ce n'est laisser la porte ouverte à la subjectivité et au bon-vouloir des administrations, au laxisme des uns et au chantage des autres?

L'allocation universelle semble fort proche du modèle de l'impôt négatif, ou d'un RMI généralisé, qui octroie un revenu complet ou partiel à ceux qui n'ont rien ou pas suffisamment pour vivre. L'intérêt majeur de l'allocation universelle est, outre son universalité, son inconditionnalité: elle est pour tous les citoyens et tout de suite, contrairement à l'impôt négatif qui est rétroactif. Non seulement cela permet une simplification administrative et législative, mais encore la possibilité de mettre fin aux abus, à l'insécurité du lendemain, à la honte, voire à la peur, à l'insécurité matérielle et enfin, à la perte de temps (comme le disait un chômeur qui prenait la parole lors d'une émission télévisée: "être chômeur c'est un boulot à plein temps, et que très faiblement rémunéré"). Sans parler du fait que de nombreux ayant-droit ne connaissent pas leurs droits ou ont eu de mauvais contacts avec l'administration qui les ont fait renoncer.

L'allocation universelle entre dans la composition du revenu brut primaire, et par là même augmente le revenu imposable global ainsi que la recette fiscale globale. Ceux qui auront l'allocation universelle comme unique revenu ne seront pas soumis à l'impôt. Ceux qui ont des revenus bruts élevés ne peuvent garder intact le montant de l'allocation universelle au niveau du revenu total disponible, ou pour le dire autrement, chacun reçoit l'allocation universelle et le taux d'imposition des autres revenus de l'individu s'impose en connaissance de fait.

Nous avons dit que l'allocation est pour tous les citoyens, ce qui est déjà une restriction à son universalité. Là réside le paradoxe de l'inconditionnalité conditionnelle de l'allocation universelle, tant qu'elle ne sera pas appliquée au niveau mondial, c'est-à-dire pour tous les citoyens du monde.


VI. ARGUMENTATION



Prenons un exemple. Un individu travaille 40 heures par semaine et gagne 5 000 francs suisses par mois, dans une entreprise dont la convention collective fixe le salaire minimum à 4 000 francs par mois pour un temps plein. Nous introduisons une allocation universelle, dont nous fixons le montant, disons à 2 500 francs par mois. Cet individu peut arrêter de travailler, libérer un emploi, il recevra l'allocation universelle de 2 500 francs, il ne payera pas d'impôts et utilisera la totalité de son temps aux activités qu'il se sera librement choisies.

Deuxième cas de figure, l'individu continue à travailler à temps plein, tout en recevant l'allocation universelle, il aura 7 500 francs de revenu par mois, dont une imposition, sur le salaire s'élevant à 5 000 francs. L'employeur peut décider de baisser le salaire de l'individu au salaire minimum, car il sait que ce dernier reçoit l'allocation universelle, tout comme lui d'ailleurs. Si l'individu continue à travailler à plein temps, il recevra 2 500 francs et un salaire minimum de 4 000 francs, c'est-à-dire 6 500 francs imposables.

Troisième cas de figure, l'individu ne travaille plus qu'à temps partiel, il reçoit 2 500 francs (ou 2 000 si c'est la moitié du salaire minimum) et les 2 500 francs de l'allocation universelle, soit entre 4 500 et 5 000 francs imposables. Il gagne donc légèrement moins qu'avant l'instauration de l'allocation universelle, tout en ne travaillant plus qu'à mi-temps, et libérant de ce fait un poste à 50% pour un éventuel autre individu. Si l'individu sort gagnant, l'employeur également, car il a pu baisser ses charges salariales (1 000 francs par mois pour un individu dans notre exemple) et peut choisir d'employer deux personnes travaillant mieux car travaillant moins, au lieu d'une. Évidemment ce n'est qu'un exemple, schématisé à l'extrême, et dont l'application dans les faits pourra être toute différente et comporter de multiples facettes. Il s'agissait pour nous d'illustrer ici la possibilité d'un couplage travail/allocation d'existence.



Un salaire minimum

Le cadre d'un salaire minimum obligatoire peut sembler un archaïsme bureaucratique superflu, car nul n'accepterait, tout en recevant l'allocation universelle, de continuer à travailler à temps plein à un poste rébarbatif, si le salaire tombait à 1 000 francs mensuel, par exemple. Logique... pour celui qui reçoit l'allocation universelle. Si nous pouvons imaginer qu'un individu, qui gagnait 5 000 francs par mois pour un temps plein, et qui se voit proposer d'effectuer ce même travail pour la moitié, sous prétexte qu'il reçoit l'allocation universelle, refuse, nous pouvons également imaginer que la perte du salaire minimum serve de terrain de chantage à des employeurs peu scrupuleux qui imposeraient, en échange d'un contrat de travail, des conditions inhumaines de travail à des travailleurs étrangers qui y verraient le moyen d'accéder un jour à la citoyenneté et à l'allocation universelle. Ce serait la solidarité citoyenne qui paierait pour que l'employeur et l'actionnariat économisent plusieurs salaires sur ses employés tous les mois. Et c'est là que le bât blesse. Il n'est pas question d'instaurer une allocation universelle pour en faire bénéficier les patrons et les actionnaires au-delà de ce qu'ils y gagneront déjà. Il s'agit de mieux redistribuer les richesses et non pas de les faire diminuer, ni de laisser la porte ouverte à une intensification de l'exploitation d'une main d'oeuvre non protégée, accroissant les inégalités au lieu de les réduire, cette fois-ci entre classe populaire et lumpenprolétariat. Une situation que nous connaissons à l'heure actuelle avec ce que l'on nomme les working poor : des individus qui travaillent mais dont le salaire est trop bas pour subvenir à leurs besoins minimaux et dont la différence est payée par l'assistance publique. Cette situation ne peut être tolérée ni maintenant ni dans le cadre de l'introduction de l'allocation universelle.

Avec des conditions de travail correctes, nous pouvons aller jusqu'à imaginer que certaines tâches particulièrement difficiles et pour lesquelles il faut des hommes, et non des machines, ne trouvent plus de main d'oeuvre à bas prix, obligeant ainsi l'employeur à revoir ses salaires à la hausse ou à... innover. De même en ce qui concerne les postes bien payés et sollicités, ceux-ci pourraient facilement être revus à la baisse, en vue d'un rééquilibrage entre bas et hauts revenus.



La condition citoyenne

L'allocation universelle serait l'opportunité à saisir pour construire le citoyenneté, au niveau de la commune, de la ville, du monde, car le libre développement de chacun passe par le libre-développement de tous. Pourquoi ne pas commencer par exemple, avec une allocation pour tous les citoyens européens, où qu'ils résident en Europe, fondée sur le postulat d'un droit à la vie bonne comme élément fondateur et fondamental, un même revenu que l'on soit riche ou pauvre, jeune ou vieux, seul ou en groupe. Les différents statuts, revenus minimums, allocations chômage, familiales, aide au logement, assurance invalidité,... des différents pays pourraient être unifiés en une allocation universelle unique, ce qui assurerait plus d'équité (qui n'est pas l'égalité) et engendrerait une baisse des dépenses administratives, liée à la rationalisation et à la simplification qu'engendre le passage du bon-vouloir à un droit inconditionnel.

Concernant les résidents étrangers, se pose la difficile question de la condition de la citoyenneté. A vrai dire insoluble de par son existence même, qui dans les faits se traduit par la reconnaissance de l'appartenance à une nation. Éternelle opposition entre l'envie d'accueillir et la peur d'être débordé, à laquelle la réponse de M. Roccard "Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde" reste insuffisante, mais qui est sans solution tant que les pays riches n'auront pas la volonté de redistribuer équitablement les richesses mondiales, et se faisant, de choisir le parti de la paix contre celui de la guerre. Pour parer au plus pressé, force est de constater qu'il sera nécessaire d'établir des critères, si critiquable et subjective que puise paraître cette méthode, pour faire accéder -dans les meilleurs délais- les étrangers résidents à la citoyenneté, des critères qui ne soient pas quantitatifs mais qui prennent en compte les situations et les histoires individuelles, au niveau d'une entité restreinte, la commune, la ville ou la région. Car si on peut espérer qu'un jour la citoyenneté soit mondiale, c'est à dire la reconnaissance faite à tous les hommes de leur commune appartenance à la planète terre, rien ne nous empêche de commencer à imaginer une citoyenneté qui ne se comprenne pas dans le cadre de l'Etat-Nation, mais de la ville, du continent,...



Comment financer l'allocation universelle ?

Même si la redistribution de l'allocation universelle couplée à une réforme de l'Etat et de ses institutions se révélait être une "opération blanche", c'est-à-dire sans pertes pour les finances publiques, il sera nécessaire de déployer de grandes masses financières, car il s'agit dès le début, que le montant de l'allocation universelle soit suffisant pour vivre. Peut-être parait-il plus sage de commencer plus bas pour augmenter ensuite? Mais qui dit qu'une demi-mesure n'entraînerait pas un demi-échec et peut-être l'impossibilité ensuite de parvenir aux buts fixés? Si l'allocation universelle ne débute pas avec un montant significatif, cela veut dire que les autres aides fournies à l'heure actuelle devront continuer, donc des contrôles supplémentaires, une augmentation du personnel administratif plutôt que sa forte réduction, et donc un droit qui en définitive n'en est pas un, l'éloignement dans le temps d'une possible réorganisation de la société .

La gestion et l'attribution des ressources de l'Etat dépend des différentes forces en présence, de leur volonté et de leurs capacités respectives à se faire entendre. Le montant de ces ressources varie en fonction de leur utilisation. Elles peuvent s'accroître, si cela est nécessaire pour financer l'allocation universelle, certaines solutions doivent être envisagées, notamment l'imposition des bénéfices, la taxation des moyens financiers, la socialisation partielle ou complète des grosses entreprises.

Les ressources de l'Etat peuvent diminuer par le biais, d'une rationalisation de ses services -dans les domaines de la santé et du logement notamment-, d'une politique économique moins axée sur le clientélisme et davantage sur l'intérêt général, et bien d'autres choses encore auxquelles nous pouvons penser -et plus encore auxquelles nous ne pouvons pas- mais qu'il est difficile d'énoncer sans prendre quelques précautions préalables. La précaution essentielle est de se demander quelle société nous voulons. Il s'agira de définir le pourcentage des ressources que la communauté est prête à allouer pour elle-même, et pour quel usage, quels buts, et les moyens d'y arriver. Rien ne sert d'imposer des réflexions économicistes dont l'étrangeté nourrit l'incompréhension si chacun ne s'est pas posé au préalable cette question. Il ne s'agit pas d'éluder le problème, ni de reculer devant lui, il s'agit de faire coïncider désirable, nécessaire et possible.


VI. CONTRE-ARGUMENTATION



Imposer une contre-prestation

Du point de vue de l'idéologie sécuritaire, il est évident que le contrôle social des individus doit se faire toujours plus pointu, au fur et à mesure que la société devient plus complexe, peu importe qu'il viole la sphère privée et les droits élémentaires. La perte de contrôle est la grande peur de ceux qui mettent des lois entre eux et le monde, pour se protéger des hommes. Imposer une contre-prestation, c'est accepter la conditionnalité, la complexification de l'administration, c'est imposer un minimum de travail exigible, et ce faisant, prendre un double risque: celui de créer des emplois fictifs, destinés à occuper les gens au sens d'occuper leur temps, et celui du travail forcé.

Si la contre-prestation se substitue au travail salarié c'est que ce dernier est reconnu utile à l'économie et répond à la "loi" de l'offre et de la demande. Si ce n'est pas le cas, c'est la porte ouverte aux licenciements de travailleurs sous contrat pour les remplacer par des chômeurs, dans le cadre d'une contrepartie sociale, à moindre coûts.

Si la contre-prestation ne se substitue pas au travail salarié, c'est qu'il s'agit d'une activité considérée comme non-rentable, qui crée des richesses non mesurables, d'où l'Etat comme le marché sont absents, c'est-à-dire d'une activité pas ou faiblement rétribuée. C'est le type d'activités qui, si il semble souhaitable de les encourager, n'ont pas à être imposées, ce qui reviendrait à limiter leur champ, par définition infini, tout en imposant un contrôle arbitraire gênant et superflu.

Certains proposent dans un premier temps une contrepartie choisie à l'allocation universelle, pour toute personne sans emploi en âge de travailler, qui pourrait aussi bien être l'éducation des enfants, qu'une formation, de l'art ou du bénévolat, finalement ce que chacun désirera, pour rassurer ceux qui ont peur de financer des oisifs. Ses derniers devraient rapidement admettre que le coût de tels contrôles, ce qu'ils demandent en paperasserie et en intrusion dans la vie privée, pour quelques paresseux débusqués, est totalement disproportionné.



Effondrement d'une part de l'activité économique

L'allocation universelle entraînerait un bouleversement économique. Le relèvement général des salaires mettrait en péril nombre d'entreprises dans le secteur des services, alors même qu'une bonne part du chômage structurel a été absorbé par son développement. Ne créant pas de richesses à proprement parler, et soumises à la concurrence, les entreprises en question ne peuvent offrir des conditions salariales propres à l'époque moderne, et ne doivent leur existence qu'au chômage structurel (main-d'oeuvre) et à une bonne conjoncture (clientèle). Une rationalisation de l'économie impliquerait la fermeture ou la reconversion des entreprises non-viables.



Tiers-secteur, économie solidaire ou quaternaire

L'instauration d'une allocation universelle verrait sûrement l'émergence d'un nouveau secteur pour l'instant à l'état embryonnaire: le troisième secteur ou secteur quaternaire, qui regroupe tout un pan d'activités aujourd'hui abandonnées soit par l'Etat soit par l'économie de marché sous prétexte de non ou de peu de rentabilité, ou d'intérêt moindre pour la collectivité. Il s'agit d'une alternative mêlant à la fois public, privé et activités non lucratives. Que le tiers-secteur soit vu par certains comme une économie des pauvres n'empêche pas qu'il représente un puissant instrument de renforcement du lien social (autogestion) mêlant des individus de tous horizons, assurant d'une certaine qualité (critères de production écologiques, marché équitable), offrant un espace de communication, de soutien, de formation, d'animation,... et du temps.

L'idée n'est pas créer un secteur économique de qualité déficiente organisé par et pour les exclus, mais de reconnaître qu'il existe déjà, en marge du travail salarié, bon nombre d'activités qu'on peut dire "alternatives", qui se présentes sous différentes formes comme les associations à but non lucratif, les collectifs, les groupes militants, les partis, les syndicats, les petites troupes de théâtre, d'art, les échanges de savoir, de services et de biens, les SEL (systèmes d'échanges locaux),... L'ensemble de ces activités favorise la sociabilité, le soutien communautaire, le sentiment d'utilité, la valorisation de soi, la satisfaction dans l'action. Ce secteur ne fonctionne en principe pas d'une manière rigide et hiérarchisée mais plutôt démocratique, difficilement contrôlable, et qui refuserait, en toute légitimité, d'être mis sous tutelle. Autant chacun peut y trouver une place ou la créer, autant chacun est indispensable à la bonne marche du tout. Ne reposant pas sur le profit et la productivité, ayant peu de ressources financières, c'est le capital humain qui le détermine et décide de la valeur qu'il attribue aux richesses ainsi crées.



Désincitation au travail

"On ne peut pas donner un revenu à des gens qui volontairement ne travaillent pas, alors que d'autres se tuent au boulot."

D'abord, on permettra à ces derniers de refuser cette contrainte universellement établie, érigée en morale de l'effort, qui a transformé le sacrifice dans le travail en vertu. On ne peut accepter que des gens travaillent leur vie durant comme des fous pour un salaire moyen, voire de misère, pour se retrouver raides morts le jour de la retraite arrivant, ni pour contribuer -bien involontairement- à faire exploser plus encore les coûts de la santé. Le progrès est d'avoir remplacé les esclaves par des machines. Il ne s'agit point de se lamenter sur les effets négatifs qu'entraîne un monde qui s'écroule, mais de se réjouir du nouveau qui commence. On ne revient pas en arrière et c'est tant mieux, car voici venue la chance de se libérer de l'exploitation par le travail.

Les personnes qui délibérément refusent un emploi salarié ne font pas "rien". Ne rien faire est sans doute impossible à l'homme. Ce n'est pas sur le critère de l'homme au travail que nous pensons la citoyenneté. Être citoyen doit pouvoir se faire à l'intérieur du monde salarié comme hors de lui. Si ceux qui ne conçoivent pas la citoyenneté en dehors du travail se morfondent sur la déliquescence du lien social, il est compréhensible alors, que la seule solution logique qu'ils trouvent à ce vide soit le travail pour tous.



"Si tout le monde ne vivait plus qu'avec l'allocation universelle, il n'y aurait plus de travailleurs, la production des biens et services absolument nécessaires ne serait plus assurée, et le financement de l'allocation universelle ne serait pas viable."

Nous pouvons déjà déceler une information importante: il y aurait production de biens et services superflus. L'allocation universelle ne désincite pas, en soi, plus qu'auparavant aux tâches difficiles, elle donne la possibilité de les refuser quand de plus elles ne sont que très faiblement rémunérées. Elle permettra ce que les syndicats n'ont pas réussi à imposer: négocier sa force de travail, refuser l'exploitation sous la contrainte.

Quelles possibilités s'offrent à un chômeur de longue durée? La situation actuelle fait que le travail n'est guère attractif par rapport au non-travail. Il consiste le plus souvent dans ce qu'on appelle des "petits boulots", c'est-à-dire du temps partiel ou du travail sur appel, mal rémunéré, difficile et non valorisant, pour en fin de compte ne pas gagner beaucoup plus que l'allocation chômage ou le revenu minimum.

Nombreuses par contre, les personnes qui ont des activités non rémunérées, et néanmoins nécessaires, comme le travail domestique, l'éducation des enfants, le bénévolat,... Leur activité ne serait pas freinée par le fait de recevoir un revenu auquel elles n'avaient pas droit jusqu'à présent. Elles offraient leur temps, gratuitement, elles continueront, car la satisfaction n'est pas d'ordre pécuniaire.

Les gens qui connaissent une situation de travail satisfaisante, c'est-à-dire un emploi rétribué gratifiant, qui leur apporte du plaisir, n'auront aucune raison de s'arrêter même si leur salaire diminue, si ce n'est pour s'engager dans une activité autonome, baisser leurs temps de travail,... L'intérêt immédiat -et propre à l'allocation universelle- est de travailler moins tout en ayant autant, qu'un partage du travail s'effectue là où cela est possible et désiré. Et pour la majorité des travailleurs, celle qui fait si peur par sa possible défection? Où donc est ce si grand péril que nous nous infligerions à nous-mêmes par l'introduction de l'allocation universelle? Ce danger inavouable, cette secrète pensée qu'ont les opposants à l'allocation universelle en tête est le refus, par les travailleurs, des bas salaires pour les travaux difficiles et peu, voire pas gratifiants, la peur du manque de main d'oeuvre à bon marché, de l'arrogance d'un travailleur qui oserait dire non, du refus du chantage au licenciement par l'assurance de pouvoir finir le mois. La sécurité du revenu à la place de celle de l'emploi, a certainement de quoi calmer quelque peu les velléités irrespectueuses de certains employeurs.



"Il est immoral d'indemniser les fainéants."

Le monde a toujours compté en son sein un certain nombre de fainéants dont la définition de leur défaut a varié, qu'ils soient riches ou pauvres, à travers les temps. Si fainéant veut dire ne pas chercher activement à se faire exploiter, préférer une activité non salariée, car plus épanouissante, cela peut se comprendre. Si fainéant, c'est vivre de ses rentes ou refuser le travail salarié en tant que tel, c'est un combat politique, cela peut se comprendre également.

A moins que la nature humaine aspire à la passivité, pourquoi cette peur irrationnelle? Peur que l'idée si excessivement valorisée de l'homme en tant que travailleur se révèle -dans les faits- pure fiction? Que cette image de laquelle tout le reste découle -en premier lieu l'économie, la justice sociale, la politique et la propriété privée- s'effondre? Parce que l'on y croit pas soi-même? Parce que son propre travail est celui qu'on a choisi et qu'il correspond à nos désirs? Parce qu'on sait que nombreuses sont les tâches imposées à d'autres qu'on refuserait soi-même d'exécuter? Ou bien parce que l'on pense que le libre-choix d'une activité n'est possible que pour une certaine élite dont on exclu ceux qu'on appelle par ailleurs citoyens dans d'autres circonstances?


VII. SUR LE LIEN SOCIAL : REINVENTER LA CITOYENNETÉ



L'HOMME EST-IL CAPABLE DE CONNAÎTRE ET D'EXPRIMER SES DÉSIRS ?

L'allocation universelle représente une possibilité pour l'homme de s'autonomiser, ce n'est pas faire de lui un assisté, c'est au contraire admettre que jusqu'à présent peu ont eu le choix, choix qui devrait être naturel si on considère que l'homme est libre et capable de l'être. Le pouvons-nous? Pouvons-nous poser comme hypothèse de base que l'homme peut l'être? Y a-t-il le risque de transformer la société du travail en société d'indemnisation?

Un nouveau contrat social qui passerait par la dissociation entre le revenu et le travail salarié, c'est aussi la tentative de réconcilier l'économique, le politique et le social, la tentative d'une solidarité consciente et du libre épanouissement des potentiels de chacun. Jusqu'à présent ce sont les administrations publiques et privées qui on décidé de ce qu'était un travail utile, ça serait la possibilité donnée aux citoyens d'en décider eux-mêmes. Celui qui reçoit l'allocation universelle et qui décide de ne pas travailler doit se prendre en charge, il a à organiser son temps, c'est à dire sa vie. Il ne s'agit pas de donner de l'argent, et dire "débrouillez-vous avec ça", il s'agirait plutôt d'une infime partie d'un projet concernant chacun, un changement de perspective. Non seulement mieux répartir les richesses, mais également créer une nouvelle citoyenneté. Si l'autonomisation de l'homme par l'allocation universelle est autonomisation par rapport au travail salarié et au revenu, elle ne rend pas l'homme autonome pour autant. L'autonomie et l'agir collectif sont à inventer. Quoi de plus jouissif mais également de plus angoissant que de n'avoir pas de sens, ni de modèle à l'existence, préétabli?

L'argent comme l'Eglise ou l'Ecole sont les promesses d'un avenir radieux, l'aliénation du présent en vue de lendemains-qui-déchantent, au détriment de l'immédiat à construire, du possible ici et maintenant. Le temps, toujours réglé par autrui -Dieu, l'Etat, l'Economie-, il a toujours été le privilège de ceux qui ont plus que le minimum, de ceux dont les besoins vitaux sont assurés, qui sont débarrassés de la nécessité matérielle. La liberté pourrait être la plus grande découverte de l'Homme moderne.



ESPACE PUBLIC COMMUNICATIONNEL

L'individualisme démocratique, de par sa revendication d'autonomie et d'indépendance, porte en lui le germe de l'exclusion. La domination marchande a choisi comme lien social le moins contraignant: le lien utilitaire. Le pragmatisme a remplacé l'utopie, le travail aliénant est devenu épanouissant, la sociabilité des hommes a été niée, l'être ensemble dans l'espace public dévalorisé, au profit de la sphère privée et d'un individualisme exacerbé. S'il y a bien des être ensemble qui se constituent à petite échelle, il s'agit très souvent de défendre des intérêts corporatistes ou de créer des entre soi restreints -un petit nombre d'individus se reconnaissant dans un petit nombre de valeurs-, où autrui prend la forme du même, évitant ainsi toute confrontation avec l'Autre, celui qui dérange, qu'on évite, à défaut de pouvoir limiter sa liberté, comme lui ne peut limiter la mienne.

Les citoyens, une fois dessaisis de la volonté politique, se sentent dispensés d'agir et, parallèlement au rétrécissement de l'espace public, le désintérêt pour la chose publique s'accroît. Si la participation citoyenne exige des individus libres et affranchis du besoin, libérer le temps de travail ne veut pas dire l'investir automatiquement dans l'espace public, s'intéresser à la chose publique. Or si la citoyenneté se conçoit comme expression de la volonté générale, elle exige la participation contre la représentation, le passage d'une socialisation subie à une délibération active, consciente et réfléchie. Elle exige une communauté politique formée des citoyens, co-créateurs des règles permettant le vivre ensemble et définissant la société qu'ils désirent, et non un lobby de consommateurs qui se conforment sous la contrainte à des lois, des règles et des normes figées, nullement choisies.

Il s'agit d'inventer une nouvelle médiation entre liberté individuelle et liberté collective. Si on accepte de poser comme postulat -à une vie communautaire harmonieuse- la nécessité d'un équilibre entre l'ordre, l'utilité et le don, c'est afin de contrebalancer l'égoïsme de l'intérêt économique et individuel par l'affirmation du primat de la politique et de l'acte gratuit. La politique doit être le projet de l'autonomie, la liberté en devenir -celle de refuser de donner des ordres comme d'en recevoir-, le pouvoir de fondation, en actes et par tous.

La sphère politique n'est pas les loisirs. Les loisirs sont indissociables du travail, ce n'est pas sortir du processus vital, c'est encore être soumis à la nécessité, non plus celle de produire mais de consommer, de passer le temps. La politique, ce n'est pas dévorer le monde mais le rendre beau.



L'allocation universelle ne signifie pas la fin de l'enrichissement à outrance, du productivisme, de la spéculation, ni ne garantit des activités autonomes librement choisies par chacun.

L'allocation universelle n'est pas la panacée, elle ne résoudra bien évidemment pas tous les problèmes à elle seule, elle n'est pas le remède universel. Il importe d'émettre des priorités. Le problème n'est pas la création de richesses, mais sa redistribution, et le lien social. Le but n'est pas de gagner assez pour vivre mieux, mais de vivre mieux avec toujours moins d'argent nécessaire. Cela passe par une remise en question de l'ensemble du mode organisationnel de nos sociétés et en premier lieu de la production, de la surconsommation, du gaspillage et de la destruction de l'environnement. C'est par l'émulation des idées, la confrontation des points de vue, c'est finalement par des paroles et des actes que l'homme peut faire des choix. Proposer la fin de la domination et de la guerre par le partage, c'est prendre le risque de se faire traiter d'utopiste. Et pourtant, quand on voit les résultats de la gestion dite réaliste, ou pragmatique, des gouvernements en place, ne donne-t-elle pas à penser que ceux là mêmes qui nous gouvernent ne sont pas plus au fait des réalités qu'un aliéné dans un asile, sauf qu'à la différence des fous, ils sont dangereux? Objectivement, nous pourrions assurer les nécessités de base (par exemple: nourriture, vêtements, logement, transport, appareils domestiques, énergies renouvelables) à l'échelle mondiale, en utilisant tout ce que la technologie la plus avancée pourra mettre au service des hommes. Nous pourrions tous travailler à cette fin pendant un certain temps de notre vie et en être ensuite dispensé, tout en en étant assuré pour la vie entière, gratuitement. Il faudrait que chacun ait la possibilité d'accéder à la fois à toutes les activités humaines, qu'elles soient politiques, culturelles, productives ou privées, relationnelles ou individuelles. Réduire les activités inutiles, dégradantes et nuisibles au minimum. Comme entretenir et nettoyer sont des nécessités propres à la condition de l'homme, il cherchera sans doute à rendre ces tâches plus ludiques et en amont à ne pas créer de nuisances. Chacun pourrait participer aux tâches dont personne ne veut se charger, ou les rétribuer plus abondamment, alors même que les emplois les plus intéressants et les mieux rétribués seraient ramenés au salaire moyen. Un salaire mondial unique pourrait même être créé. On pourrait licencier tous les banquiers, les assureurs, les notaires, les huissiers, les rentiers, les chômeurs, les artistes et les spécialistes en tout, détruire les prisons, brûler les passeports, transformer les églises, décorer les maisons, faire jouer des orchestres dans les rues, éradiquer la monnaie, mais évidemment, cela irait à l'encontre de la liberté individuelle, celle notamment qui consiste à dominer autrui, à engranger du vide, à profiter des faibles et à valoriser le contingent, et c'est forcer le trait. Pourtant si les citoyens du monde se mettent d'accord sur des projets et que ceux qui auraient le pouvoir de les faire appliquer ne le font pas, alors il faudra bien se résoudre un jour à le prendre, ce pouvoir, pour aussitôt s'en désaisir, au profit de tous.



QU'EST-CE QUI A DE LA VALEUR ET QU'EST-CE QUI DONNE DU SENS ?

Vertigineux. En partant d'un fait social -le chômage-, en cherchant à redistribuer les richesses -par le biais de l'allocation universelle-, c'est le monde dans sa totalité qui nous apparaît dans sa subjectivité. La tâche à laquelle chacun est appelé à s'atteler a été celle des premiers constitutionnalistes, comme des premiers chrétiens, plus loin encore de nous dans le temps, celle des philosophes antiques, celle de toutes les civilisations: chercher une définition à l'homme et au gouvernement des hommes, se demander sur quoi repose une société, quelle est la finalité qu'on lui assigne, qu'est-ce qui fait le lien social et finalement, répondre au sens de l'existence. La religion comme les idéologies ont échoué à penser et rendre compte de ce que doit et peut être l'être ensemble, il sera ce que nous serons capable d'en faire. Utopie ou nécessité malheureuse? Il n'en reste pas moins que lorsque c'est un monde qui s'écroule, les hommes doivent trouver de nouvelles réponses, des réponses de leur temps, leurs réponses.



Mademoiselle C , janvier 2000




Quelques lectures

* ARENDT H., Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, 1988.

* COLLECTIF, "Par où la sortie ?", Temps critiques , Les éditions de l'impliqué, Montpellier, automne 1996.

* FERRY J.-M., L'allocation universelle. Pour un revenu de citoyenneté , Cerf, 1995.

* HUNYADI M. et MÄNZ M. (sous la direction de), Le travail refiguré , Georg, Genève, 1998.

* MAUSS, Vers un revenu minimum inconditionnel ? , la revue du MAUSS semestrielle, La Découverte, Paris, 1er semestre 1996.

* MéDA D., Le travail. Une valeur en voie de disparition , Aubier, Paris, 1995.

* RIFKIN J., La fin du travail , La Découverte, Paris, 1996.

* VAN PARIJS P., Qu'est-ce qu'une société juste? , Seuil, 1991.
Ecrit par rokakpuos, à 06:39 dans la rubrique "Economie".



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