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Notes & Morceaux Choisis n°7

Contrairement aux précédents numéros (1), dont j’avais assumé à peu près seul la rédaction, le numéro sept de Notes & Morceaux choisis réunit différents auteurs. En outre, son format et sa mise en page le rapprochent d’une revue promise à une plus large diffusion, et à un nouveau public. Il me semble donc opportun de revenir rapidement sur les origines et les buts de cette publication.
Notes & Morceaux Choisis est né en 1998, au moment où le mouvement des chômeurs de Paris (Assemblée de Jussieu) opérait une éphémère liaison avec le mouvement anti-OGM, qui, sous le « parapluie » de la Confédération paysanne, avait réalisé les premières destructions de maïs génétiquement modifié. Les deux premiers numéros Ð alors simples « feuilles » de quelques pages photocopiées à une centaine d’exemplaires et distribuées gratuitement de la main à la main Ð, ne prétendaient pas nécessairement avoir de suite (2) ; ils évoquaient un certain nombre de thèmes (la destruction de l’autonomie du vivant par les OGM et le scientisme ambiant, et l’éthique de la peur qui paralyse l’imagination et la critique) portés par l’actualité et auxquels mon parcours m’avait rendu attentif. Ayant fait quelques années auparavant l’expérience du dogmatisme, du conformisme et, pour tout dire, du néant de sa pensée de l’enseignement des sciences à l’université, je venais d’abandonner mes études officielles en la matière pour les poursuivre officieusement à ma manière, si bien que le moment me semblait opportun pour articuler la critique sociale et la critique scientifique.

La fraction radicale du mouvement d’opposition aux OGM s’étant par la suite en partie définie comme « anti-industrielle » (3), avec l’ambition de relancer la critique sociale en mettant au jour le rôle jusque-là trop négligé de la technologie et de la technoscience dans l’aliénation moderne, les numéros trois (4), quatre et cinq Ð ce dernier prenant le sous-titre de Bulletin critique des sciences, des technologies et de la société industrielle Ð se sont donné pour but d’alimenter ce débat en l’ouvrant à l’histoire et à l’analyse du rôle des sciences et des techniques.

Parue en 2003, la brochure Quelques éléments d’une critique de la société industrielle a tenté quant à elle de préciser la démarche de réappropriation des arts, des sciences et des métiers dans laquelle des amis et moi-même étions engagés depuis plusieurs années. Nous pensons que la critique de la société industrielle, aussi pertinente soit-elle, ne peut espérer aboutir Ð voire simplement sortir du cercle des convaincus Ð si elle ne s’efforce pas de dégager quelques issues hors du système de faux besoins et des mécanismes d’enrôlement du monde actuel. Il fallait nous donner à plus ou moins long terme les moyens de sortir d’une situation d’isolement, où chacun se contentait de bricoler dans son coin des solutions individuelles certes réconfortantes, mais stérilisantes pour la pensée politique (voir en particulier dans le numéro présent l’article « La décroissance, l’économie et l’état »). Malgré ses insuffisances et ses défauts, cette brochure nous a permis de rencontrer des personnes partageant plus ou moins explicitement ces idées, et d’autres ouvertement partisanes d’un démantèlement raisonné du système industriel et d’une relocalisation de la production. Les échanges que nous avons eus avec les unes et les autres vaudront à ce texte d’être prochainement clarifié sur certains points et enrichi de nouveaux thèmes et arguments.

Le numéro six, La menuiserie et l’ébénisterie à l’époque de la production industrielle, illustre à partir de mon expérience de menuisier la démarche de réappropriation et les obstacles qu’elle rencontre aujourd’hui. La transformation du métier sous l’effet des nouveaux matériaux (les dérivés industriels du bois) et des machines ad hoc invitait à examiner de plus près les conséquences de la mécanisation du travail et de l’automatisation de la production. Or, en cernant les limites au-delà desquelles ces savoir-faire sont « réduits à n’être plus que des suites d’opérations matérielles des plus vulgaires », il nous est apparu que le problème était non pas que la production soit industrielle Ð aucun mode de production n’est en soi aliénant ou libérateur, il le devient avec l’évolution sociohistorique Ð, mais que toute production tend à devenir industrielle au détriment des capacités de production autonome et diversifiée des individus et des communautés. La production concentrée de grandes quantités de biens tend, en raison des contraintes économiques et techniques qui lui sont propres, à se constituer « naturellement » en un système industriel dont la démesure et la complexité rendent difficile toute redéfinition de ses productions et toute réorientation de ses buts. Sans parler du fait qu’une grande partie de cette machinerie détruit des ressources naturelles et les conditions des activités autonomes par le fait même qu’elle produit des « biens » inutiles et nocifs. C’est dire que la désindustrialisation nécessaire au desserrement des contraintes économiques et techniques qui pèsent aujourd’hui sur les conditions de la vie n’a pas grand-chose à voir avec celle qui résulte des délocalisations, celles-ci ne faisant que porter le problème ailleurs en le rendant encore plus insaisissable ici.

Il s’agissait donc de s’opposer, d’abord en les critiquant, à l’envahissement de tous les aspects de la vie sociale et individuelle par les produits industriels, et à la colonisation de toutes les activités par les machines, autrement dit à la transformation de l’organisation sociale en une société industrielle où les rapports sociaux sont régis par l’expansion indéfinie de la production et ses impératifs économiques et techniques. à cet égard, saisir, comme le font les deux articles sur les états-Unis dans ce numéro, les circonstances sociohistoriques des ruptures qui ont rendu l’appareil industriel de moins en moins maîtrisable et réappropriable, peut aider à dresser « l’inventaire exact de ce qui, dans les immenses moyens accumulés, pourrait servir à une vie plus libre, et de ce qui ne pourra jamais servir qu’à la perpétuation de l’oppression (5) », sachant que la disparition du mouvement ouvrier et de son projet d’émancipation dans la seconde moitié du xxe siècle s’explique en grande partie par de tels changements technico-économiques.

Ce regard critique sur la technique n’a pas manqué de susciter de la part de certains, furieux que soit mis en cause le caractère forcément émancipateur de « l’accroissement des forces productives » et par là leur foi dans le progrès, l’accusation inepte de « technophobie ». Si, dans certains textes, a été mise en avant, de manière volontairement provocatrice, la nécessité d’un retour en arrière au plan technique et économique, ce n’était certes pas pour prôner un retour à la fabrication entièrement à la main ni glorifier l’artisanat comme seul mode de production libérateur Ð quoique l’utopie imaginée par William Morris dans son roman Nouvelles de nulle part (1890) recueille notre sympathie. Pour être produits de manière efficace, économes en énergie humaine et en ressources naturelles, les métaux dont sont faits les outils, certains outils eux-mêmes et les machines-outils, par exemple, nécessitent assurément une organisation industrielle minimale. Mais en attendant qu’un mouvement politique conséquent s’attelle à une rappropriation à cette échelle (ce qui n’est, hélas, pas pour demain), il faut bien commencer par ce qui est à notre portée, par ce que nous avons, littéralement, sous la main, c’est-à-dire une activité de type artisanal n’excluant nullement l’usage ni même la production de machines. La maîtrise des activités de base est une condition nécessaire pour la maîtrise collective d’activités élargies, même si, pour l’instant, elle sert avant tout à susciter des rencontres, à développer des formes d’entraide et de coopération, et, autour de ces tâches pratiques, à alimenter nombre de discussions « théoriques » ou « politiques » entre tous ceux qui cherchent à se désengager du cadre social dominant.

C’est l’approche que nous entendons privilégier ici : une réflexion et des analyses enracinées dans la pratique, nourries par l’histoire de l’activité humaine concrète, et soucieuses des conditions dans lesquelles la liberté et l’autonomie peuvent trouver leurs points d’articulation. C’est un fait : bien que la liberté soit encore la principale revendication politique, sous prétexte d’en établir le règne absolu elle a été vidée de son contenu, au point que nous en sommes aujourd’hui réduits à une liberté sans autonomie. La « liberté du commerce et de l’industrie », le « marché libre et autorégulateur » ou, plus récemment, la « concurrence libre et non faussée », dissimulent mal l’assujettissement accru des individus à des organisations économiques et techniques de plus en plus vastes, complexes et puissantes, dont la forme la plus aboutie est l’état en charge d’encadrer, d’aménager et systématiser la dépossession engendrée par l’économie capitaliste. Parallèlement, faute de pouvoir s’ancrer dans des activités et des espaces communs, les antiques solidarités, les diverses formes de coopération, de communautés, bref, tout ce qui différenciait les sociétés d’un simple agrégat d’individus, tend à disparaître ou à être folklorisé.

En se donnant pour but de populariser certaines analyses, réflexions et recherches sur le monde moderne, Notes & Morceaux choisis ne cherche pas à élaborer une idéologie ou une théorie critique nouvelle, moins encore à faire de la vulgarisation, mais plutôt à « comprendre dans quelle sorte de monde nous vivons » (George Orwell). Une telle exploration contraint à varier les points de vue et à formuler à nouveau des idées exprimées ailleurs, en d’autres temps et en d’autres termes. Ce qui permet de les actualiser et de les alléger de la masse des présupposés (des « cela va sans dire ») qui se greffent toujours sur des analyses issues de longues recherches. à une époque où le plus élémentaire devient de moins en moins évident, une telle volonté d’élucidation nous semble être la condition du renouvellement du débat public et des activités politiques.

 

Dans ce numéro, nous revenons sur l’histoire méconnue des états-Unis avec deux auteurs, Alfred Chandler et Christopher Lasch, qui dans des styles tout à fait opposés éclairent de manière convergente la société américaine du XIXe siècle. Chacun à sa façon, l’historien de l’économie et l’historien du peuple et des idées suggèrent combien leur pays a été profondément bouleversé par l’émergence des grandes entreprises, la banalisation du salariat et la défaite des courants politiques qui s’opposaient à la réduction du mode de vie américain à un consumérisme de masse. On pourra seulement regretter que dans les ouvrages de C. Lasch ici recensés, il ne soit jamais question du génocide des Indiens, dimension pourtant incontournable de l’histoire « populaire » des états-Unis (6). Le troisième article adresse des critiques de base aux promoteurs de la décroissance, dont les idées, qui sur certains points pourraient sembler proches des nôtres, attirent bon nombre de ceux qui ne se reconnaissent plus dans le spectacle politique classique et cherchent à construire sur d’autres bases leur réflexion et leur activité politique. Passée la polémique (quoique ce ne soit pas la matière qui manque : lire infra « La décroissance, journal de l’ordre »), il s’agit bien plutôt de mettre au jour les insuffisances d’une critique qui a su ces derniers temps se donner une certaine publicité Ð dans tous les sens du terme Ð, et de faire apparaître les limites d’un discours qui fait litière de la réflexion politique au profit des aspects économiques et techniques (la croissance, la consommation et le pétrole). Comme nous le montre si bien ATTAC, il ne suffit pas de prendre le contre-pied du discours dominant pour aboutir à quelque chose de juste…

Enfin, en Morceau choisi, le lecteur trouvera un texte écrit vers 1848 par un menuisier saint-simonien employé au chemin de fer de Lyon (7). Dans la période récente, certains scientistes ont raillé les craintes et les critiques suscitées par le nucléaire ou les OGM en les comparant à celles qui s’étaient exprimées lors de la naissance du train au XIXe siècle. La méfiance qu’avait manifestée à l’égard du progrès ferroviaire « une fraction de la classe dominante restée oisive et qui, par ses goûts et sa sensibilité, était attachée aux anciens plaisirs du voyage (8) » est généralement rangée au rayon des protestations romantiques ou aristocratiques, bref, réactionnaires.

Bien qu’il rejoigne une même condamnation sans appel, le point de vue ici exposé sur le chemin de fer ne prête aucunement le flanc au mépris ni à la moquerie. Louis-Gabriel Gauny ne dénonce pas seulement l’exploitation, la sujétion et l’abrutissement propres aux grandes organisations industrielles du XIXe siècle : se souvenant de son indépendance, des goûts et de la sensibilité qu’il avait développés grâce à son ancien métier, il juge durement la nature et les buts mêmes du chemin de fer, constate sa nocivité au plan économique, social, écologique, et imagine une organisation du travail fondée sur l’association et non plus sur la contrainte salariale et la compétition économique. Un ralentissement du rythme de la vie sociale, ajoute-t-il, rendrait caduque la nécessité de se déplacer à grande vitesse et nous épargnerait les gaspillages et les saccages qui vont avec.

à l’heure où, soutenus par la technocratie européenne et faisant fi de l’opposition déterminée des populations locales du côté italien, les états français et italien tentent de faire passer la ligne de TGV Lyon-Turin (9) à travers les vallées et les cols alpins, on peut mesurer la profondeur des vues de Gauny et celle de l’impasse à laquelle nous sommes acculés : notre vie quotidienne est toujours plus étroitement dépendante de la circulation des marchandises, dont l’accélération détruit les conditions d’une vie libre, par la production de déchets nucléaires ou par l’aménagement du territoire à grand renfort de bétonnage, de quadrillage et de mise en valeur économique.

Contrairement à certains organismes internationaux, nous pensons que le problème le plus urgent à combattre aujourd’hui n’est pas la misère, mais l’esclavage (cf. l’encadré à la suite l’article sur Christopher Lasch) dû à la domination de l’économie et de la technique sur nos vies.

Bertrand Louart — octobre 2006.


1. Voir à la fin de ce volume la liste et les sommaires des numéros disponibles de Notes & Morceaux choisis.

2. Disponibles sur <http://netmc.9online.fr>.

3. Cf. le manifeste de Théodore John Kaczynski, La société industrielle et son avenir, 1996 (Paris, éditions de L’Encyclopédie des Nuisances, 1998), les livres de René Riesel parus aux éditions de l’Encyclopédie des Nuisances ainsi qu’In extremis, Bulletin de liaison anti-industriel (trois numéros parus entre 2001 et 2002, copies disponibles sur demande).

4. Ce numéro a fait l’objet d’une réédition revue et augmentée de quelques textes rédigés à la même époque.

5. Revue Encyclopédie des Nuisances, n°1, novembre 1984.

6. Le racisme et l’hostilité dont les Occidentaux en particulier firent preuve au XIXe siècle à l’égard de peuples aux mœurs trop différentes, allant jusqu’à justifier leur attitude en la théorisant scientifiquement, font l’objet d’études spécifiques et approfondies dont nous ne pouvons que conseiller vivement la lecture. Voir notamment Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes, Paris, Le serpent à plumes, 1998 ; André Pichot, La société pure, de Darwin à Hitler, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1998.

7. Ce texte est tiré du recueil publié par Jacques Rancière, Le philosophe plébéien. Louis-Gabriel Gauny, Paris, PUV / La Découverte, 1983.

8. Alliance pour l’opposition à toutes les nuisances, Relevé provisoire de nos griefs contre le despotisme de la vitesse à l’occasion de l’extension des lignes du TGV, 1991 (éditions de L’Encyclopédie des Nuisances, 1998).

9. Voir le tract À toute allure. La lutte du Val de Susa contre le TGV Lyon-Turin, disponible sur demande à Notes & Morceaux choisis.

Bulletin n°7 - décembre 2006

Les chemins de fer ou la liberté ?

Editorial
par Bertrand Louart. [html, 21 Ko]

Les États-Unis avant la grande industrie
Remarques sur La main visible des managers d’Alfred Chandler
par Matthieu Amiech.

Raison et démocratie chez Christopher Lasch
par Julien Mattern.

La décroissance, l’Économie et l’État
par Catherine Tarral.

Morceau Choisi :
Les chemins de fer par Louis-Gabriel Gauny, 1840.

  • Référendum d’un jour, plébiscite quotidien.
  • Ceci n’est pas une fête.
  • Appel de Raspail. [html, 6 Ko; pdf, 73 Ko]
  • La Décroissance, le journal de l’ordre. [html, 21 Ko]
  • A propos du lamellé collé.

Bulletin 13 x 21 cm, 160 pages, 5 illustrations, 10,00 euros.
Disponible aux éditions de la Lenteur
127, rue Amelot - 75011 Paris.

Ecrit par libertad, à 18:30 dans la rubrique "Actualité".



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