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L'En Dehors


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Cette société qui a peur de ses enfants
Entre 1851 et 1852, Charles Fourier consacre plusieurs manuscrits à l'enfance et l'éducation harmonieuse. En 2006; face à « une société malade de son enfance, souffrant de ses voyous, ses sauvages (ou sauvageons) cette engeance qu'elle a créée et en laquelle elle ne se reconnaît plus », après l'épisode dit cc des banlieues » et les projets de lois répressifs pour maîtriser en amont la révolte de la jeunesse (voir l'article .cr Alertez les bébés », de Maurice Rajsfus, paru dans le Monde libertaire n° 1429), le hilosophe René Schérer a décidé de réunir et présenter un ouvrage quelques textes de l'utopiste du XVllle siècle(1). lecture rafraîchissante.

LORSQUE RENÉ SCHÉRER nous fit parvenir son ouvrage, je me dis, voici une énième version
rur l'éducation de l'enfant, un sujet galvaudé et délavé par les trop rigides écrits de Rousseau ou, plus proche de nous, d'une Françoise Dolto. Bref, je ne me précipitais pas, mais connaissant René, je finis par l'ouvrir et quelle fut ma surprise, après l'introduction du philosophe,' de découvrir ces lignes écrites il y cent cinquante ans. On entre dans un rêve harmonieux, qu'on n'oserait plus concevoir de nos jours sans se faire immédiatement traiter d'angéliste.
Déjà, aujourd'hui, penser une société meilleure paraît suspect ; alors, un système destiné à l'éveil des sens des enfants pour les conduire à l'attraction passionnée! En avertissement, il faut tout de même rappeler que ces textes ont été écrits il y a fort longtemps, d'où certaines références peuvent paraître désuètes au lecteur contemporain, ou désagréables aux anarchistes purs et durs et antireligieux que nous sommes beaucoup, se méfiant des systèmes carrés. Il ne s'agit pas pour Fourier de réinventer un monde sans Dieu ni maître, mais plutôt d'imaginer un système non contraignant fondé sur la spontanéité, la liberté de connaître, le tout empreint d'un humour coercitif que d'aucuns pourraient prendre pour de la naïveté. Un monde sans père et sans maître, en quelque sorte.
L'enfant ne naît pas vicieux et méchant, il le devient!
Dans son introduction, René Schérer nous rappelle que pour Charles Fourier la frénésie de destruction chez l'enfant n'a rien de « naturelle », mais qu'elle est propre à l'homme. Contrairement à un Rousseau qui considère l'entrée en société comme dépravante et que seul l'homme solitaire peut être bon, Fourier ne peut concevoir un homme, un enfant, qui ne soit pas d'emblée social et ne tende spontanément à former des groupes, au sein desquels les passions peuvent être contrariées ou ,à l'inverse, prendre leur plein essor. L'enfant n'est fait ni pour la famille ni pour la socialisation scolaire que la « civilisation » lui impose, avec l'assujettissement à l'autorité d'un maître unique, dans une relation unilatérale et verticale. Schérer nous fait entrer, en proposant ce choix de textes, dans l'enfance par une autre porte, celle de la socialisation immédiate, antipédagogique.
Autrement dit, les pulsions d'égoïsme, le .culte du moi, la recherche obsessionnelle de l'identité, de l'identification que l'on veut implanter en tout enfant, foyer. égoïste de toute éducation civilisée, se déplacent vers un autre centre, un autre foyer nommé « unitéisme ».
Dès le début du livre, Fourier insiste, en effet, sur la motivation de l'enfant, susceptible de vouloir apprendre, par exemple, en instaurant la suprématie des travaux manuels sur ceux intellectuels ou par l'action jointe 'de l'affectivité à l'intelligence; l'inverse, somme toute, de l'apprentissage de la concurrence hargneuse pour atteindre les premières places. « L'attraction passionnée » de l'enfant vers ses camarades et son groupe en est l'antidote et se ' distingue alors de la civilisation, de ses institutions, avec chefs; et petits chefs qui ne savent que régenter, contraindre et punir, surveiller, pour faite régner l'ordre. En revanche, le groupe placé dans une « série » de groupes(2) produit l'ordre spontanément, de son seul effet, car il « attiré ».

Ni enfant de la famille, ni de parents, ni de l'école

Trois espaces trop réducteurs et trop souvent matérialisés, en cas de déviance par le relais du psychiatre, de l'éducateur, du juge et en bout de course: du policier., L'enfant n'est pas non plus « à problèmes » , « un caractériel à soumettre au psychologue pour le rallier à un ordre avec lequel il est en conflit, mais il est traité comme un être humain à part entière, un être dont les impulsions, les passions, les rébellions ont, au contraire, raison contre l'ordre subversif de la civilisation "voulue par dieu". Pour Fourier, il n'existe aucune minorité juridique ni sociale de l'enfance, c'est-àdire, une, minorité impliquant une prise en main, une mainmise K mancipium » qui est au fondement même de la conception éducative civilisée. Mineur, l'enfant jouit de capacités moindres et de moindre droit. Les seuls qu'il possède dépendent de l'adulte. En revanche, dans l'éducation harmonieuse, il n'y a pas de barrières en ce qui concerne les fonctions « industrielle » et « civique » , si ce n'est toutefois celle, naturelle, de la puberté. L'enfant n'est pas soumis pour son éducation à l'autorité de l'adulte, on peut donc penser le mode sociétaire comme l'utopie d'une enfance qui serait à la fois autonome et pleinement enfantine. Plus proche de nous, Michel Foucault étudie, également, l'installation de la société disciplinaire avec une « pédagogisation » de l'enfant qu'il compare aux processus identiques.(3)

L'éducation harmonieuse la pratique avant la théorie

Pour ce qui concerne l'enfant au travail, ce concept, qui enchantait Karl Marx et une partie du mouvement ouvrier du XIXe siècle, soucieux de ne pas isoler les enfants des usines, ne se retrouve en aucune sorte chez Fourier, dont l'utopie se situe « aux antipodes du .travail contraint et répugnant pour l'enfant ». À ce sujet, Schérer rappelle que: « pour nous qui réfléchissons aujourd'hui sur l'utopie de Fourier, il est impossible de négliger que la mise de l'enfant à l'école, sa pédagogisation, sa scolarisation intégrales ne furent pas toujours une évidence progressiste. Il fut un temps où Fourier pouvait faire basculer le système de l'enfance dans une direction toute différente de la nôtre ». Pour résumer les buts de l'éducation naturelle ou harmonique, Fourier n'emploie d'autres stimulants que les passions de l'enfant, principalement la gourmandise. L'éducation harmonieuse varie à l'infini les initiations données à l'enfant; elles ne roulent que sur des plaisirs dans les séries passionnées. Rien qui, comme en « civilisation. », ne rebute l'enfant comme le « devoir » ou le « labeur ».

Quelques bijoux choisis dans le texte en toute partialité

« On attribue à la grande majorité des pères et mères des "vertus et vices", aù sujet de l'éducation des petits enfants et l'on démontre que celles qui dédaignent le soin des marmots sont des vicieuses [...] mais, les 7/8 des pères sont obligés d'entendre jour et nuit lés cris des enfants et perdent patience. La mère répond qu'on a bien supporté les cris du père quand il était au berceau. Cela ne persuade pas le père, il s'enfuit au café pour échapper à ce charivari perpétuel [...]. Le zèle pour le soin des marmots n'est point une vertu, pour une femme non plus, quoi qu'en dise certaine gravure de 1798, c'est -un penchant, un goût que la nature a distribué dans une proportion qu'il faut respecter. »

« L'enfant de 2 ans veut toucher, déplacer, retourner, gâter, briser tout ce qu'il voit, aussi le tient-on à l'écart dans une pièce démeublée. Or,.ce vice apparent est le moyen qu'emploie la nature pour faire éclore et discerner les vocations "industrielles" [...]. Un des principaux avantages de l'éducation harmonienne est de neutraliser l'influence des pères qui ne peut que retarder et pervertir l'enfance [...]. Le véritable instituteur de l'enfant, le ressort qui seul peut faire naître chez lui le feu sacré, c'est une' compagnie d'autres enfants plus âgés de six- mois où d'un an, exerçant sur lui l'influence du charme corporatif, de là naît la subordination passionnée des enfants. »

« On voit dans certains pays, comme Constantinople, où la pluralité des langues est nécessaire, beaucoup de petits enfants du peuple élevés pratiquement à deux ou trois langues et leurs facultés intellectuelles ne sont aucunement fatiguées, parce que l'attraction chez les bambins se prête à ce genre d'études. »

La civilisation ne conduit l'enfant que dans des fonctions inutiles, ou nuisibles à autrui et dangereuses pour lui. Les enfants de 9 à 10 ans étaient chez leur père, à la ville et au village, obligés dé travailler sans nul avantage, tandis qu'avec l'harmonie ils trouveront tous les charmes imaginables réunis. à un bénéfice, comme les petits outils miniatures, etc. Les enfants ne craignent pas le travail quand la passion les stimule [...]. On ne fera plus un devoir d'aimer le travail quand celui-ci sera aimable et transformé en plaisir et on reconnaîtra que la civilisation, avec son cortège de devoirs, n'était qu'une galère politique faite pour torturer et ennuyer le genre humain [...]. Si un homme trouve sa vocation après l'avoir manquée pendant la moitié de sa vie, on' l'y abreuve bientôt de dégoût par la modicité des salaires, la continuité et l'uniformité. Son émulation est usée en peu de temps. »
No comment!

Patrik Schindler
groupe claaaaaash@federation-anarchiste.org

1. Charles Fourier, Vers une enfance majeure, textes sur l'éducation réunis et présentés par René Schérer, éditions La Fabrique, 15 euros, disponible à la librairie Publico, 145, rue Amelot, 75011 Paris.
2. Les séries sont déterminées (et très segmentées) selon l'âge des enfants en bas âge jusqu'à la post-puberté.
3. Le Pouvoir psychiatrique, Michel Foucault, cours du Collège de France,, éd. du Seuil, Paris, 1973.

Le Monde libertaire hors-série n°30 du 13 juillet au 14septembre 2006

Sur René Schérer lire sa bio sur Multitudes

Ecrit par libertad, à 12:40 dans la rubrique "Pour comprendre".



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