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« Palestine - Israël :En dehors de la barrière- interview avec trois membres des Anarchistes contre le mur.

lu sur cnt-ait. : " La barrière de séparation enferme toujours plus de villages palestiniens. Leurs habitants sont coupés de leurs sources de subsistances. Certains israéliens ont décidé de ne pas rester silencieux. Matan Cohen a perdu un œil à cause de cela. Shai Karmeli-Polak a laissé tomber pour cela une carrière prometteuse. Leila Mosinzon s’apprête à aller en prison pour son engagement, le mois prochain. La barrière de séparation est devenue leur obsession. Qu’y a t-il dans ce mur, destiné à séparer les israéliens des palestiniens, qui amène de jeunes gens à abandonner leur vie de bourgeois bien nourris pour prendre des gaz lacrymogènes en pleine face chaque vendredi soir ? C’est simple : la frontière intérieure ...

Par Asafa Peled - Yedioth Aharonot 14/04/2006

Depuis longtemps, des douzaines de villageois - enfants, jeunes et adultes - attendaient à l’entrée du bâtiment du conseil municipal de Beit Sira. Déjà très excités, leur enthousiasme explosa quand la voiture s’arrêta devant la porte. Il en sortit un garçon de 17 ans, à la démarche légèrement maladroite et portant des lunettes de soleil qui lui donnaient une allure de lycéen typique de Tel Aviv. La foule l’entoura immédiatement, des lumières dans les yeux. Une queue se forma car chacun voulait lui serrer la main. Le garçon, habillé en jeans et baskets, semblait plutôt embarrassé par cette réception très chaleureuse : « Tu as donné ton œil pour notre lutte » dit l’un des chefs du village à Matan Cohen. « Tu as risqué ta vie pour permettre qu’on entende notre voix. Si c’était possible, chacun d’entre nous aurait échangé son bon œil pour celui qu’on t’a détruit ».

C’était la première visite de Matan Cohen au village après qu’il ait été sévèrement blessé à l’œil par une balle en caoutchouc, tirée par un soldat des Gardes frontières un mois et demi auparavant, pendant une manifestation contre la barrière. Cohen a déjà subi deux opérations et sa vue est très limitée. Il faudra attendre encore plusieurs mois pour savoir s’il retrouvera la vision de son œil endommagé. En attendant, la lumière du soleil lui est douloureuse et il plisse les yeux constamment.

Immédiatement après les faits, la presse palestinienne avait publié la photo du visage en sang de Cohen en indiquant « un activiste de la paix israélien a été blessé d’une balle tirée dans l’œil pendant une manifestation contre la barrière ». « C’est très émouvant de voir la réaction des habitants du village, et tous les enfants qui attendaient mon arrivée. », déclara Cohen. « En ce qui me concerne, cette chaleur humaine, le fait que nous soyons tous ensemble, est la plus grande réussite de ma lutte. Plus qu’une lutte contre le mur physique et les milliers d’hectares qu’il spolie aux palestiniens, la vraie lutte est celle contre le mur mental ».

La manifestation au cours de laquelle Cohen fut blessé, le 24 février dernier, avait lieu dans le cadre des manifestations organisées chaque vendredi soir par des comités locaux, dans différentes zones de Gaza, le long de la route de la barrière. Les organisateurs sont parfois appelés les « Gandhis palestiniens », du fait de leurs manifestations non-armées.

Chaque semaine, depuis le début de la construction de la barrière, il y a un rituel régulier : après la prière du vendredi, tous les habitants du village quittent la mosquée, en compagnie des activistes israéliens des « Anarchistes contre le mur » et de sympathisants étrangers, et se mettent en route vers la barrière qui entoure le village.

L’armée israélienne a déclaré cette zone - qui inclut une grande part des terres du village - zone militaire fermée. Le cortège avance. Certains chantent, d’autres font des discours, d’autres encore font une sorte de théâtre de rue qui change toutes les semaines.

Les soldats et les gardes frontières forment un cordon et attendent les manifestants, pour les empêcher d’atteindre les environs de la barrière. Les manifestants, eux, essayent de l’atteindre de toutes les manières. Il y a de nombreux photographes, et quasiment chaque seconde est enregistré. La manifestation se veut non violente. Ce matériel pourra être utile après coup, pour défendre en justice ceux qui seraient accusés d’attaques contre les soldats.

Le soleil est accablant, les nuages de poussière montent haut. Les manifestants crient « Soldats, rentrez chez vous ! ». Ceux-ci répondent en repoussant les manifestants. Il y a des bousculades, des cris, des injures. Mais bientôt, des grenades fumigènes et des grenades explosives sont tirées par les soldats, ainsi que des balles en caoutchouc. Les manifestants s’éparpillent, en lançant des slogans aux soldats : « Partez ! Ici ce sont nos maisons ! », « Voleurs ! », « Ne tirez pas ! ». Certains manifestants sont blessés, d’autres sont arrêtés et emmenés dans des véhicules militaires garés derrière la barrière. Les évènements durent ainsi plusieurs heures avant que tout le monde ne se disperse.

« La manifestation était en fait déjà finie quand ils m’ont tiré dessus », raconte Cohen. « Nous nous trouvions avec trois autres activistes israéliens, assez loin des soldats. Je leur ai crié de ne pas tirer, mais l’un d’eux a pointé son fusil sur moi et m’a tiré directement dans l’œil. » Sur les photos et les vidéos de ce jour, Cohen semble effrayé. On le voit saignant et hurler pour appeler une ambulance, entre ses amis activistes et les soldats qui venaient juste de le blesser et qui essayaient de l’aider. Finalement, une ambulance palestinienne l’emmena jusqu’au check-point de l’armée où il fut transféré dans une ambulance israélienne et emmené à l’hôpital.

Il n’est toujours pas calme. « Bien sur que j’ai peur » dit-il. Il raconte d’autres cas, durant les trois années où il a participé aux protestations pendant lesquelles des soldats tiraient sur des civils désarmés. Des centaines on été blessés et une dizaine tués.

-   Etais-tu prêt à sacrifier ton œil pour la lutte contre la barrière ?
-   « Je ne pense pas que si quelqu’un m’avait dit que je serai blessé comme ça, j’aurai été à la manifestation. Mais le risque d’être blessé ou tué plane toujours au dessus de la tête de tout le monde. En ce qui me concerne, je continuerai à aller aux manifestations non-violentes, car il n’y a pas d’autres choix. La barrière laisse des gens complètement démunis, dans un total désespoir. Continuer la lutte est vital pour montrer que - même s’ils utilisent la violence quotidienne pour briser la lutte - ils n’y arriveront pas et ne nous feront pas taire. Je crois que les protestations non-violentes ont beaucoup plus de pouvoir que l’oppression violente. »

Le groupe connu comme « Les Anarchistes contre le mur », auquel Cohen appartient, est l’un des phénomènes qui sont apparus du fait de la construction de la barrière. Le terme d’ « anarchistes » fait référence à un groupe de punks tatoués, qui ont déserté le service militaire et qui protègent les fleurs sauvages avec la même furie qu’ils se dévouent pour les palestiniens opprimés. En pratique, leur anarchisme s’exprime surtout par l’activité indépendante de chaque membre, avec de nombreuses différences individuelles entre eux.

En fait, ce n’est pas à proprement parler une organisation, mais un collectif d’individus. La plupart d’entre eux n’étaient impliqués dans aucune activité jusqu’à ce que les bulldozers commencèrent leur mise en œuvre du fait accompli. Ils sont entre 10 et 100 personnes, sans leader ni hiérarchie, sans cotisations ni d’obligations fixes. Chacun finance ses propres dépenses. La coordination se fait par téléphone ou email, et tous ceux qui veulent les rejoindre sont les bienvenus.

Beaucoup d’entre eux ont servi dans des postes de combat dans l’armée. Certains sont maîtres de conférence à l’université, experts en informatique, étudiants ou retraités. La plupart sont végétariens - voire végétaliens - et certains sont arrivés à la lutte contre la barrière par les actions pour le droit des animaux.

La barrière les a placés bien loin en avant du débat et du discours général israélien, sur la nécessité ou non pour la défense nationale de la barrière ou encore le débat politique sur le démantèlement des colonies. Peut être à l’image des jeunes berlinois dans leur ville divisée, la barrière a eu un énorme impact psychologique sur eux. Ils ressentent que cette barrière divise leur propre vie, ce qu’ils perçoivent comme un « avant » et un « après ». L’ennemi qu’ils connaissaient surtout à travers les médias est précisément devenu humain avec la construction de la barrière. La barrière a entraîné le désir de rencontrer les humains qui vivent derrière, qui étaient absents des informations avant qu’ils ne soient séparés d’Israël. Le prix de leur engagement est élevé : ils ont été frappés, blessés, détenus par journées entières et sont accusés de douzaines de charges criminelles devant les courts de justice.

Il est difficile de comprendre ce qui pousse des gens ordinaires, qui ont des vies quotidiennes calmes dans le centre du pays, à se laisser entraîner dans ce rituel quotidien et à de nombreuses occasions à renoncer à leur liberté. Après plusieurs jours passés parmi eux, on peut au moins comprendre ce qui les maintient ici. Les scènes auxquelles ils sont exposés sont très différentes de ce que vous pouvez voir dans les informations, à la télé : des villages coupés de leur sources de subsistances (ressources en eau, écoles, hôpitaux, travail,...). Les mouvements sont sévèrement restreints, des centaines d’hectares sont confisqués et des milliers d’arbres ont été déracinés pour ériger la barrière. Les gens qu’ils rencontrent sont enfermés en cage derrière les murs, avec une seule et unique petite porte entre eux et le monde extérieur. Les gens qui jusqu’à l’Intifada avaient un travail en Israël sont maintenant sans emplois depuis déjà 5 ans, avec leurs familles au bord de la famine. La barrière leur a aussi retiré la possibilité de retourner à l’agriculture comme moyen de survivre. Pour les activistes, chaque voyage vers la barrière rend le retour encore plus difficile.

ETRE VAGUEMENT BLOND ...

Trois ans auparavant, Matan Cohen a déménagé avec sa mère de Kfar vardim en Galilée vers Tel Aviv. Il a grandit dans une ambiance de gauche, d’inclinaison humaniste. Déjà à l’école primaire il cherchait sa propre voie. Après un an à l’Ecole Ouverte Démocratique de Jaffa, il trouva ce cadre de travail pourtant souple très désagréable. Il le quitta et se prépara tout seul au baccalauréat, qu’il a passé avec succès l’an dernier.

C’est à l’age de quatorze ans qu’il commença à participer aux actions dans les Territoires occupés. Il commença au début par simple curiosité. « J’avais lu des choses sur les attaques terroristes et les tueries de civils palestiniens. Quand les victimes sont palestiniennes, elles restent sans nom. Juste des nombres : deux palestiniens tués, sept palestiniens blessés ... Pas de nom, pas de détail personnel. Ce langage est ce qui amène les israéliens à se fermer eux-mêmes aux souffrances de l’autre bord.

La même chose est vraie aujourd’hui en ce qui concerne mon cas. Quand j’ai été blessé, les médias ont reporté l’information, mais ils n’ont pas dit que quatorze palestiniens avaient été blessés dans la même manifestation. D’un côté, quelqu’un de vaguement blond a été blessé, ce qui a entraîné automatiquement une identification de la personne. Et de l’autre côté, pour les autres, quand bien même il y aurait eu une personne de tuée, il n’y a pas eu de commission d’enquête. Jusqu’à aujourd’hui aucun soldat n’a été poursuivi pour avoir tué des manifestants non armés. L’humanité des palestiniens est totalement ignorée.

J’ai rencontré des soldats de mon age, certains avec qui j’avais grandi. Ils n’avaient jamais été dans ces villages, n’avaient jamais parlé à ces gens, n’avaient aucune idée de leur situation. Ils pensent juste qu’ils remplissent une mission pour défendre Israël. Ils ne comprennent pas que je ne suis pas leur ennemi. Je suis ici pour dire que ce n’est pas une barrière de sécurité, que vous ne pouvez pas établir la sécurité en opprimant un autre peuple qui vit à vos côtés. »

Matan dit que sa famille soutien ses positions politiques mais lui a demandé de ne pas aller aux manifestations. Toutefois, avec le temps, ils ont compris que leur enfant est sérieux, qu’il ne s’agit pas d’un aventurier irresponsable. Sa première action était de rejoindre un convoi qui apportait de l’aide humanitaire dans un village sous couvre feu, dans la zone de Nabus. Il était le plus jeune des dissidents israéliens. « Je me souviens que je ressentais de la peur et que je me disais que ce que je faisais était dangereux. Mais la réalité que je vis m’a alors choqué. Nous avons été arrêtés et harcelés pendant trois heures aux points de contrôle de l’armée israélienne. Quand finalement nous avons pu passer, tout est devenu réel, concret. Les morts et les blessés avaient une réelle forme humaine. L’abîme entre nous, cette habitude de dire « nous autres » et « eux » s’affaiblissait pour se transformer en un « nous » qui inclut tout le monde. Je ne voyais pas de différence entre une personne qui souffre ici et une personne qui souffre là-bas. »

-   Est-ce qu’il ne s’agit pas d’un regard biaisé ? Les palestiniens lancent des pierres et des soldats israéliens sont blessés.

« La présence des soldats est violente en elle-même. Quand des gens vivent sous une oppression quotidienne, certains jeunes ne peuvent pas retenir leur colère, et je comprends cela. Leur gagne-pain leur a été ôté, et on leur interdit de manifester contre les voleurs de leurs terres. Quand une jeep blindée entre dans un village pour faire une démonstration de force, je comprends très bien pourquoi des gens lui jettent des pierres. »

Avec la construction de la barrière, Cohen a rejoint l’intense activité dans les villages sur les terres desquelles la construction se déroule. Pendant des semaines entières, il est revenu jour après jour, et a de nombreuses occasions il est même resté la nuit avec les autres activistes. « Rester la nuit dans un village palestinien n’est ni dangereux ni effrayant. La sensation de peur vient de l’ignorance de la situation réelle. Nous avons grandi avec du brouillard devant nos yeux, une génération entière vivant sous le sentiment permanent de peur. La plus grande chose qui m’est arrivée a été de découvrir que j’étais le bienvenu parmi les palestiniens. Je vais dans les territoires occupés, les gens me parlent en hébreu, j’ai appris un peu d’arabe, et je suis reçu amicalement partout. »

Comme la plupart de ses amis activistes, il finance de sa propre poche toutes ses activités telles que ses voyages vers la bande de gaza, les appels téléphoniques, les honoraires des avocats. Avec le temps, il a eu de moins en moins d’amis qui n’étaient pas engagés dans son action. « Les non activistes pensent que ce que je fais est très étrange. Pour eux c’est un comportement excentrique pour une personne de Tel Aviv de faire ce que je fais. »

Il n’a pas l’intention d’accepter son service militaire (qu’il devrait accomplir d’ici un an). « Je suis imprégné de ce que j’ai vu dans les Territoires occupés. J’ai vu des familles être déchirées de chaque côté de la barrière, des enfants à côté de moi sur qui on a tiré et qui sont handicapés pour la vie. Tout ceci est devenu une part de réalité de ma vie. Je suis toujours choqué qu’un soldat de mon âge ait été capable de pointer un fusil en direction de ma tête et d’appuyer sur la gâchette alors que je lui criais « ne tire pas, personne ne te met en danger ici ! » Tout cela parce qu’il avait un ordre, quelque chose comme « donne-lui une leçon, ne le laisse pas manifester ». Comment pourrais-je rejoindre une telle armée ? Le sentiment de confort que je pouvais avoir, de sécurité dans la routine de la vie quotidienne, tout cela s’est envolé. La meilleure chose que je puisse faire pour notre sécurité - oui, aussi pour notre sécurité - c’est de continuer la lutte pour les droits de l’homme et la liberté.

L’ENFER A UNE HEURE ET DEMI DE LA MAISON

Un groupe d’activiste israéliens et palestiniens essaye d’avancer vers la partie occidentale du village, vers la barrière, près de l’endroit où Matan Cohen fut blessé. Des soldats arrivent et les stoppent. Les palestiniens sont en colère, car il s’agit de leurs propres terres et qu’il leur semble qu’elles ne leur reviendront jamais.

Shai Carmeli-Pollak, un metteur en scène de cinéma de trente sept ans et un des principaux activistes, refuse le diktat de l’armée. Il appelle le bureau du porte-parole de l’armée sur son téléphone mobile et explique en longueur que lui et ses compagnons sont sur un territoire complètement « casher palestinien », qu’ils ne cherchent pas la confrontation et que ce sont les soldats qui brisent la loi.

Aussitôt le lieutenant-colonel apparaît et autorise les manifestants à marcher cinq cent mètres de plus, mais accompagnés étroitement par lui et ses soldats. Pollak profite de l’opportunité pour lui parler et lui exposer en détail ses opinions et sa vue du monde : « vous regardez les palestiniens uniquement sous un angle militaire. Vous êtes complètement aveugle au fait que vous faites face à des civils ».

Le colonel répond patiemment. Les deux continuent leur discussion devant des palestiniens médusés. Pour eux un tel contact les yeux dans les yeux avec un militaire israélien est juste inconcevable. Quelques jours plus tard, Pollak insistera pour mener une discussion non moins profonde avec des soldats à un check-point qui refusent le passage de tous ceux qui ne sont pas porteurs d’une carte de journaliste. Chaque jeudi soir, la zone autour du site de construction de la barrière de sécurité est déclarée zone militaire fermée, pour tenter d’empêcher l’entrée des activistes israéliens. Pollak insiste pour voir l’ordre : « Si vous n’avez pas un ordre correct, signé par un officier habilité, vous ne pouvez pas mettre en place une zone fermée » dit-il aux soldats. Alors qu’il est en profond débat avec le détachement de soldats, les autres manifestants contournent le check-point à pied et continuent leur chemin par les champs.

Dans la manifestation, il s’adresse aux soldats qui ont formé un cordon pour bloquer le cortège avant la barrière : « vous avez été envoyés pour protéger des activité illégales. Vous n’êtes pas en train de protéger le pays, vous protégez les intérêts des magnats de l’immobilier et des entreprises de BTP. Vous devez comprendre que l’Etat d’Israël a signé un traité international qui oblige une force d’occupation à prendre soin des populations occupées. Même la court suprême a accepté certains de nos arguments. »

Sans crier - mais avec détermination - il continue une longue conversation avec les soldats. Une discussion calme, sans confrontation, où il leur explique qu’il pense qu’ils sont dans l’erreur. Quand un soldat répond « nous défendons la frontière », Pollak le corrige : « Non, ce n’est pas vrai. La frontière n’est pas ici, elle est à sept kilomètres derrière toi. On vous a donné toutes ces armes non pour défendre la frontière, mais pour être les gardiens de la prison des villageois, pour les maintenir en cage. »

Quand un soldat s’adresse à lui de façon brutale, il n’hésite pas à appeler une nouvelle fois le bureau des porte-parole de l’armée, demandant que le soldat menaçant soit calmé. Il dit que depuis qu’il a commencé ses activités dans la bande de Gaza il y a trois ans, il n’a jamais cessé ces discussions. « Dans les deux premières années, je faisais beaucoup plus de discours et de sermons. Maintenant je réalise que j’étais insupportable. Bien sûr, quand vous voyez ce qui se passe ici, vous pouvez devenir fou avec de la colère. Maintenant, j’essaie plus de comprendre comment les soldats perçoivent la situation. En parlant plus avec eux, je réalise que leur ignorance est réellement incroyable. Je leur suggère de parler à leurs officiers, de leur demander des clarifications sur pourquoi ils ont été envoyés ici et ce qu’ils sont supposés faire, et pas simplement suivre les ordres aveuglément. »

Il y a trois ans de cela, Pollak était loin d’être politiquement impliqué. Certes, il était de gauche, mais cela s’exprimait surtout au moyen du bulletin de vote. Il a fait son service militaire dans une unité terrestre de l’Armée de l’air israélienne. Il a ensuite étudié le cinéma à l’Université de Tel-Aviv et dirigé la pièce « Avramov ». Puis il s’est profondément immergé dans le monde de la télé israélienne, dirigeant des émissions humoristiques telles que « Zbeng », et a été élu président de l’association des producteurs TV. Il y a trois ans de cela, il est parti en Hollande visiter son frère Yonathan Pollak, âgé de 23 ans, militant anarchiste particulièrement impliqué à la fois dans la lutte contre la barrière et dans la défense du droit des animaux. Le jeune frère était aussi partie prenante de la vague de manifestation anti-mondialisation, et Pollak est reparti très impressionné.

Quand il est revenu en Israël, la seconde Intifada faisait déjà rage. Mais Pollak était encore « pris dans l’euphorie de la paix de Rabin » comme il le dit lui-même. Mais vint le jour - ainsi qu’il essaye d’expliquer lui-même ce qui a bouleversé sa vie - où il réalisa qu’il ne pouvait croire plus longtemps les informations télévisées et les déclarations officielles affirmant « qu’il n’y a personne à qui parler ». « Je ne sais pas pourquoi ça ne m’est pas arrivé plus tôt. Ça a été une décision de m’élever et de ne plus croire aveuglément ce qu’ils nous disent. Or, pour le dire d’une autre manière, j’ai vu des palestiniens en colère et j’ai décidé de croire leur colère. »

Son premier pas dans l’action a été de rentrer dans la bande de gaza et de rejoindre un groupe qui y achemine de la nourriture et des médicaments à des villages encerclés. « J’étais confus » se souvient-il. « Tout cela était nouveau pour moi, je ne connaissais pratiquement personne. Je me souviens que près de la colonie de Susya (au sud des collines d’Hébron), la police nous a arrêtés et nous a interdits de continuer. Les gens de Ta’ayush (Coexistence, un groupe mixte d’activistes palestiniens et israéliens) ont décidé de juste défier la police. C’était la première fois de ma vie que j’allais contre la loi, que j’agissais contre ce qu’un policier m’ordonnait de faire ou de ne pas faire. A ce moment, j’étais surtout en colère contre la violation de mes droits civiques. Mais quand j’ai rencontré des palestiniens et que j’ai vu dans quelles conditions ils devaient vivre, j’ai réalisé que je me trompais complètement d’objectif. Comme mes gémissements sur le non respect de mes droits étaient mesquins, comparé avec la façon dont les droits les plus basiques des palestiniens étaient piétinés.

Dans les premières années, il se rendait au mur environ deux fois par semaine. Mais depuis que la campagne anti-mur a débuté, son engagement a considérablement augmenté, allant jusqu’à plusieurs fois par semaine. Simultanément, il a continué de produire l’émission « Zbeng » et d’autres programmes télés. C’est devenu une forme de schizophrénie. « C’était si difficile de partir d’ici pour revenir à Tel Aviv et de changer complètement le mode de pensée. A Tel Aviv, tout le monde marche sans souci dans la rue et s’assoit aux terrasses des cafés. Bien sûr, de temps à autre, il y a des attentats suicides où des gens sont touchés, et cela est dans le subconscient de tout le monde. Mais ici, les gens n’ont pas ce luxe de pouvoir simplement marcher dans la rue, librement. Soudain, il y a des amis qui vous appellent en plein milieu de la nuit, des amis d’un village, et qui vous expliquent que l’armée arrive, qu’elle procède à des détentions, que des gens sont battus. A une heure et demi d’ici, il y a l’enfer, et personne ne le sait ».

-   Pourquoi n’avoir pas fait le choix de votre vie personnelle, de votre carrière professionnelle prometteuse ?

« Quand tu es jeune tu as toute une série de croyance sur le monde, mais graduellement la réalité te rattrape. Il arrive un moment où la plupart des gens se résignent, que finalement le monde est tel qu’il est et qu’on ne peut rien faire pour le changer. Mais j’ai le sentiment de m’être éveillé de ce lavage de cerveau, qui nous assène constamment que nous n’avons pas de partenaires et qu’il n’y a personne avec qui parler. Je suis entouré de personnes qui cherchent la « spiritualité » dans toute sorte de sectes et de mythes obscurs. Tout cela ne m’intéresse pas. Par contre ce que je fais en ce moment - de mon point de vue - c’est une vraie manière d’acquérir une forme de mérite spirituel. »

Plus il était impliqué dans les manifestations plus il se désintéressait de son travail. Alors metteur en scène prometteur, il a aujourd’hui pratiquement disparu de la scène de la télé. « Je réalisais des productions légères et marrantes. Maintenant, je peux difficilement concevoir de telles choses. Je suis toujours attiré par la réalisation de films, mais des films qui seraient une part de ce que je fais aujourd’hui, de la lutte dans laquelle je suis engagé. »

-   Il est difficile de comprendre pourquoi une jeune personne a pu abandonner ses rêves secrets ?

« Je n’ai pas l’impression d’abandonner une vie prometteuse, pas du tout. Peut être que pendant une courte période, j’ai pensé cela, quand tout ce que je voyais me bouleversait dans un choc de réalité. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que ma vie quotidienne inclut des expériences qu’auparavant je ne pouvais que voir dans des films d’aventure. Des moments dangereux avec des soldats énervés pointant leurs armes sur moi, mais aussi le fait de réaliser soudainement à un check-point que les soldats sont prêts à m’écouter. Et les palestiniens qui m’acceptent moi, un israélien, à leurs côtés. Tout cela n’a pas moins de valeur que d’avoir une carrière et de voyager dans le monde. De toute façon, je ne pense pas que ma carrière soit finie. Je pense juste qu’elle a pris une autre direction. »

De son père, l’acteur Yossi Pollak, il a reçu une petite caméra vidéo et a commencé à filmer les évènements auxquels il participait. Au début, il s’agissait juste de films à usage de mémento personnel. Il y a un an de cela, il a trouvé un producteur avec qui partager le travail, et il réalise actuellement un film pour la chaîne Channel 8 sur la lutte contre le mur à Bil’in. Il enregistre tout, les dommages aux personnes et aux matériels, les réunions avec les activistes pour les droits de l’homme, la construction du mur et les changements dans son tracé, et particulièrement le comportement de l’armée. Quand lui et son frère ont été frappés et détenus par l’armée, Pollak a transmis les images à la chaîne Channel 1 News. Le témoignage filmé prouvait le mensonge de l’armée quand celle-ci affirmait que les frères Pollak avaient attaqué les soldats.

Pollak : « la caméra aide à libérer les activistes palestiniens sur qui pèsent de lourdes charges. Il y a eu des cas où le juge a exprimé de la colère contre l’armée et la police pour avoir détenu de telles personnes. Quand un palestinien est traîné en justice, c’est à lui de prouver son innocence bien plus qu’à l’accusation de prouver sa culpabilité. Ils peuvent aussi rester en détention préventive avant le jugement pendant de longs mois. Les films vidéos permettent aussi aux médias classiques d’avoir des images du cœur des évènements où elles n’osent pas envoyer leurs équipes professionnelles. Parfois, nous réussissons à montrer au grand public à quel prix le mur de sécurité est construit, avec quelle rapidité l’armée tire des grenades lacrymogènes sur des fillettes de 12 ans qui protestent contre le vol de leur terre familiale. »

Pollak lui-même a été battu à coup de clubs de golf à la tête et sur le corps, et des grenades à effet de souffle ont explosé tout près de lui. Ainsi, quand il n’est pas physiquement proche du mur, il est constamment disponible sur son téléphone : coordination avec les comités d’action, demandant la situation de ses amis dans différents villages, cherchant des volontaires pour le transport de volontaires internationaux. Avec les palestiniens, il parle un arabe loin d’être mauvais.

« J’ai changé complètement ces dernières années », dit-il. « Si vous avez un minimum de sensibilité, quand vous allez dans la bande de Gaza et que vous voyez la situation telle qu’elle est, il est impossible que vous restiez le même. Cela a aussi affecté au point de devenir végétalien (j’étais déjà végétarien), c’est à dire quelqu’un qui ne consomme aucun produit animal de quelque nature.

Ce que j’ai vu m’a donné une compréhension plus profonde de l’industrie de l’alimentation animale. J’ai décidé de mettre en place des choses qui à première vue paraissent une fantaisie impossible. Si je devais produire un film maintenant, je choisirai évidemment une histoire sur quelqu’un qui choisit d’aller dans les Territoires occupés et de rencontrer les gens, un type de personnage qui me ressemblerait, et j’en ferai le bon dans le film. »

-   Il y a quelque chose de très naïf dans cela. Vous vivez dans la réalité que vous vous êtes choisi, et vous décidez que vous êtes le gentil.

« Dans notre société, faire quelque chose uniquement parce que c’est une bonne action, un acte moral, semble aux yeux des gens un motif idiot. Ce qui compte, c’est de se dire « qu’est-ce que je peux faire pour réussir dans la vie » ? Beaucoup d’israéliens auraient aimé améliorer la situation, mais ils ont peur de perdre leur position privilégiée. Qu’est-ce qu’il y a de mieux que d’être né dans une couche sociale privilégiée, et non dans le groupe où les gens naissent pour être ouvriers dans le bâtiment ou éboueurs ? La différence c’est que je peux voir ce confort comme en fait une illusion, et que je suis déterminé à casser cette division. Je n’accepte pas ces phrases « vous êtes un naïf » et « c’est le monde tel qu’il est » comme légitimes. Je ne peux pas accepter qu’il y ait des solutions immorales. »

-   Est-ce que vous vous sentez aussi blessé et outragé par les attentats suicides ?

« Bien sûr ! C’est une évidence que je m’oppose aux meurtres et aux assassinats aveugles des deux côtés. Mais il y a quelque chose de très hypocrite dans l’attitude commune face aux attentas suicides. La vie sous l’occupation c’est la vie sous le terrorisme permanent. C’est quelque chose que les gens ici ne veulent ou ne peuvent pas comprendre. Ils sont fixés sur la pensée que ce sont eux les victimes. Un homme de mon âge en Israël est né dans une réalité où son peuple occupe un autre peuple, et qu’il a un rôle à remplir dans cette occupation. Je pense que tout le monde doit se demander s’il veut participer à cela. Ils disent comprendre qu’ils vivent dans une bulle qui un jour va leur exploser dans la face. Quand je me promène dans les territoires occupés et que je vois comment les gens y vivent, les attentats suicides me paraissent une conséquence logique - malgré le fait que quand je me promène dans les rues de Tel Aviv je peux être la prochaine victime comme n’importe qui. »

La prochaine étape est la maison de Wagee Burnet, un homme d’une cinquantaine d’années du village de Bil’il. Lui et Pollak s’embrassent chaleureusement plusieurs fois. Burnet, un ouvrier du bâtiment, a travaillé en Israël pendant 30 ans. Il parle couramment l’hébreu et pourrait être confondu avec un habitant des communautés Moshav de la région de Jérusalem. Deux jours après que l’Intifada ait explosé, une balle de l’armée a touché le fils de Burnet, le plus jeune de dix enfants. Le fils est maintenant paralysé et consigné pour le reste de ses jours dans une chaise roulante électrique, qui se déplace lentement dans les rues pavées de Bil’in. Son père a été automatiquement inscrit sur la liste des personnes dont l’entrée en Israël est interdite (selon la théorie des autorités que quiconque pouvant avoir un motif pour se venger doit être interdit d’entrée). Il n’a pas eu le choix et est retourné cultiver des légumes et s’occuper d’un troupeau de moutons. Quelque temps après, il a été victime d’une attaque cardiaque, mais il a continué de se rendre aux manifestations.

« Je sais qu’il n’y pas de symétrie entre nous deux », dit Pollak. « Ce qu’il m’est permis de faire lui est interdit. Pourtant, j’ai l’impression qu’il m’apporte beaucoup plus que je ne peux lui donner. Je le regarde avec un étonnement sans fin. Avec toutes ces souffrances terribles qu’il a traversées, il est toujours heureux de la vie, il peut encore nous remercier, nous, des israéliens. Nous avons tant à apprendre d’eux, de leur connaissance intime de la terre. Au lieu d’apprendre des erreurs du passé, on continue de confisquer ces mêmes terres et de maintenir ces gens comme des prisonniers. »

Les aboutissements de Pollak et ses amis sont minimes. Ils essayent d’entrer dans la conscience du public, mais le public ne veut même pas les entendre. L’aide humanitaire qu’ils réussissent à délivrer, en collectant de la nourriture et des produits vitaux du centre du pays pour le distribuer dans les villages est loin de répondre aux besoins. La construction du mur avance inexorablement et enferme toujours plus de villages. Beaucoup d’activistes se sont usés et tués à la tâche durant toutes ces années, mais de nouveaux ont pris leur place. Parfois, seule une poignée d’israéliens participent dans les manifestations, et ils doivent se séparer pour aller dans les différents villages.

« Les résultats sont très petits » reconnaît Pollak. « Parois je me réveille le matin et je me dis "je suis fatigué, lessivé, complètement cassé, je ne vais pas aller à la manifestation aujourd’hui". Mais je finis par y aller. Je ne peux pas faire autrement, surtout si je sais que dix activistes - ou moins - vont faire le déplacement. »

Après deux jours de rencontres avec les palestiniens à Bil’ing, Pollak a l’air réellement épuisé. Pourtant, il continue de répondre sur son téléphone mobile qui ne cesse pas de sonner. « Aussi longtemps que je serai un israélien et que je vivrai ici, je ne pourrai pas être en paix avec moi même si je ne fais rien contre l’occupation. Et si jamais je devais faire ça jusqu’à la fin de mes jours, j’espère que j’aurai toujours la force pour continuer. »

ONZE CHARGES CRIMINELLES D’ACCUSATION

A l’entrée du village de Budrus, Leila Mosinzon sort un grand châle et couvre ses cheveux.

Elle cache ses longs cheveux, à la mode des femmes palestiniennes. Avec sa longue jupe sur son jean et son sweat-shirt bleu par-dessus, elle pourrait facilement être prise pour une fille palestinienne. Elle dit qu’elle porte un mandil par-dessus ses cheveux, de façon à éviter aux femmes du village le déconfort qu’elle ressente quand des israéliennes ou des manifestantes internationales arrivent dans le village avec des vêtements découverts.

Dans la maison de Sudkiya et d’Ahmed Abd-el-rahim et leurs 15 enfants, dans le centre du village, elle est reçue avec des embrassades et devient immédiatement un membre virtuel de la famille. Dans la cour de la pauvre maison, tout le monde l’entoure, les enfants attendent impatiemment leur tour pour l’embrasser.

Pendant un moment, il est difficile de reconnaître l’activiste déterminée qui pendant le trajet en voiture parlait avec une telle férocité idéologique des injustices de l’occupation. Pour le moment, elle baisse le volume, pose des questions et répond aux interrogations avec délicatesse et un rayonnant visage joyeux.

Mosinzon, comme Pollak, est née à Jaffa, dans un environnement mélangeant juifs et arabes. Sa mère est une Mizrahi, originaire d’un pays arabe, son père un Ashkénase d’Europe centrale, dont les parents ont rejeté leur belle fille.

Elle avait huit ans quand avec ses plus jeunes frères, ils ont été séparés de leurs parents et placés chez leurs grands-parents. « J’ai vécu dans une maison raciste. Mon grand-père avait l’habitude de dire " le seul bon arabe est un arabe mort".

Pendant des années, j’ai souffert physiquement et mentalement. Il m’était interdit de voir mes parents biologiques. A l’âge de seize ans, je me suis enfuie de la maison avec mon chien. J’ai essayé d’expliquer à un professeur de mon école à quel point je souffrais, mais elle ne m’a pas cru. C’était exactement comme en ce moment, quand je reviens des territoires occupés et que j’essaye de dire ce que j’ai vu, les gens ne veulent pas entendre. Ils ne peuvent pas voir la vérité en face.

La première fois que je suis allé à une manifestation et que l’armée a commencé à tirer, j’ai ressenti la détresse et la solitude des palestiniens, et cela m’a rappelé m’a propre expérience de petite fille. Quand je me trouve face aux fusils des soldats, je me dis que peut-être du fait de ma présence cela empêchera que quelqu’un soit blessé. C’est une sorte de tikkun (rédemption).

Elle agit dans la bande de Gaza comme une sorte d’activiste indépendante. Elle participe aux actions des groups plus organisés, mais d’une façon très personnelle et émotionnelle.

Pendant son service militaire , elle a été affectée comme institutrice dans une ville pauvre du nord. Ensuite, elle est partie pour un long voyage à l’étranger, puis à son retour elle a enchaîné les petits boulots, de serveuse à femme de ménage.

Elle était déjà impliquée dans des actions pour la protection des animaux et était volontaire dans des associations comme Ta’ayush ou Amnesty International. Elle était une activiste plutôt passive jusqu’à ce que débute la campagne dans le village de Yanun il y a de cela trois ans. Les colons de Ithamar menaçaient, harcelaient et attaquaient continuellement les 25 familles du petit village, jusqu’à ce que finalement ces derniers fuient du village de peur. Elle était parmi les activistes qui étaient venus passer la nuit dans les maisons palestiniennes jusqu’à ce que ceux-ci se sentent suffisamment en sécurité pour revenir et ré-habiter leur village. Elle a passé là cinq nuits en tout, et a établit avec l’une des familles un contact qui a tout changé dans sa vie.

Mosinszon a voyagé en Allemagne pour participer à une rencontre entre israéliens et palestiniens soutenus par le mouvement La Paix Maintenant. De là, elle s’est rendue au Japon à ses propres frais, pour récolter des fonds pour une famille de Yanun dont les deux filles étaient nées avec un handicap aux mains et avaient besoin d’un traitement compliqué excessivement coûteux.

Quand les manifestations contre le mur ont commencé, elle les a de suite rejointes. Depuis, dans les trois années passées, elle a travaillé par intermittence, prenant un petit boulot le temps nécessaire pour financer sa nourriture, ses dépenses de déplacement et son téléphone portable. Elle a abandonné l’idée d’avoir un appartement à elle, et elle vagabonde entre les maisons des ses amis à Jérusalem et celles des familles palestiniennes dans les villages, et plus particulièrement celle de la famille Budrus qui l’a virtuellement adoptée.

Elle vend de l’huile d’olive pour le compte des familles Mes’ha, qui ne peuvent pas quitter leur village du fait d’un barrage de l’armée fait de rochers, et elle leur donne l’argent récolté. Elle organise des colonies de vacances d’été pour les enfants dans sept villages palestiniens et ses amis artistes de cirque viennent apprendre leurs tours aux enfants. Elle a été battue, touchée directement par une grenade, emprisonnée dix fois et interdite de s’approcher du mur, mais elle est toujours revenue. Elle a été accusée de onze charges criminelles telles que « comportement désordonné » et « agression de soldats », et le procureur insiste pour l’envoyer derrière les barreaux.

En septembre, elle ira probablement commencer une période de prison de trois mois à laquelle elle a été condamnée suite à une procédure de plaider-coupable. On peut difficilement la trouver calme ou modérée. Elle est belle, émotive, tête brûlée, suspicieuse envers les médias et plus généralement envers tous ceux qui voient les choses différemment qu’elle.

« Bien sur que je ne veux pas aller en prison, de la même façon que je ne veux pas me faire tirer dessus pendant les manifestations. Souvent, j’ai très peur dans les manifestations à cause de la violence, mais je sais pourquoi j’y suis. Je n’ai pas l’intention de fermer mes yeux comme les Allemands ont fermé leurs yeux pendant la période Nazi. Je ne veux pas rester silencieuse quand des gens doivent attendre pendant des heures à un check-point alors que je peux passer librement. »

Elle n’est pas motivée par une idéologie très précise, mais plutôt par un sentiment personnel de responsabilité morale. Elle a aussi participé comme volontaire à des organismes de charité qui collecte de la nourriture pour les pauvres en Israël. Quand elle essaye pourtant de parler d’idéologie, ce qu’il en ressort est un mélange concentré de différentes convictions : « Notre société produit de la violence et croit la régler en coupant une nouvelle forêt et en construisant un nouveau centre commercial. Le découvert en banque continue de croître parce que nous ne nous aimons pas et alors nous devons consommer toujours plus de choses dont nous n’avons pas réellement besoin. Et cela nous est égal si le lait que nous buvons vient d’une vache qui souffre l’enfer dans une ferme industrialisée. Est-ce que nous nous inquiétons des personnes sans abris qui dorment dans nos rues ? Nous avons créé une société aliénée. Je veux détruire cette aliénation, pour traverser les barrières qui entourent le cœur humain. ».

Mosonzon est venue à connaître la famille Budrus quand elle a organisé un camp d’été dans le village. Ils savaient que je n’avais rien à leur donner d’autre que venir et m’asseoir avec eux et rire avec leurs enfants dont je suis tombée amoureuse et qui m’ont grand ouvert leur cœur. Venir ici m’a fait faire un retour en moi-même, dans ma volonté, ma nature. Ils sont heureux que je sois là, et cela me donne le sentiment d’une vraie famille, que je n’ai pas eu avant.

Afin de fournir un soutien économique à la famille, Mosinzon s’est associée avec un ami qui travaille dans une ferme écologique. Ils ont organisé une sorte d’atelier de travail au village, pour permettre à des israéliens qui étudient l’agriculture écologique de venir se former sur un terrain appartenant à un membre de la famille. Les élèves israéliens sont venus sept fois à Budrus, en payant à chaque fois 50 shekels la leçon qui leur était donnée par la famille.

Pendant les périodes agitées, elle évite de rendre visite à la famille, par crainte que sa présence ne renforce la colère de l’armée et ne leur cause des dégâts. Il y a deux ans de cela, raconte t elle, une partie de leur terre a été confisquée pour le mur et 50 de leurs oliviers ont été déracinés. Un mois auparavant, Sudkia avait été blessé par une balle plastique quand les soldats étaient venus arrêter son frère. « Quand Skudia a été blessé, j’étais en route pour un événement social à Jérusalem. Quand j’ai entendu cette nouvelle, mon corps entier s’est mis à trembler et je suis tombée, inconsciente. J’ai décidé que cela pouvait être plus néfaste si je n’étais pas avec eux. Je me dévoue à leur donner tout ce que j’ai à donner. Je les aime. Ils sont proches de la terre, proches les uns des autres. Je suis ici parce que j’ai adopté et j’ai été adopté par une famille. Notre contact est sans politique, et surtout sans arrogance ni sentiment de culpabilité.

Yediot Aharonot est le quotidien le plus lu en Israël, plus de 50% des lecteurs hébreux. Cet article est paru dans le supplément week-end du magazine Shivah Yamim (Sept Jours).

Traduction : Syndicat Interco Paris Nord CNT-AIT contact at cnt-ait.info

Ecrit par patrick83, à 08:25 dans la rubrique "Actualité".



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