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La France, pays des grèves ?

lu sur acrimed : " A en croire les médias dominants, les Français sont un peuple par trop contestataire (...en particulier lorsqu’ils protestent contre les réformes néolibérales). Pour France 2, les réformes seraient « impossibles » [1]. La France préférerait « la révolution aux réformes, la guerre sociale aux compromis », confirme Eric Le Boucher dans Le Monde [2]. Le Figaro, lui, nous affirme que le « droit de paralyser » est une « tradition nationale » [3], une analyse confirmée par Christine Ockrent selon qui la « culture du conflit » est une « forme d’infirmité que ne partagent pas nos voisins européens » [4]. « Nul autre pays occidental ne se comporte ainsi », répète encore Denis Jeambar dans L’Express [5]. En somme, la France serait tout le temps en grève, « bloquée », « paralysée ». Le pouvoir serait aux mains de « la rue »...

En compilant les résultats de sept travaux - réalisés essentiellement par des chercheurs en sciences sociales - traitant de la conflictualité dans différents pays industrialisés, nous allons voir quel crédit l’on peut accorder à la doxa médiatique.


L’indicateur utilisé dans chacun des cas est le nombre de journées individuelles non travaillées (JINT) rapporté à 1 000 salariés. C’est l’indicateur jugé le plus pertinent à des fins comparatistes par l’ensemble des chercheurs.

Les différents travaux ont été classés par ordre chronologique. La première étude (Sirot, 1998) porte sur 6 pays européens entre 1900 et 1970. Le graphique 1 met en évidence que, durant cette longue période, la France ne s’est jamais distinguée par une activité conflictuelle particulièrement élevée. Selon ces données, seul le Royaume-Uni aurait pu se voir attribuer le titre de « champion de la grève » pour la période 1910-1930, et l’Italie pour les décennies 1950 et 1960.

Graphique 1
Nombre de journées individuelles non travaillées pour 1 000 salariés (1900-1970)

(Image GIF)

A supposer qu’il soit pertinent d’établir un classement général sur une si longue période (sept décennies), on trouve que c’est l’Italie qui est la plus conflictuelle (graphique 1bis). Elle est suivie du Royaume-Uni. La France, quant à elle, se place en troisième position. Son « taux de grève » est inférieur à la moyenne des six pays.

Graphique 1bis
Classement de 6 pays par conflictualité décroissante(1900-1970)

(Image GIF)

La deuxième étude (Reynaud, 1982) porte sur les années 1955 à 1977 et concerne 18 pays industrialisés. Le graphique 2 montre que l’Italie confirme son statut de « meneuse des grèves ». Les pays d’Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis) apparaissent également parmi les pays les plus fortement conflictuels. Comme pour la période précédente, la France se situe en dessous de la moyenne (151 JINT pour 1 000 salariés contre 229). Et elle se classe au 10e rang sur 18.

Graphique 2
Classement de 18 pays par conflictualité décroissante (1955-1977)

(Image GIF)

Michel Lallement (1995) fournit des statistiques pour 18 pays durant les décennies 1970 et 1980 (graphique 3). On retrouve là encore l’Italie en tête, toujours suivie du Canada. L’Espagne et la Grèce n’avaient pas été étudiées par les deux précédents travaux. Elles apparaissent ici respectivement en troisième et quatrième places. Selon ces statistiques, la France occupe la 11e position ; elle est 7,6 fois moins conflictuelle que l’Italie, 3,2 fois moins que le Royaume-Uni et 1,6 fois moins que les Etats-Unis.

Graphique 3
Classement de 18 pays par conflictualité décroissante (1970-1988)

(Image GIF)

La quatrième étude a été menée par Maximos Aligisakis (1997). Elle porte sur la période 1970-1993 (graphique 4). Selon le classement, la France est en 10e position sur 18. Son nombre de journées individuelles non travaillées pour 1 000 salariés est de 121 contre 317 pour l’ensemble des pays. Signalons qu’Aligisakis construit un indicateur plus complexe combinant le « taux de grévistes », le « taux de journées perdues », la « mobilisation des grévistes » et la « détermination des grévistes ». Il lui donne le nom d’« indice général de conflictualité ». Selon cet indice, la France se retrouve en queue de peloton (au 16e rang sur 18), parmi les « pays à très faible conflictualité », aux côtés du Portugal, de la Suisse et du Luxembourg (1997, p. 96).

Graphique 4
Classement de 18 pays par conflictualité décroissante (1970-1993)

(Image GIF)

Les statistiques rapportées par Udo Rehfeldt (1995) concernent 15 pays industrialisés entre 1984 et 1993. Un redressement statistique a été opéré par Acrimed afin d’inclure, pour la France, les grèves du secteur public (qui, initialement, n’avaient pas été comptabilisées). L’Hexagone occupe la 10e place (graphique 5). Elle reste un pays assez peu conflictuel : plus « calme » que le Royaume-Uni, que la plupart des pays scandinaves (Norvège, Suède, Danemark) et à peu près au même niveau que l’Allemagne.

Graphique 5
Classement de 15 pays par conflictualité décroissante (1984-1993)

(Image GIF)

Le dernier classement (graphique 6) compile les données de deux sources (Lecou, 2003 et Carley, 2005). Il concerne la période la plus récente (1998-2004). Pour la première fois, de nombreux pays de l’Europe de l’Est ont été étudiés : la Hongrie, la Roumanie, la Slovénie, l’Estonie, la Pologne, la Lituanie et la Slovaquie. Ce sont des pays dans lesquels la conflictualité est particulièrement faible. Cela explique que la France remonte dans le classement : elle est en 10e position sur 25 (donc dans la moitié qui fait le plus grève). Elle conserve malgré tout une conflictualité inférieure à la moyenne européenne (37 JINT pour 1 000 salariés contre 43).

Graphique 6
Classement de 25 pays par conflictualité décroissante (1998-2004)

(Image GIF)

-  Après le passage en revue de ces sept études comparatives, il est clair que la grève, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, ne peut pas être considérée comme un « sport national français ». Tout au long du XXe siècle, la France est globalement restée dans la moyenne basse des pays industrialisés.

Une autre conclusion qui peut être tirée de ces statistiques est que la « culture de la négociation », tant vantée par les médias, n’empêche pas, loin s’en faut, les conflits sociaux. Le fait de négocier avant n’empêche pas de faire grève. Ainsi, le graphique 6 (ci-dessus) fait apparaître que les pays scandinaves sont relativement conflictuels : le Danemark est en tête du classement, la Norvège est 4e et la Finlande 7e. Ainsi, la « culture de la négociation » n’implique pas forcément une « faible intensité conflictuelle ». Et, à l’inverse, la « culture de la confrontation » (tant décriée par les médias français) n’engendre pas automatiquement une « forte intensité conflictuelle ».

Autant d’observations qui tendent à montrer que, lorsqu’ils évoquent les grèves, les grands médias préfèrent la « culture de l’ignorance » à celle de l’exactitude.

Ian Eschstruth


Cet article est tiré d’une étude plus détaillée que l’on peut consulter à l’adresse suivante :
http://coursdesocio.online.fr/Devoirs/La_greve.zip.

Références des sept études citées :

- Aligisakis Maximos, « Typologie et évolution des conflits du travail en Europe occidentale », Revue internationale du travail, Vol. 136, n°1, printemps 1997, pp. 79-101
- Carley Mark, « Évolution de la situation en matière d’actions syndicales - 2000-2004 », site internet de l’OERI (Observatoire européen des relations industrielles), 2005
- Lallement Michel, Sociologie des relations professionnelles, Paris, La découverte, coll. « Repères », 1995 (p. 77, notamment)
- Lecou Robert, député, Rapport d’information sur le service minimum dans les services publics en Europe, Assemblée nationale, 4 décembre 2003 (pp. 58-63, notamment)
- Rehfeldt Udo, « Cycle des grèves et cycle économique », Chronique internationale, IRES, septembre 1995, 2e publication : « Cycle des grèves et cycle économique », Problèmes économiques, n°2467, 10 avril 1996, pp. 15-19 (p. 18, notamment)
- Reynaud Jean-Daniel, Sociologie des conflits du travail, PUF, 1982 (p. 28, notamment)
- Sirot Stéphane, « Emploi ouvrier, syndicalisation et grèves en Europe occidentale de 1880 à 1970 : entre rapprochements et creusement des singularités », in Cahiers d’histoire, n°72, « Industrialisation et sociétés. 1880/1970 », 1998, pp. 23-47 (p. 37, notamment)



_________________________________________________

[1] « Pourquoi est-il impossible de réformer la France ? », Mots croisés, France 2, 23/06/2003.

[2] Eric Le Boucher, « Retraites : le goût français pour l’affrontement », Le Monde, 25-26/05/2003, p. 26.

[3] Stéphane Mandraud, « Le droit de paralyser », Le Figaro, 17/02/2004.

[4] Christine Ockrent, Les Grands patrons, Plon, 1998, p. 8.

[5] Denis Jeambar, « Exception gauloise », L’Express, 05/06/2003.

Ecrit par patrick83, à 09:31 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonyme
23-08-06
à 11:55

C'est très intéressant ces analyses et ces graphiques. Néanmoins, c'est un peu biaisé, car on ne connait pas la nature des conflits. Et les figaros and co pourront rétorquer que les autres pays devancent la france en ce domaine seulement dans les conflits opposant salariés et patrons (donc conflits qui n'ont qu'une dimension locale et pas nationale). Or la critique que font ces journaleux rapportée par acrimed porte sur "l'impossibilité de réformer en france", et il est vrai que les grandes mobilisations nationales qu'a connu la france porte sur des réformes ayant une portée large ( c'est à dire pas limitée à une entreprise). Donc petite question: est-ce que dans les pays en tête dans ces graphiques, on observe des mouvement sociaux plus larges s'opposant à des réformes ayant une portée nationale?
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
23-08-06
à 14:52

Re:

Eric Le Boucher est un imbécile doublé d'un inculte. En ce sens, il ne diffère guère de ses confrères de droite. Tous ces gens se permettent de balancer éhontément des contre-vérités plus grosses qu'eux, puisqu'ils savent que très peu de médias iront vérifier leurs affirmations mensongères.

Cet article est intéressant: il pointe du doigt la désinformation qui prévaut sous le règne du Saint Ultra-Libéralisme Economique. Pour ces capitalistes-libéraux, la politique (l'apolitique?) se doit d'être libéral-totalitariste (c'est-à-dire que son préalable est le principe: "seul le capitalisme ultra-libéral est acceptable sur la planète et tout le reste est à bannir"). A leurs yeux, imaginer quelque alternative économique relève du blasphème ou de l'archaïsme. Le monde vit aujourd'hui ce totalitarisme à l'échelle planétaire. Ce totalitarisme, comme les autres tout au long de l'Histoire, s'impose avant tout par le mensonge et la falsification de la vérité observable.

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  Anonyme
23-08-06
à 16:33

Re: Re:

Je trouve aussi cet article tres interessant, entre autres car il mets en lumiere une partie de la désinformation des grands médias.

Je crois que nous, les anars, on devrait produire plus souvent ce genre d'article, d'analyse, plutot que toujours les memes tracts rabachant sans cesse que l'etat yen a marre, etc ... les medias nous mentent, l'etat aussi, les patrons nous prennent pour des cons, et on a toute les preuves sous les yeux.

Pourquoi pas diffé dans une manif les salaires et avantages des elus (locaux et nationnaux) ou une liste de tous les crimes impunnis de la police ? Ou meme, au vu des elections qui arrivent, un rapprochement entre la politique mitterand (donc gauche) et celle d'aujourd'hui ?

Je sais pas pour vous, mais moi si je parle d'anarchie ou de la lutte ouvriere à mes collegues, ils me regardent avec ds gros yeux et ils me zappent .. par contre si je leur sort le salaire du patron, là ca crée un embryon de revolte, enfin tout du moins ca les fait reflechir par rapport à leur propre situation.
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  Anonyme
23-08-06
à 18:38

Re: Re: Re:

Je partage ton sentiment anonyme de 16h33. Effectivement les anars ne se donnent plus que très rarement la peine d'expliquer. Le fait que "tout soit de la merde" est donné comme un fait acquis . Le résultat est que, pour l'essentiel, c'est la gauche (de la gauche du PS à toutes les EG on va dire) qui planche.

D'ou le grand (enfin un des grands problèmes) problème pour les anars aujourd'hui : entre eux, entre nous, ca va, je dis : "tout est de la merde", l'autre me répond : "je suis d'accord, faut que ca pète", et voilà le tour est joué... mais quand on est face à des gens qui ne sont pas (ou pas encore :-)) anars, et bien il y a un effort à faire, et cet effort passe aussi par fournir des études, des faits, des solutions (concretes)

Tiens  : les graphiques du texte semblent appréciés , et bien chasse au trésor : essayez de trouver des graphiques réalisés par des anarchistes. Ca court pas les rues...

Ang
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  Anonyme
23-08-06
à 18:59

Quelques pistes sur le pourquoi du comment

Peut-être sommes-nous trop jeunes de moyenne d'âge? Ou plutôt trop "jeunistes": on préfère quand même un bon vieux slogan accrocheur et provo à une explication détaillée et argumentée.

Peut-être sommes trop peu nombreux? C'est sûr. C'est donc un cercle vicieux (pas assez de monde pour produire du travail d'information ---> pas assez de "public" convaincu).

Peut-être sommes-nous trop feignants?

Peut-être avons-nous le tort d'être plus idéalistes et moralistes ("comment ça devrait être") que matérialistes et pragmatiques ("comment c'est et comment ça peut évoluer concrètement")?

Peut-être sommes-nous trop dans la marge pour comprendre et expliquer ce qui se passe au coeur de la machine?

En bref, peut-être sommes-nous plus des "poseurs" que des penseurs?

Répondre à ce commentaire

  Anonyme
24-08-06
à 05:44

Re: Quelques pistes sur le pourquoi du comment

18.59, oui, les raisons du phénomène seraient à creuser.  A priori j'exclus le nombre, car bien que peu nombreux, les anars le sont largement assez pour effectuer aussi (en parallèle à d'autres activités)  ce genre de travail. Il y a ou il y eu des groupuscules d'EG bien plus minuscules ,  ou alors pense aux think tanks , etc.

Jeunisme ca doit jouer. Il me semble que depuis "un certain temps" il y a une tendance à essayer de brancher les jeunes par le biais  de musique, de bière, etc.  et que l'idée traditionelle d'essayer de parler et répondre à tous a un peu été délaissée.

Feignantise...:-) y peut-être un peu de ca aussi :-).  On se dit peut-être que comme après tout il y a toujours des non-anars qui continuent à faire le boulot, autant les pomper quand y pondent un truc valable et s'épargner la peine :-)

Pourtant le potentiel , en cerveaux si tu préfères, est là, mais il est, à mon avis, sous-employé.

Pour moi c'est un problême très grave et qui a un impact considérable, il est une des causes majeures de la stagnation à l'état de marge tres minoritaire du mvt anar. D'autant plus que , quoiqu'on en dise (on dit sans cesse que les francais sont des veaux ignorants etc. etc.)  le "niveau" de la population s'est quand même élevé en 100 ans, et qu'on aboutit en fin de compte à une situation un peu paradoxale : au temps ou les prolétaires et la population en général avaient, en moyenne, un bagage d'outils et de connaissances assez faible, les anars deployaient des efforts considérables pour parler au gens, et aujourd'hui  les anars en deploient beaucoup moins alors que la population globalement en sait plus et en demande plus (même si c'est des veaux manipulés, etc.etc.).

Ang

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