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La guerre d’Afghanistan de 2001 : Guerre des mots, mots de la guerre
--> Par Henri Maler
Lu sur acrimed : L’article ci-dessous, publié en deux parties, reprend une conférence prononcée à l’Université de Rome le 1er mai 2002, dont le texte a publié en Italie sous le titre : « Sémantique et rhétorique de la guerre impériale dans les médias français. L’exemple de la guerre d’Afghanistan en 2001 » [1].

Cette conférence reprenait, souvent littéralement, des extraits d’articles publiés sur le site d’Acrimed. Elles en sont une sorte de synthèse [2].

Premier partie : Sémantique de la guerre : Guerre des mots, mots de la guerre - Deuxième partie : Rhétorique de la guerre : Discours moral et discours impérial (Acrimed)

À partir de l’exemple français (mais sans doute transposable) et de celui de la guerre d’Afghanistan (mais partiellement généralisable), on se propose d’examiner quelques fragments du discours de la guerre impériale dans les versions qu’en offrent les médias dominants. Le présupposé de ce travail de décryptage est le suivant : en dépit de la diversité des guerres successives (diversité de leurs motifs et de leurs enjeux immédiats), une même guerre multiplie ses théâtres d’intervention au moins depuis la chute du mur de Berlin [3]. On est en droit de penser que des arguments rationnellement consistants pouvaient permettre de soutenir chacune de ces guerres comme juste et nécessaire. Mais cela ne changerait rien à ce qui nous importe : mettre en évidence la teneur idéologique et les effets d’imposition symbolique de la version impériale de ces conflits telle que les médias français l’ont épousée. Ainsi de la guerre d’Afghanistan. Cette guerre a mobilisé, dans ces médias, des ressources sémantiques et rhétoriques qui méritent un examen.

Première partie : SÉMANTIQUE DE LA GUERRE : GUERRE DES MOTS, MOTS DE LA GUERRE

De la guerre des mots aux mots de la guerre, de la délimitation lexicale et grammaticale des camps en présence au vocabulaire des champs de bataille, les médias de masse exercent leur office de domination symbolique, indistinctement involontaire et délibéré. Ils prennent position dans un champ de bataille sémantique, avant de se ranger au côté des puissants, dans un champ de bataille ethnocentrique.

I. Le champ de bataille sémantique

Avant même que la guerre d’Afghanistan ne commence, les médias dominants livrent une bataille sémantique qui distribue les camps en présence.

1. La constitution des camps en présence

Le partage entre « amis » et « ennemis » suppose tout d’abord que leurs soient attribués les vocables qui leurs reviennent : les « anti-terroristes » alliés des « américains » se dressent contre les « terroristes », flanqués des « anti-américains ».

- Terrorisme : L’usage à la fois sélectif (puisqu’il ne concerne que les actes de violence atteignant des civils innocents de « nos » seules démocraties) et indéterminé (puisqu’il englobe souvent des actes de guerre visant des responsables politiques et militaires) du terme de "terrorisme" permet toutes les manipulations. C’est un vocable dont l’élasticité est - comme la « justice » qui combat l’ennemi qu’il désigne - « sans limites ».

Dans sa plus grande extension (du moins jusqu’ à ce jour...), le « terrorisme » peut désigner n’importe quel acte de délinquance. Alors, "Le terrorisme est quotidien" (Le Figaro, 2 novembre 2001, p. 13) : « Osons l’écrire : aujourd’hui, on risque une agression à chaque coin de rue, à son propre domicile, pour un oui ou pour un non ». Et cela porte un nom : « S’il ne faut pas négliger la menace que font peser les artificiers de Ben Laden, il faut d’abord s’attaquer à la réalité. En France, le terrorisme est quotidien. » On peut s’épargner la suite, mais pas la dernière phrase : « Entre celui qui fait régner la terreur - qu’il ait le visage de Ben Laden ou d’un "sauvageon" - et celui qui cherche à s’en protéger quel est le plus fasciste ?  »

Il peut être syndical : il prend le nom de « terrosyndicalisme » pour désigner les formes d’actions violentes des salariés de Celaltex, de la brasserie Adelshofen et, plus récemment de Moulinex (Le Figaro du 16 novembre 2001, p. 2001) : « Dans la majorité de ces cas, ce sont bien des sommations terroristes qui ont été proférées, c’est-à-dire des recours systématiques à des intimidations destinées à imposer une cause par la violence (...) ». Suit alors cette équation : terrorisme syndical = terrorisme corse. « Difficile de ne pas faire le rapprochement entre ce nouveau terrorisme syndical et le terrorisme corse. En effet, ils sont tous deux construits sur la culpabilisation préalable d’un adversaire à impressionner. » Et pour finir : Terrorisme syndical et corse = menaces des banlieues + « terrorisme islamique international » : « Alors que la situation dans les banlieues est de plus en plus violente, il est à craindre que les exemples de terrorisme syndical, ajouté au terrorisme corse, ne donnent de semblables idées radicales aux fauteurs de trouble, dont une partie d’entre eux semble déjà solidaire du terrorisme islamique international. »

- Terrorisme d’Etat, en revanche, est une expression peu recommandée qui peut cependant être utilisée - à bon escient - pour désigner l’intervention russe contre la Tchétchénie ou l’intervention chinoise au Tibet (Le Monde du 20 octobre 2001, p. 19). A condition de ne jamais l’utiliser pour désigner certaines interventions de la C.I.A et de l’armée américaine contre certains pays, même dans un pas si lointain passé.

- Anti-américanisme : L’usage englobant du terme d’ « anti-américanisme » pour désigner des formes d’hostilité à la politique américaine de natures très différentes et parfois opposées permet d’être dans le camps des « pour », ce qui est toujours plus reluisant. Cet unique vocable est chargé de désigner les sentiments et les ressentiments de ceux qui, envahis par des passions obscures ou n’ayant pas toute leur raison, les dissimulent derrière des arguments si divers et, parfois, si inconciliables, qu’il faut un terme unique pour les désigner. L’ « antiaméricanisme » est un « fond », une « latence », un « réflexe », un « dénominateur commun ». « Antiaméricanisme » n’a pas de contraire, car le « philo-américanisme », étant strictement rationnel, il est impossible de l’affubler d’un tel nom ! D’ailleurs, toute critique qui fait valoir un conseil ou une réserve dans le cadre d’un soutien à la politique américaine doit être précédé d’une mise en garde dont le prototype est le suivant : « ce n’est, pas céder à l’antiaméricanisme que de dire... »

La distribution des camps en présence n’impose pas seulement des vocables appropriés ; elle suppose, pour les partager clairement un usage généralisé des déterminants pluriels, qui permettent d’enrôler dans chaque camp, sans distinction, « les » uns et « les » autres : « nous » et « eux ».

Le modèle politique de cet usage belliqueux de la grammaire est désormais célèbre. On le doit à un éditorial de Jean-Marie Colombani, paru dans Le Monde daté du 13 septembre 2001.

« Dans ce moment tragique où les mots paraissent si pauvres pour dire le choc que l’on ressent, la première chose qui vient à l’esprit est celle-ci : nous sommes tous Américains ! Nous sommes tous New-Yorkais, aussi sûrement que John Kennedy se déclarait, en 1962 à Berlin, Berlinois. Comment ne pas se sentir en effet, comme dans les moments les plus graves de notre histoire, profondément solidaires de ce peuple et de ce pays, les Etats-Unis, dont nous sommes si proches et à qui nous devons la liberté, et donc notre solidarité.
[ ...] Cette situation commande à nos dirigeants de se hisser à la hauteur des circonstances. Pour éviter aux peuples que ces fauteurs de guerre convoitent et sur lesquels ils comptent d’entrer à leur tour dans cette logique suicidaire. Car on peut le dire avec effroi : la technologie moderne leur permet d’aller encore plus loin. La folie, même au prétexte du désespoir, n’est jamais une force qui peut régénérer le monde. Voilà pourquoi, aujourd’hui, nous sommes américains. »

Que Jean-Marie Colombani se sente américain est un sentiment privé qui ne regarde que lui [4]. Mais Jean Marie Colombani parle pour « nous ». Un « nous » de majesté friserait la mégalomanie, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. C’est un « nous » de solidarité qui englobe non seulement tout un peuple, mais tout un pays, gouvernement inclus, voire gouvernement d’abord. Et ce « nous » ne désigne pas collectivement la rédaction du Monde, mais le monde entier, c’est-à-dire, selon une optique tout à fait singulière, cette partie du monde qui, doit aux Etats-Unis, sa liberté. Et ceux qui doivent aux gouvernements et à l’armée des Etats-Unis, l’oppression, la servitude ou la guerre ?

Quoi qu’il soit, ce « nous » triomphal, devenu « américain », a fait d’innombrables adeptes. Et la fin de la guerre confirmera la grammaire de ses préparatifs. Ainsi, puisque « Nous sommes tous américains », depuis que Le Monde l’a décrété, c’est au Monde que Bernard-Henri Lévy, le 21 décembre 2001, a confié ce que ce « nous » exhaustivement américain pense. Cela s’intitule, modestement : « Ce que nous avons appris depuis le 11 septembre. »

Une fois les camps définis, la contribution sémantique des médias s’étend à la guerre elle-même : question de vocabulaire

2. Le vocabulaire du champ de bataille

Dans le vocabulaire du champ de bataille, le déchaînement de la violence oppose aux « attentats » (aveugles) des « dégâts « (collatéraux) et par conséquent, parmi les civils, des « victimes »(innocentes) et « victimes » (accidentelles). Un glossaire plus détaillé permet d’y voir plus clair.

Lire la suite de la première partie ici
Lire la deuxième partie ici 
Ecrit par rokakpuos, à 07:12 dans la rubrique "Pour comprendre".



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