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L'horreur ethnocratique
--> Par ronald Creagh
Lu sur mondialisme: Le drame du Moyen-Orient préoccupe, passionne, aveugle. Une saine réflexion impose de rechercher une position qui corresponde à la fois aux exigences de l'éthique et à celles de l'efficacité.
Un peu de notre âme est dans ce berceau d'une partie de l'humanité. Et mille questions se posent : pourquoi ces perpétuels conflits ? Peuvent-ils nous affecter ? Où veut-on nous mener ? Pouvons-nous et devons-nous agir ?

Le rôle des institutions étatiques au Moyen-Orient tend à obscurcir le caractère ethnique du conflit israélo-palestinien. Il convient de mettre à jour une forme de domination trop peu étudiée, la domination ethnocratique, plus générale qu'on ne le croît. La résolution des hostilités passe par une prise en compte de ce type de rapport.

On posera trois questions :

* Pourquoi s'intéresser à la Palestine ?

* La coexistence d'un Etat d'Israel et d'un Etat de la Palestine est-elle la solution souhaitable ?

* Quelle est la structure des rapports entre les deux populations ?

Cette réflexion se conclura par quelques propositions pour une action efficace et inspirée par l'éthique.

Mais comme l'auteur ne dispose pas du privilège de l'infaillibilité, il recevra avec reconnaissance les critiques, commentaires et suggestions. On trouvera son adresse à la fin de ce texte.

* Pourquoi s'intéresser à la Palestine ?

On peut d'abord remarquer que le drame palestinien est loin d'être le seul du monde contemporain. On ne parle guère pourtant des millions de Chinois atteints par le SIDA, du fait de l'incurie des services étatiques, des guerres endémiques qui sévissent dans plusieurs régions du globe, des pays en ruine d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du sud. En effet, depuis le dix-neuvième siècle aux Etats-Unis, et de plus en plus fréquemment ailleurs, quand les médias et les campagnes électorales ne se livrent pas aux discussions triviales, leurs débats sont strictement circonscrits aux intérêts des classes dirigeantes et le choix des positions acceptables est exclusivement orienté selon leurs intérêts. Ce n'est que lorsque des conflits internes opposent les magnats de la finance, de l'industrie ou de la politique qu'ils prennent à témoin l'opinion publique afin de la rallier à leur camp. Ce fut le cas, par exemple, au cours de la guerre du Vietnam.

Les médias ne parlaient guère du sort des Palestiniens pendant toute une époque. S'ils le déplorent maintenant, c'est parce qu'il existe un désaccord entre les décideurs : le gouvernement israélien d'une part, celui des Etats-Unis de l'autre.

Sans doute, les gouvernements états-unien et israélien sont d'accord sur l'existence et la nature de l'État palestinien, qu'ils entendent maintenir dans une situation de colonisé et un principicule de plus ne changerait pas grand chose à la situation. Mais Bush est embarrassé par son émule, Sharon, car les cadavres des Palestiniens hantent le monde arabe et le lui aliènent. Il souhaite rétablir le calme au plus tôt afin de pouvoir reprendre ses propres massacres, en Iraq ou ailleurs. Ainsi sommes-nous enfermés dans l'espace contraignant d'un discours qui nous impose à la fois l'objet de notre réflexion et ses propres alternatives.

Ainsi le Moyen-Orient ne peut nous laisser indifférents et s'il existe d'autres lieux sinistres, la proximité de celui-ci offre peut-être plus de possibilités d'action. Néanmoins, nous ne pouvons engager la réflexion avec des cartes faussées et nous trouver coincés dans une seule alternative, reconstruire ou non l'État palestinien, quand il existe d'autres possibilités.

* L'État est-il une solution ou fait-il partie du problème ?

Les militants de gauche raisonnent que si les Juifs ont droit à un État, les Palestiniens aussi. C'est vrai. Et aussi les Basques, les Bretons, les Corses, les Québécois, le Val d'Aoste, les Arméniens, les Kurdes et les Gitans.

La situation d'urgence, le réalisme semblent imposer cette solution et certains anarchistes l'appellent de leurs vœux : on ne peut laisser se perpétuer un ethnocide. Le mouvement libertaire se trouve divisé, comme il l'a été en 1914, en 1939, et plus récemment au moment de la guerre d'Algérie. Peut-il défiler avec des gens qui crient « allah akhbar », doit-il réclamer un État Palestinien, pour mettre fin au massacre ? Peut-il s'isoler d'un mouvement social toujours plus visible ? Dans sa position ultra minoritaire, a-t-il d'autres choix ? Il ne peut s'exposer au reproche de Péguy aux chrétiens : « Ils ont les mains propres, mais ils n'ont pas de mains ». Encore faut-il bien analyser la situation et les possibilités offertes à la mouvance libertaire.

Mais le réalisme est que la décision d'un État se fera sans demander l'avis des libertaires. D'une part, on peut toujours appeler État n'importe quel collectivité territoriale, et même, pourquoi pas, une île déserte ou un camp de réfugiés.

Quel esprit libertaire peut-il dans la même phrase réclamer l'autonomie d'un peuple et en faire le captif d'un État ? N'est-ce pas contradictoire et pervers ? L'État d'Israël fut une erreur historique, dénoncée d'ailleurs par certains juifs.

Dès 1906, le journal anarchiste Mother Earth, publié par Emma Goldman et des militants qui étaient pour la plupart d'origine judaïque, déploraient ce repli identitaire. Selon eux, les Juifs constituaient un peuple élu au sens où leur statut social les incitait à être les meilleurs combattants de toute guerre de libération. Le repli nationaliste constituait un abandon de l'esprit internationaliste si caractéristique de la judéité et aboutissait à un retrait du mouvement révolutionnaire international. Cette régression, ce rétrécissement des perspectives n'offrirait rien en échange : les Polonais avaient bien obtenu la souveraineté nationale qu'ils réclamaient, cela ne les avait pas empêché d'être la proie de la Russie1 .

L'opposition au nationalisme juif n'était pas limitée aux cercles radicaux, elle s'exprima aussi dans des milieux conservateurs. Le « Conjoint Committee » pour les questions concernant les communautés juives de l'étranger, fondé en 1878 par les deux principales organisations juives britanniques, le Board of Deputies et l'Anglo-Jewish Association publiait le 24 mai 1917 dans le Times de Londres la déclaration suivante :

« l'établissement en Palestine d'une nationalité juive fondée sur la théorie de l'absence de toute patrie pour les Juifs aurait pour conséquence de faire considérer les Juifs comme des étrangers dans leurs pays d'origine, et de compromettre leur situation péniblement acquise de citoyens et de nationaux de ces pays. Bien plus, une nationalité juive politique, poussée à sa conclusion logique, constituerait dans l'état actuel du monde un véritable anachronisme. Le seul critérium certain d'un Juif étant la religion juive, une nationalité juive devrait nécessairement se fonder sur la base de la religion et être limitée à elle. On ne saurait admettre un instant qu'un groupement quelconque de Juifs puisse aspirer à un état constitué sur une base religieuse et limité aux questions de liberté de conscience. Cependant une nationalité religieuse peut-elle avoir quelque autre formule politique ? La seule alternative serait l'établissement d'une nationalité juive temporelle, établie sur quelques vagues principes de race et de particularités ethnographiques ; mais une nation ainsi conçue ne serait pas juive au sens spirituel du mot ; son établissement en Palestine serait la négation de tout idéal, de toutes les espérances par quoi la restauration de la vie juive en ce pays se recommande à la conscience et à la sympathie du Judaïsme. »

Encore récemment, le 7 février 2002, le Congrès rabbinique de l'État de New York remettait en cause, pour des raisons religieuses, l'existence de l'État d'Israël : « L'observation des préceptes de la Torah interdit aux Juifs d'avoir un Etat, cet Etat fût -il religieux ».

Dans le camp opposé, les interventions du Hamas, du Hezbollah ou même d'Arafat n'augurent rien de positif. Les deux premiers manipulent le terrorisme en étant sans doute eux-mêmes manœuvrés par des pays musulmans et des services secrets occidentaux qui cherchent à vassaliser les Palestiniens. Quant à Arafat, il faut lui demander des comptes : l'Union européenne lui a versé des milliards. Où sont-ils passés ?

Ne pas s'enfermer dans la question de la nécessité d'un État. S'affranchir du déluge d'explications que déversent les médias. Tout cela relève plus de concepts recyclés d'un passé immédiat que d'une analyse en profondeur. Les sciences politiques ont forgé des outils pour appréhender quelque dix mille ans d'histoire, - celle des États, - ce qui ne représente guère qu'une infime proportion de l'histoire de l'humanité. Cinq minutes d'un bon film ne suffisent pas pour le comprendre.

L'apparition des « grandes civilisations » n'a pas éliminé les guerres tribales du passé mais les a sans doute exacerbées. Les « progrès » des techniques militaires permettent de perfectionner les traumatismes et les assassinats collectifs. Les styles et les mentalités se transforment, les formes diverses de groupes primaires persistent. Aucun continent n'échappe aujourd'hui aux querelles ethniques.

Et leur explication s'accompagne d'un éternel malentendu. On examine les responsabilités de l'État, les luttes de classe, les aspirations suscitées par telle ou telle culture ethnique contestataire, les points de cristallisation des conflits. On ne saisit pas le point aveugle des collectivités dominantes et contestées : celles-ci ne veulent pas voir que les contestataires les considèrent, elles-aussi, comme de simples groupes ethniques. Les Français de France, par exemple, ne se perçoivent pas comme une ethnie mais comme une culture et une civilisation.

Les majorités prétendument silencieuses se découvrent soudain minoritaires. Aux Etats-Unis par exemple, elles se voient contraintes d'offrir des gages symboliques en recrutant quelques minoritaires pour exercer dans leurs institutions des fonctions de représentation. En France, le courant lepéniste, d'extrême-droite, s'invente un passé imaginaire et, sous couvert de nationalisme, exprime sans le dire des revendications de type ethnique. Même les politiciens conventionnels utilisent le vocabulaire respectable des politologues ; ils parlent d'intégration, de citoyenneté, d'État de droit, et même dénoncent ce qu'ils conçoivent comme une forme de colonialisme ou d'impérialisme. Or la domination ethnique ne signifie pas seulement qu'une ethnie est dominée : il y a souvent aussi une ethnie dominante. Pour les dominés, l'intégration est impossible en dehors des alliances matrimoniales. Celles-ci sont particulièrement difficiles lorsqu'à l'obstacle financier et politique s'ajoutent les intransigeances dogmatiques des religions et des rites ethniques.

Ce type particulier de domination qu'est l'ethnocratie est volontairement ignoré par les médias, mais aussi par des observateurs politiques qui n'hésitent pourtant pas à parler d'ethnocide.

* Ethnocide ou ethnocratie ?

Israéliens et Palestiniens vivent une tragédie, mais la situation est loin d'être symétrique. Il existe d'un côté une puissance militaire majeure, soutenue par une superpuissance hégémonique, de l'autre un chapelet d'îlots où subsiste une population isolée et sans défense. Une grande partie de celle-ci vit dans de misérables camps de réfugiés et survit à une occupation militaire qui dure depuis trente-cinq ans, c'est-à-dire le temps d'une génération. Sa condition est comparable à la situation des Noirs d'Afrique du sud, au temps de l'apartheid : ces groupements humains ne sont que des colonies, même s'ils sont gratifiés de tous les emblèmes d'un État. Si certaines de leurs organisations se sont lancées dans des attentats suicides, qui relèvent assurément du terrorisme, ces actes se déroulent dans un cadre qui n'est pas celui d'une guerre, comme le disent les commentateurs, mais d'une guerre coloniale. De plus, l'invasion israélienne de leur territoire, après l'implantation systématique de colonies israéliennes dans ces enceintes, s'ajoutant aux déclarations de Sharon d'introduire dans le pays deux ou trois millions de juifs, ressemble fort à une volonté d'éliminer une population par tous les moyens possibles, voire à un ethnocide.

Le terme est-il trop fort ? Sans doute, une autorité dans le domaine de l'anthropologie, Pierre Clastres, a-t-il utilisé le mot au sujet de la destruction de la culture d'un groupe ethnique. Et il est vraisemblable que l'ethnocide culturel ait été introduit par le monothéisme, car les groupes polythéistes acceptaient l'existence d'autres divinités 2. Depuis, au nom de la religion, mais aussi du progrès ou de l'État, on a éradiqué des milliers de cultures. Tous les peuples connus sont ethnocentriques et, généralement, méprisent les autres. Seuls les monothéistes sont ethnocidaires et la civilisation capitaliste, qu'elle soit libérale comme aux Etats-Unis ou communiste comme en Chine, a repris cette vision hiérarchique des cultures : contrairement aux autres sociétés, le mépris ne suffit pas, il faut imposer son mode de vie.

Mais cette définition, trop large, demande à être précisée. A la différence du génocide, extermination physique d'un groupe ethnique, national, religieux ou racial , l'ethnocide peut être défini comme la destruction partielle ou totale de l'organisation politique, sociale, économique et culturelle d'un groupement humain : « l'Histoire pullule d'exemples qui montrent que l'on peut supprimer un groupement humain sans pour autant supprimer physiquement ses membres dès lors que l'on détruit toutes ses formes d'organisation ».

Il est important de clarifier la situation juridique des crimes perpétrés, mais on ne peut s'en tenir là : l'ensemble du contexte social doit être pris en compte, et c'est là que peut se révéler un concept fort utile, celui d'ethnocratie, sans doute forgé par Oren Yiftachel, géographe, Université Ben Gourion de Beer-Sheva (Israël), qui d'ailleurs l'applique à la situation d'Israël

"L'ETHNOCRATIE est un type de régime très répandu à travers le monde, mais il est rarement un objet d'étude dans le champ des sciences sociales. Son objectif principal est de faciliter l'expansion, "l'ethnicisation" et la domination d'une nation-ethnie (ou "groupe titulaire") sur un territoire et un Etat contestés. On trouve des exemples récents de régimes ethnocratiques au Sri Lanka, en Malaisie, Israël/Palestine, Estonie, Serbie ou Irlande du Nord.

Un régime ethnocratique procède de la combinaison de trois principales forces historiques et politiques en un même temps et un même lieu : (a) la colonisation, mouvement de population qui permet de contrôler un territoire étranger ; il peut être externe (vers un autre Etat ou continent) ou interne (au sein d'un même Etat) ; (b) l'ethno-nationalisme, qui s'appuie sur le droit d'auto-détermination nationale pour justifier les vues expansionnistes de la nation-ethnie dominante ; (c) la "logique ethnique" du capital, qui tend à stratifier les groupes ethniques en des ethno-classes par des procédures inéquitables de mobilité des capitaux, d'immigration et de globalisation économique.

De l'action concertée de ces trois forces découlent plusieurs caractéristiques fondamentales dans la plupart des ethnocraties :

- l'ethnicité et, souvent, la religion, déterminent le partage des ressources et des pouvoirs, plutôt que la citoyenneté ;

- la nation ethnique dominante s'approprie l'appareil d'Etat et donne forme au système politique, aux institutions publiques, à la géographie, à l'économie, à l'immigration, aux lois et à la culture, de façon à étendre et consolider son pouvoir sur l'Etat et le territoire ; la logique ethnique de répartition du pouvoir polarise le corps politique et le système de partis ;

- les frontières géopolitiques sont floues et privilégient souvent les membres du groupe ethnique dominant dans la diaspora, au détriment des minorités ;

- la ségrégation des "ethno-classes" et la stratification socioéconomique sont essentielles et visent à préserver les frontières géographiques, politiques, économiques et sociales sur une base ethnique.3 »

Israël n'est pas une démocratie, ce qui signifierait que les institutions étatiques soient gouvernées par l'ensemble des citoyens. Il a en effet été établi une distinction entre "citoyenneté" et "nationalité", qui fait que les Palestiniens ont la citoyenneté mais pas la nationalité ; et dans les territoires occupés ils n'ont même pas cette citoyenneté, alors que les occupants israéliens peuvent voter et, en fait, leurs voix changent l'équilibre des forces à l'intérieur du pays. De plus, les Juifs du monde entier ont le droit d'acheter des terrains, ce qui est dénié aux Palestiniens. Ces acquisitions ne deviennent pas propriété d'Etat, mais propriété inaliénable des juifs du monde. La société est donc bien assise dans un cadre juridique ethnique et non dans celui d'une démocratie.

La désarabisation s'appuie sur l'idéologie religieuse. On parle de "rédemption de la terre," ce qui en est la sacralisation. On réécrit l'histoire en parlant d'un "retour" après un "exil forcé" alors que des Juifs demeurèrent en Palestine des siècles après la destruction du Temple.

Le mouvement sioniste a permis la création de la Fondation nationale juive, qui a le droit d'acheter la terre, et aussi d'autres associations. L'Organisation sioniste mondiale/Agence juive fait partie du gouvernement et dispose parfois d'un budget égal à celui de l'État d'Israël, et elle reçoit de cet État d'énormes pouvoirs. Par exemple, elle a eu pour mission d'encourager la natalité, de manière à ce que les juifs aient plus d'enfants que les arabes.

Cette réflexion, appliquée au rapport entre Israël et la Palestine éclaire la situation globale et ouvre les différents axes d'une action constructive. 4

* Conjuguer l'éthique et l'efficacité

La situation minoritaire de la mouvance libertaire, ses positions politiques, l'écartent d'office des décisions internationales. C'est aussi un atout. Elle évite ainsi d'être compromise dans une gestion immédiate, dictée par les intérêts des grands. Ainsi libérée, elle a tout loisir de se consacrer à une réflexion sur les grandes questions et à une efficacité sur le long terme. Elle peut se demander, par exemple, s'il est souhaitable de laisser aux générations futures un héritage de conflits.

Une réflexion libertaire se situe hors de la morale et se place dans le champ de l'éthique. La morale, en effet, ne peut se justifier ni par l'évolution des mœurs ni par une décision démocratique ; le décideur doit donc se camoufler sous des valeurs qu'il proclame « essentielles » et qui lui seraient dictées de l'extérieur ; il invoque les traditions du groupe ou les grandes sources d'inspiration de l'humanité, une divinité transcendante, une substantifique nature humaine, un incontournable droit de l'homme. À ces morales imposées au nom d'un impératif, l'éthique libertaire oppose son propre examen des rapports de forces en présence, elle évalue leur capacité à augmenter l'autonomie des êtres qui y sont impliqués, et elle s'assume comme instance de décision individuelle et collective.

Elle se rappelle aussi, et dans le même temps, que la valeur d'un acte ne tient pas aux seules intentions ; elle est fonction de ses conséquences. Le travail constructif est plus fécond que la dénonciation tous azimuts ; et il est plus honnête de s'engager dans son propre lieu de vie que de déplorer ce qui se passe ailleurs.

A court terme, les Français, par exemple, peuvent réclamer l'interdiction des milices privées, tel le Bétar des sionistes 5, pratiquer le boycott des produits d'Israël et lutter contre la désinformation organisée par les belligérants.

Israël connaît aussi des inégalités économiques et sociales, et tout le monde, loin de là, ne profite pas du conflit. Eviter de confondre le peuple avec ses élites économiques, politiques et religieuses est une première étape de la réflexion et de l'action, ne serait-ce que pour ne pas se laisser emporter par la passion.

Nous devons surtout un soutien aux militaires insoumis et aux partisans israéliens et palestiniens d'une entente entre les peuples. Il est temps d'organiser leur défense et de l'exprimer sur la place publique avec la Ligue des Droits de l'homme, avec les Pacifistes, mais aussi avec toutes les associations et personnes actives dans la défense de la dignité humaine. A la passion sadique pour les récits des guerres nous pouvons substituer les épisodes et structures qui constitueraient une histoire de la tolérance. Juifs et Arabes ont des passés fort honorables qu'ils pourraient redécouvrir. Mais commençons par balayer devant notre porte : luttons sans relâche contre l'antisémitisme et le complexe de supériorité à l'égard des Arabes.

Enfin, à long terme, l'autonomie des personnes sur l'ensemble du territoire palestinien ne peut s'entendre que dans une structure fédérative à laquelle tous participent sur des bases affinitaires plutôt qu'ethniques, même si celles-ci se recoupent souvent. Plutôt que de voir deux populations s'exterminer, n'est-ce pas la seule solution viable ? Le passé ne revient jamais, mais les peuples changent. Qui aurait pu prédire, il y a moins d'un siècle, que des pays comme l'Allemagne et la France échangeraient leurs jeunesses et leurs savoirs, et même qu'ils formeraient une Union supérieure à leurs États respectifs ? Un avenir acceptable n'est possible que s'il est déjà intensément désiré.

Ronald Creagh

1 janvier 2003

(1) Mother Earth, New York, vol. I, (March 1906) n° 1, « Atavism ».

(2) Les récits des missionnaires chrétiens sont remplis de narrations sur leurs conflits avec les "sorciers" et autres magiciens, et il suffit de se rendre à Bethléem pour voir les rivalités séculaires de ces divers monothéismes.

(3)

(4) Le caractère crypto-ethnique des groupes religieux mériterait une longue étude, par exemple au sein des collectivités dominées, comme la Pologne le fut longtemps, ou encore dans les communautés d'immigrants.

(5) En France, par exemple, il est autorisé depuis 1923.



Ecrit par rokakpuos, à 06:42 dans la rubrique "Pour comprendre".



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