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L'En Dehors


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Pul-i-Charki, Afghanistan : derrière les barreaux de l’antique prison
--> de VAURO Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Lu ici : Pul-i-Charki est la plus vieille prison afghane. Elle est toujours restée en fonction, sous tous les régimes et toutes les occupations. Les prisons sont les seules institutions que les guerres ne renversent pas. A 35 kilomètres environ de Kaboul, vers l’est. Nous prenons la route au sud qui va vers Jalalabad, elle est plus longue pour aller à la prison, mais c’est la plus sûre ; l’autre, celle qui est directe, est très dangereuse parce que souvent empruntée par les convois de l’Isaf, et le danger d’attentats est constant.

La silhouette des murs de la prison se détache devant les montagnes, sur un plateau de terres déblayées ; dans l’atmosphère dense de poussière se reflètent, en éclairs, les toits de tôle des pavillons sous les rayons du soleil. De chaque côté du portail de fer par lequel on accède à la prison, se dressent deux tours, en pierre comme les murs, un nid de mitrailleuse sur chacune d’elles.

Une foule de parents

Dehors, les gardiens armés se mêlent à une petite foule de parents des prisonniers : des vieillards, des enfants, des femmes en burka ; ils portent des baluchons de toile, des concombres, de pauvres dons pour les détenus. Ils les posent sur une planche grossière, pour que les gardiens puissent les contrôler. A côté de la grille, deux petites baraques en bois servent aux fouilles corporelles.

Passée la première, on arrive à une seconde grille, grandes murailles et rouleaux de barbelés qui entourent le premier des trois blocs qui forment la prison. Les couleurs blanche et violette de deux plates-bandes entretenues par les prisonniers rompent la monotonie monochrome des murs et des bâtiments, bas et sales, aux petites fenêtres à l’horizontale, fermées de barreaux rouillés. Au fond de l’esplanade, il y a deux préfabriqués en taule peinte en gris, le toit surélevé par rapport aux parois pour laisser passer l’air ; tout autour, silencieux et accroupis sur les talons, une vingtaine de prisonniers attendent de pouvoir rencontrer leur femme et passer avec elles un moment d’intimité dans les préfabriqués de taule, comme il est prévu par la loi islamique.

Dès l’entrée dans le bâtiment de la prison, on est agressés par l’obscurité et par une odeur âcre de sueur et de métal ; des voix surgissent parfois, pour se taire ensuite à l’improviste, elles semblent venir du néant, jusqu’à ce que le yeux s’habituent à l’obscurité et qu’on commence à voir les visages des gardiens et des prisonniers. Difficile de les distinguer entre eux, barbes noires, peaux sombres comme si elles avaient absorbé l’obscurité en prenant sa couleur. Les cellules dérobent un peu de lumière par les petites fenêtres horizontales, dans chaque aile qui part du couloir central il y en a six, une à côté de l’autre ; sur le pavement, des vieux tapis ou des couvertures. Les prisonniers se lèvent quand ils nous voient passer et nous regardent avec une curiosité lasse et distante.

Trois centres de cure ambulatoire

Dans le dispensaire d’Emergency, on est frappé par le blanc du crépi, interrompant la couleur sale et indéfinie des murs du couloir ; il y a trois services, un par bloc, dans la prison de Pul-i-Charki. Ici la lumière peut entrer et on distingue bien les visages : celui de Mohammed Khan qui, sous sa barbe, semble cacher une grimace : une balle lui a détruit la mâchoire, il est venu pour une visite de contrôle ; celui, maigre, de Hassan, 28 ans, étendu sur le lit, propre, la main posée sur la poitrine montre un petit tatouage : deux feuilles. Hassan est un taliban, il a été arrêté il y a quatre ans à Kandahar, tabassé si violemment qu’il a eu un rein écrasé. Il a été opéré à l’hôpital d’Emergency et maintenant il est suivi ici, au dispensaire de la prison.

Tête rasée, visage creusé, barbe blanche et longue, le vieux Khaled est l’un des rares à porter l’uniforme de détenu, kaftan long à raies verticales, avec une balance de justice stylisée sur la poitrine ; il ne vient pas au centre pour être soigné mais pour rencontrer quelqu’un qui vient de l’extérieur : « Je n’ai pas de parents, d’amis, personne qui vienne me voir », dit-il.

Une grande cage métallique

Le bloc deux est entouré d’une grande cage métallique, parce que c’est de là, le 28 février dernier, qu’était partie la révolte qui a été réprimée avec un bilan de 5 morts et 31 blessés. Les parents en visite aussi doivent attendre dans la cage et les femmes couvertes par la burka semblent encore plus évanescentes quand on les entrevoit, de l’extérieur, à travers la dense grille d’acier.

Les cellules sont toujours les mêmes, brûlantes en été, et glacées l’hiver, quand la température descend à plus de 20 degrés au dessous de zéro. A Pul-i-Charki, l’eau n’arrive que deux heures par jour, l’électricité est distribuée par un générateur et il n’y a pas de chauffage. La première installation qui avait été construite a été volée pièce par pièce par les gardiens. Chaque hiver, Emergency fournit des kilomètres de toile transparente pour fermer les fenêtres et isoler les cellules du froid, autant que possible.

Deux cellules, cependant, sont très différentes des autres : de la fenêtre aux barreaux peints de frais, part le câble d’une antenne parabolique montée sur une des tours de garde, qui permet aux deux américains qui y sont détenus de regarder la télévision. Ils ont des wc privé et des appareils pour conditionner l’air froid ou chaud ; l’ambassade des Etats-Unis les a fait équiper comme des appartements de luxe et veille à tout le confort, de la nourriture au papier hygiénique. Les deux américains sont les contractors (mercenaires, ndt) qui avaient monté une prison privée à Kaboul, où ils enfermaient, torturaient, violaient à leur gré ceux qui tombaient entre leurs mains. Les portes de leurs cellules ont deux cadenas, un à l’extérieur pour les gardiens et un à l’intérieur qui leur permet de s’enfermer dans les cas où les gardiens n’arrivent pas ou n’ont pas envie de les protéger des autres détenus.

Le troisième bloc est celui des politiques, on construit là un nouveau pavillon, on y enfermera les prisonniers de Guantanamo : il est prévu qu’une première centaine arrivera en février-mars, le temps de transférer cette honte de Cuba en Afghanistan, quand Bush le décidera, dans sa bonté.

Femmes non voilées

Dans la prison de Pul-i-Charki, il y a 2500 prisonniers, 60 sont des femmes. Le département des femmes est à distance des autres, quand on a passé la grille, on a l’impression d’entrer dans un petit village plus que dans une prison : l’esplanade est animée par des enfants de tous âges qui courent et jouent sur des balançoires de fer ; leurs cris se mêlent aux rires et au bavardages vifs des groupes de femmes, blotties à l’abri de toiles montées sur des piquets pour se protéger du soleil. Ici aussi il y a des cellules, mais elles restent ouvertes 12 heures par jour. Il y a une pièce pour la couture et une pour les cours d’alphabétisation.

Massuda a des yeux incroyablement verts, qui se détachent dans son beau visage d’adolescente. Elle est en prison ici parce qu’elle s’est enfuie de chez elle, pour ne pas épouser le vieux que sa famille avait choisi pour elle. Une bonne partie des femmes emprisonnées a été accusée d’adultère par leurs maris qui, selon toute probabilité, voulaient se débarrasser d’elles et de leurs enfants. Robina aussi est jeune, son visage est plus décidé que celui de Massuda, peut-être parce qu’elle a les cheveux coupés court. Elle, elle est ici parce qu’elle est homosexuelle. Visages, cheveux, sourires de femmes afghanes qu’on ne peut voir qu’ici, non plus cachés par la burka ou par le voile. La « libération des femmes » qu’on a tant vantée ne se manifeste à Kaboul qu’à l’intérieur des murs d’une prison.

* Peacereporter.net

Edition de mercredi 12 juillet 2006 de il manifesto
Ecrit par rokakpuos, à 07:18 dans la rubrique "International".



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