L'En Dehors

Dans une interview aux ECHOS repris par l’agence Reuter, datée du 19 mai 2006, Madame ROYALE se livre à une analyse époustouflante de la situation française.

Le diagnostic est d’une pertinence rare, en effet, tenez vous bien, elle décèle un "déséquilibre ravageur" entre "le capital et le travail". Rien que ça ! Comment se fait-il que depuis le 19e siècle on soit passé à côté d’une chose aussi fondamentale. Désormais, l’opposition entre le travail et le capital semble constituer la problématique essentielle du système dans lequel nous vivons. Nous voyons désormais plus clairement les raisons de nos difficultés, dysfonctionnement et autres conflits.

Mais cette énarque, véritable passionaria, qui refuse modestement le terme de « royalisme », lui préférant celui de « ségolisme » (on se demande pourquoi ), va beaucoup plus loin que ce simple constat, elle annonce : "Tant que nous n'aurons pas réussi à mettre en place les nouvelles sécurités adaptées aux missions de notre monde, la peur et la méfiance l'emporteront". Les « nouvelles sécurités » voilà la solution… On avait les « sécurités », mais là il s’agit des « nouvelles sécurités ». C’est quoi ? Enfin vous ne savez pas ? C’est normal, c’est nouveau, ça vient de sortir. Aucun homme ou femme politique n’avait jusqu’à présent osé,, n’avait eu le courage et la pertinence, que dis je ? la clairvoyance, de parler des « nouvelles sécurités » c’est aujourd’hui chose faite, merci madame Royale pour ce courage politique. Et c’est tout naturellement que peur et méfiance vont disparaître de la planète.

Surtout que précis-t-elle, "Le vieux compromis fordien est mort mais aucun 'bon deal', (en anglais dans le texte) aucune 'nouvelle donne' ne l'a encore remplacé". Autrement dit on va remplacer du vieux par du neuf… car bien sûr personne ne s’était rendu compte que le « fordisme » était dépassé… comme quoi nous sommes des étourdis.

Mais revenons au « nouvelles sécurités » qui, tenez vous bien, doivent « conjuguer deux formes d’efficacité : économique et sociale ». Ben voyons. Comment ne pas avoir pensé plus tôt à cette conjugaison. Bref réconcilier le capital et le travail. Extraordinaire ! Décidément nous sommes sur la bonne voie… Nous vivions, mais ne conjuguions pas, mais où avions nous la tête ?

Pour cela il faut « assouplir  par le dialogue social ». Ca c’est important, assouplir. Assouplir quoi ? Mais le contrat de travail, le CDI qui doit « rester la base et constituer la colonne vertébrale »… Bref une colonne vertébrale souple… ça c’est bien, et commode. Surtout que dit-elle : « Une société qui se précarise dans ses principes fondamentaux va à la dérive ». Cette phrase n’a pas trop de sens mais elle a de la gueule quand on la déclame à haute voix … essayez !

Madame Royal veut aussi « assouplir » (c’est une manie !) les 35 heures. Ah bon ! Ca veut dire qu’on pourra ne pas faire que 35 heures ! C’est une mesure qui va certainement dans le sens de la diminution du temps de travail !...Merci Madame Royal.

«Accepter n'est pas subir »… « Il peut y avoir dans la libre concurrence des facteurs de progrès si elle est corrigée énergiquement dans ses effets pervers et régulée pour être mise au service du progrès. C'est la mission de la gauche. »

Bref, on peut accepter les licenciements, sans les subir,… tout est, probablement, une question de psychologie. Madame Royal redonne ainsi un nouvel espoir aux licenciés et aux chômeurs… Ils n’ont qu’à « accepter sans subir »… voilà la solution. Finalement on peut/doit tout accepter sans ne rien subir…C’est vrai qu’accepter est un acte volontaire, alors que subir est passif. Voilà une pensée profonde qui ne peux qu’apaiser les craintes des exclus, chômeurs et indigents, leur donner une nouvelle énergie pour dominer leur souffrance. Quant aux « corrections énergiques » de la libre concurrence  pour aller dans le «sens du progrès », elle fait probablement allusion à l’efficace, moderne et sociale politique de son mentor britannique Tony Blair… Ou peut-être à la philosophie « progressiste et interventionniste » de l’Organisation Mondiale du Commerce. Bref, elle a des références !

Autre pensée profonde : « Il est exclu de revoir nos solidarités à la baisse ou de se résigner au nombre croissant de travailleurs pauvres, mais il faut dire clairement qu'en contrepartie de toute ressource, il y a un travail ou une formation utile, ce qui est d'ailleurs prévu dans les textes ». C’est le « mais » qui fait toute la saveur de cette phrase, ce qui laisse en effet espérer que sous le règne de Madame Royal, chacune et chacun disposera d’un emploi et/ou d’une formation ( ?) ce dont on ne peut-être que convaincu.

Enfin, pour terminer sur ce recueil de paroles prophétiques, Madame Royal n’hésite pas à affirmer que : « Les règles respectées sont les règles respectables… ». Euh, vous voulez bien répéter ça,… lentement…On aurait pu penser l’inverse, mais si elle le dit !...Il paraît que c’est ce que l’on dit à l’ENA…. Alors !

A la lecture de ces propos on ne peut-être qu’admiratif devant la profondeur et l’originalité d’une telle pensée. Le monde se révèle à nous sous un jour nouveau. On comprend là toute l’importance d’une école comme l’ENA dont est issue Madame Royal et la pertinence de l’enseignement qui forme ce qui est incontestablement l’élite de la nation.

Il faut ici évoquer, en complément des propos de Madame Royal, le livre de Jack Lang, autre sommité de la pensée politique, modestement intitulé « Vaincre le chômage » dont tout le monde parle et qui a, et va bouleverser notre vision de la société et rajeuni, pour des générations, la pensée politique.

Si le projet du Parti Socialiste reprend ces points fondamentaux, il n’y a pas à douter que c’est dans l’enthousiasme que vont aller voter les citoyennes et citoyens. Le Parti Socialiste qui n’a jamais pu faire ses preuves au pouvoir va enfin pourvoir mettre en pratique ses solutions originales que tout le monde attend et ouvrir des horizons grandioses à tout un peuple.

L’Argentine a eu Evita, la France aura Ségolène.

Ainsi soit-elle !

                                                                                  Patrick MIGNARD