L'En Dehors

Ce qu’il y a de rassurant -ou d’inquiétant, c’est selon- avec la droite française, c’est que le temps passant, sa réputation de sottise ne se dément pas.

Certes, elle n’est plus « la plus bête du monde » depuis que les néoconservateurs bushistes lui ont ravi ce titre, mais elle tient encore d’altière façon sa place de dauphine.

Qu’on en juge : pas démonté par la dissolution ratée de l’Assemblée nationale en 1997, auto-désintégration dont il fut avec messieurs Chirac et Juppé l’un des principaux initiateurs, pas échaudé par les revers de ses prédécesseurs Balladur*, Juppé** –encore- et Raffarin, dont l’obstination antisociale conjugua contre eux la colère de la rue et la sanction des urnes, le Premier ministre Villepin n’a pas dû hésiter longtemps avant de s’expédier dans le tarin qu’il a protubérant la tarte à la crème du cépéheu, inutile gadget pour les patrons qui disposent déjà du céhéneu, du cédédé et de l’intérim afin d’assouplir à point l’employé, et authentique épouvantail pour tous ceux qui considèrent qu’à la précarité flexible déjà bien implantée dans les faits comme dans les têtes il ne s’avère pas indispensable d’ajouter l’humiliation d’avoir à faire ses preuves durant deux ans sous la menace permanente d’un licenciement arbitraire.

La seule tactique qui permettrait de douter de l’inintelligence politique de Villepin serait celle, bien connue, du tapeur professionnel, celui qui vous déclare qu’il aurait bien besoin de 10 000 € pour se refaire, puis qui, devant vos sueurs froides, ajoute que si vous pouviez lui en passer seulement mille, ma foi, ça ferait son affaire, de sorte que, soulagé, vous vous empressiez de lui signer le chèque qu’il espérait.

A cette condition, disons un an d’essai et l’éventuel licenciement dûment motivé, la population laborieuse ou aspirant à l’être se croirait gagnante d’avoir perdue moins qu’elle ne le redoutait tandis que le patronat économiserait quand même les frais occasionnés à sa comptabilité par la multiplication des CDD et autres intérims.
Reste à convaincre le prétentieux flambeur qu’il a joué trop gros pour ne pas quitter la table sans y laisser toute sa mise.

*ardent promoteur en 1994 du mort-né Cip, poudre miracle déjà destinée à récurer les jeunes.

**loué il y a onze ans pour le « courage » de « réformes » qui, ayant les mêmes cibles, eurent le même succès. A noter que, depuis, « l’immobilisme » du « modèle social » français n’a jamais empêché les actionnaires du CAC 40 de sabler le champagne.

Mathias Delfe