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CMAQ :
"Plus d’un millier de manifestantEs enragéEs ont pénétré hier dans le prestigieux Hôtel St-James de Montréal, provoquant un chahut généralisé et perturbant la pause-café des riches abasourdiEs. La manifestation était organisée dans le cadre d’une journée d’action provinciale marquant le premier anniversaire des élections ayant conduit Jean Charest et ses Libéraux à la tête du gouvernement du Québec.
Dès sa montée au pouvoir, le Premier Ministre Charest a amorcé son projet de réingénierie de l’État, visant la restructuration du gouvernement provincial afin de se soumettre aux intérêts de l^Òélite capitaliste et s’attaquant clairement aux nombreux programmes sociaux toujours en place au Québec. Cette réingénierie s’est traduite en lois anti-syndicales, en coupures aux subventions des garderies, en intention avouée de priver des milliers de personnes de l’aide sociale et en multiples autres mesures dépouillant les pauvres, les travailleurs et les travailleuses. Sur un des dépliants distribués lors des événements d’hier se lisait « Comme si on n’en avait pas déjà assez d’être priSEs à la gorge par des salaires minables, des jobs précaires, de l’aide sociale insuffisante et des loyers trop chers, le gouvernement libéral s’est donné comme mission ferme de nous appauvrir encore plus ».
Le gouvernement Charest s’est fait plusieurs ennemis. Hier, les rues de Montréal ont accueilli une marche syndicale et communautaire comptant plus de 10 000 personnes ainsi que d’autres manifestations organisées par divers comités logement, par des groupes anti-pauvreté et par la Fédération des communistes libertaires du Nord-Est.
À partir de 16h00, une foule s’est rassemblée au Carré Phillips pour une manifestation co-organisée par le Comité des sans-emploi Montréal-Centre et la CLAC Logement (de la Convergence des luttes anticapitalistes). Après quelques discours enflammés, les manifestantEs ont pris d’assaut la rue Ste-Catherine puis ont pénétré dans le centre d’achats de la Place Ville-Marie en scandant « La paix sociale est terminée! » et « On est pauvre parce qu’ils sont riches ». Les clientEs des boutiques huppées sont restéEs stupéfiéEs, sous le choc de se retrouver tout à coup au milieu d’un millier d’étudiantEs pauvres et de jeunes prolétaires en colère. La manifestation s’est faufilée dans le centre commercial puis dans la Gare Centrale adjacente et en est ressortie plusieurs coins de rue plus loin. La foule qui grossissait toujours est ensuite passée devant le Consulat américain puis s’est rendue à l’Hôtel St-James, probablement le plus chic hôtel de Montréal avec ses chambres coûtant jusqu’à 5000$ par nuit.
Les manifestantEs se sont précipitéEs aux portes d’entrée, en passant à côté de la gérante d’hôtel bouleversée pour enfin se rendre dans la salle à dîner exclusive du premier étage. Des hommes d’affaire, vêtus d’habits chics, ont été un peu dépourvus par la présence d’anarchistes masquéEs en noir qui ont commencé à sauter sur les tables de chêne, ou encore ont tenté de tirer les nappes de table sans faire tomber les assiettes et les verres; ce qui n’a pas fonctionné. Les manifestantEs ont également joué des airs sur le piano à queue et certainEs se sont rempli les poches de fourchettes et cendriers en argent. D’autres se sont assisEs aux tables des clients payants de l’hôtel et se sont serviEs en buvant leur vin et en mangeant leurs hors-d’oeuvres. Quelqu’unE a aussi graffité «À bas le capitalisme » sur un des murs. Plusieurs gardiens de sécurité de l’hôtel ont essayé d^Òattraper un manifestant, mais en ont été empêchés par les autres. Un des gardiens de sécurité a avoué à une organisatrice : « Ne t’en fais pas, je ne vais pas vous empêcher de faire quoi que ce soit. Je me fais juste payer 10$ l^Òheure. Je suis de votre côté. »
Après quelques minutes de branle-bas, les manifestantEs à l’intérieur de l’hôtel ont continué leur chemin vers le centre d’achat ultra chic du Centre de Commerce Mondial de Montréal qui communique avec l’Hôtel St-James. La manifestation est passée dans le Centre en renversant des tables et des petits arbustes intérieurs avant de finir dans la marche syndicale.
La bande hétéroclite s’est dispersée dans la marche syndicale sous les yeux de la police qui n’a jamais eu l’occasion d’intervenir et qui s’est retrouvée complètement dépassée par les événements. Il n’y a eu aucune arrestation.
Reste à voir si cette action militante fera boule de neige ou si le vent de contestation sera perdu dans l’électoralisme et le nationalisme. Mais le potentiel pour un mouvement de lutte, organisé par des pauvres qui sont prêtEs à se battre sans compromis et faire des actions qui perturbent réellement le gouvernement Charest, est bel et bien là. L’esprit de la journée peut sans doute être le mieux exprimé par les auto-collants posés tout le long du trajet de la manif, à l’intérieur du centre d’achat, dans les rues du centre-ville, sur les panneaux de signalisation, les gros véhicules utilitaires et les autos de police. Les auto-collants montraient le visage de Charest à côté de la phrase : « Ostie de crosseur! ».