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Notes & Morceaux Choisis : "« Les meilleurs produits sappellent bénéfice ! »(Slogan publicitaire de Monsanto).Le 10 septembre 1998, une centaine dagriculteurs opposés au génie génétique procédaient à la destruction de micro-parcelles de maïs et de soja transgéniques lors dune journée portes ouvertes, organisée par la compagnie MONSANTO, à lintention de ses distributeurs et des leaders de la maïsiculture régionale, sur son site dexpérimentation de Monbéqui dans le Tarn-et-Garonne.
MONSANTO a saisi le Tribunal de Grande Instance de Montauban qui devait se prononcer le 27 janvier 1999 sur la procédure civile intentée par la compagnie multinationale à lencontre de la Confédération paysanne et dun de ses anciens secrétaire nationnaux, René Riesel, poursuivi ici es-qualité et à titre personnel, déjà condamné pour destruction de semences de maïs transgénique NOVARTIS et mis en examen pour destruction de riz transgénique dun institut de recherche public, le CIRAD.
MONSANTO réclame notamment au tribunal de lui allouer un million trois cent mille francs (1 300 000 F) « en réparation du préjudice subit (art. 1382 du Code Civil) » et « de faire défense à la Confédération paysanne et à Monsieur René Riesel de troubler la société MONSANTO dans lexercice de ses activités, en application des dispositions de larticle 7 de la loi des 2-17 mars 1791 ».
Absent à laudience, à lissue de laquelle le jugement a été mis en délibéré, René Riesel avait demandé à son défenseur, Mme Marie-Christine Etelin, de lire au Tribunal la déclaration suivante :
Depuis deux ans qua commencé en France la campagne dopposition aux OGM, je nai décliné aucune des responsabilités quon a bien voulu my reconnaître en tant quinstigateur ou organisateur de nombreuses actions directes de destruction de végétaux transgéniques. Non plus que comme simple participant à de telles actions quand dautres en prenaient la nécessaire initiative.
Je demeure convaincu de leur utilité. Nul ne contestera au demeurant que leur mérite, si mince quon le juge, aura au moins été de contribuer à interdire que loffensive du génie génétique puisse se dérouler en silence sur ce continent.
Cest toute lexplication dun mystère qui serait autrement fort déconcertant. Pourquoi la puissante World Compagnie Monsanto, quon avait connue si empressée à publier la liste de ses acquisitions, de ses lauriers boursiers ou de ses succès technologiques, avant que les luddites ne lui empoisonnent la vie et contrarient ses desseins humanistes, se satisfait-elle dengager une procédure au civil dans laffaire de Monbéqui ?
Dun siècle dexpérience industrielle La société Monsanto a retenu que le silence était encore le meilleur rempart pour garantir le « principe de la liberté du commerce et de lindustrie » à lappui duquel elle invoque avec à-propos la loi des 2-17 mars 1791. Cest pourquoi, outre « une somme qui ne saurait être inférieure à un million trois cent mille francs », montant « très précisement » chiffré par ses soins, Monsanto demande centralement au Tribunal, « pour ne pas aboutir à cette extrêmité [] dune action pénale, si des incidents similaires survenaient par la suite [] quil soit fait défense [] de troubler Monsanto dans le libre exercice de ses activités. »
Monsanto est, on le sait, une des toutes premières firmes à sêtre engouffrée dans lexploitation des technologies génétiques. Mais ce nest pas le seul mérite de cet honnête industriel dont le métier, comme on dit dans son monde, a dabord été la chimie.
Célèbre pour avoir été le principal producteur de lAgent Orange, lefficace défoliant de la guerre du Viet-Nam, il a également conçu et fabriqué depuis 1901 de nombreux désinfectants, spécialités pharmaceutiques et pesticides réputés pour leurs propriétés cancérigènes ou leur teneur en dioxines. Rien ne saurait ternir un tel palmarès. Ni limpressionnante sollicitude quil a constamment témoignée aux ouvriers et populations exposés aux contaminations dispensées par ses usines. Ni les centaines de millions de dollars dont il a dû sacquitter en dépit, et parfois en raison, des manipulations ou des subornations de témoins et de membres de ladministration, auxquelles il sest fréquement résigné dans lintérêt de la liberté du commerce et de lindustrie.
Sa reconversion dans le génie génétique nallait pas mener Monsanto à renoncer aux pratiques qui sont le fondement de sa culture dentreprise. Contrats léonins imposés aux cotonniers nord-américains, poursuites judiciaires contre des agriculteurs soupçonnés davoir conservés une partie de leur récolte pour la resemer, mise sur le marché à grande échelle, en Inde et aux états-Unis, de variétés transgéniques défectueuses, pressions sur limprimeur britannique du mensuel The Ecologist pour lanemer à détruire un dossier consacré à la firme, incitations ouverte à la délation, intox, recours aux plus sinistres polices privées, Monsanto continue de défendre la liberté du commerce et de lindustrie.
Jai un point daccord avec les conclusions présentées par Monsanto au Tribunal : je considère aussi que ce serait « se tromper de débat » que de se perdre ici « en digressions à propos des effets prétenduement négatifs des organismes génétiquement modifiés ». Les faits bien établis que je viens dévoquer attestent suffisamment que si les effroyables promesses de la technoscience génétique avaient eu un seul avantage prévisible pour les hommes, elles nauraient pas intéressé Monsanto !
On ne cherche pas à se justifier des accusations portées par un tel accusateur.
Mais en jugeant sil y a lieu de donner droit aux réclamations de Monsanto, le Tribunal dira du même coup sil juge bon de garantir à Monsanto le libre exercice de ces activités.
René Riesel.