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Lu sur Féministes.net : "En France, des femmes, on n'en veut ni trop voilées ni trop dévoilées. On ne veut que celles qui se situent dans un juste milieu entre ces deux extrêmes. N'est-ce pas le secret de la faveur qu'a rencontré le slogan : «Ni putes ni soumises» ? Lorsqu'elles s'éloignent de cet idéal, on dit non seulement qu'elles ne sont pas libres, mais encore qu'elles sont manipulées : cherchez, au choix, le terroriste ou le proxénète. On ne se pose même pas la question de savoir si, bien que voilées, elles réussissent à faire des études supérieures, à trouver de bons emplois (dans la mesure où leur nom à consonance «voilée» le leur permet). Pas plus qu'on ne se pose la question de savoir si, comme prostituées, elles ne seraient pas susceptibles d'avoir des gains nettement supérieurs aux autres travailleuses et de mener de ce fait une vie plus autonome. Car ce serait se demander pourquoi les laïques de souche, elles qui ne sont pourtant ni trop voilées ni trop dévoilées, se retrouvent si souvent femmes au foyer, à mi-temps, avec une formation amoindrie, touchant de misérables allocations de l'Etat (dites cette fois de «libre choix») pour éduquer leurs enfants. La seule chose qui importe, pour savoir si une femme est libre, c'est le rapport qu'elle entretient avec son corps, et notamment la manière dont elle vit sa sexualité.
Néanmoins, rien n'est moins évident que les liens que l'on suppose entre le choix de sa sexualité et l'autonomie réelle des femmes. Et surtout, on pourrait se demander si ce que l'on dénomme la libération sexuelle des femmes ne serait pas la forme par laquelle les servitudes millénaires qu'on leur impose ont été reconduites. Une analyse des évolutions juridiques des trente dernières années nous montre que c'est la sexualité des femmes qui a pris la place qu'occupait autrefois le mariage dans la construction des familles. Les rapports sexuels suivis d'une grossesse et d'un accouchement sont devenus leur fondement. Les femmes décident seules de la venue au monde des enfants, peuvent imposer la paternité aux hommes, et elles restent, pour la plupart, après séparation ou divorce, avec leurs enfants. Par ce biais, les femmes sont devenues les chefs des nouvelles familles concubinaires issues des années 1970. Ces dispositifs assurent l'authenticité du désir de maternité qui est la garantie de liens familiaux stables. Leur sexualité est ainsi redevenue une véritable affaire d'Etat.
Mais, dans le même temps, la place que les femmes ont prise dans la famille est source de précarisation sur le marché du travail et constitue l'un des plus forts facteurs structurels d'inégalité réelle entre les sexes. Pour pallier ceci sans rien changer dans l'organisation familiale, on cherche, par des mesures de plus en plus volontaristes, à combler l'écart entre les femmes-mères et les hommes. Par ces mesures les femmes sont devenues des sujets faibles, nécessitant sans cesse l'appui musclé de l'Etat. Ces contraintes exercées sur les hommes, les entreprises et les partis politiques sont présentées comme des réponses à une violence masculine supposée (discrimination, haine sexiste, etc.) : d'où pourrait venir, sinon, la résistance têtue des inégalités entre les sexes dans le monde pourtant juridiquement parfait dans lequel nous vivons ? Pas un instant on ne se laisse effleurer par l'idée qu'elle pourrait avoir sa source dans l'organisation juridique de la famille elle-même.
Les femmes trop voilées et trop dévoilées apparaissent comme des expressions de l'idéologie sexiste qui est à l'origine de tous les maux des femmes. Les premières semblent abdiquer de manière «ostentatoire» leur rôle de chef de famille au profit d'un homme. Les secondes établissent un échange entre la sexualité et l'argent qui vient contredire le seul tenu pour légitime, celui entre le sexe et un lien familial. Comment la République ne se sentirait-Elle pas concernée puisque cette explication lui permet de ne pas s'interroger sur le coût que doivent payer les laïques de souche en termes d'autonomie réelle pour qu'Elle puisse continuer à avoir des «fils» et des «filles» ?
On pourrait faire remarquer que les femmes qui refusent aussi bien de se voiler que de se dévoiler ne pourront se prétendre réellement libres qu'à la condition qu'elles aient aussi le droit de le faire. Mais il est vain en réalité de poser ces problèmes en termes de liberté individuelle. Car ce qui importe, ce n'est pas tant qu'on impose aux femmes un idéal normatif qui vient empiéter sur ce qui relève de choix «privés», mais que ce problème en masque un autre : celui de la manière dont les politiques publiques contribuent à renforcer ou à affaiblir leur autonomie réelle. S'il s'agit donc de contraindre les femmes à quelque chose pour les «libérer» de leurs servitudes, il faudrait plutôt cesser de promouvoir leur place dans la famille. Qu'on ait pu, dans la même année, laisser passer sans sourciller la création d'une allocation de libre choix pour le premier enfant, dont on sait d'avance les conséquences catastrophiques qu'elle aura sur le niveau de vie des femmes, et débattre à longueur de colonnes sur le voile et le string, montre bien l'incapacité à aborder sérieusement les véritables problèmes de l'inégalité entre les sexes.